Les faits et gestes du héros de Virgile, ancêtre mythique d’Auguste, peinent à occuper le devant de la scène, comme si la postérité ne s’y reconnaissait pas. Les raisons d’un tel déséquilibre méritaient d’être interrogées. Traître en amour et traître à sa patrie, qu’il a livrée aux Grecs, Énée a longtemps été condamné. Même son parcours rédempteur ne suffit pas à le racheter, car il paraît trop sérieux, trop réfléchi, pour susciter l’empathie qui permettrait à des publics successifs de s’y reconnaître. Quelles conditions historiques doivent donc être remplies pour qu’une revalorisation d’Énée devienne possible, que ses aventures reprennent sens ? Au prix de quelles distorsions l’acculturation de l’épopée antique se réalise-t-elle d’une génération de lecteurs à l’autre, en Europe et ailleurs ? Les métamorphoses d’Énée au fil des siècles comportent des enjeux littéraires et culturels, mais aussi existentiels et idéologiques. Énée se prête à une lecture politique, car il est le père d’un empire et un chef de guerre ; par ses errances et ses erreurs, sa rencontre avec Didon (l’amour), puis avec son père en enfer (le devoir), il apparaît comme un individu en quête d’identité, cherchant un sens à donner à sa vie. Élève attentif de la Sibylle, curieux de l’au-delà qu’il parcourt, il fait aussi figure d’un intellectuel avide de savoir. Du roman médiéval à la bande dessinée en passant par le théâtre, l’opéra et la parodie désacralisante, chaque époque a choisi son Énée, qu’elle y trouve un modèle ou le voue aux gémonies. De Fulgence, commentateur de l’Énéide, à Christa Wolf, sa trajectoire n’a cessé de soulever des interrogations fondamentales. Jean-Claude Mühlethaler est professeur à l’université de Lausanne où il enseigne la littérature française du Moyen Âge et de la Renaissance. Auteur de nombreux articles consacrés à la réception de la culture antique au Moyen Âge et à la Renaissance, il a publié en 2012 Charles d’Orléans, un lyrisme entre Moyen Âge et modernité.
Les faits et gestes du héros de Virgile, ancêtre mythique d’Auguste, peinent à occuper le devant de la scène, comme si la postérité ne s’y reconnaissait pas. Les raisons d’un tel déséquilibre méritaient d’être interrogées. Traître en amour et traître à sa patrie, qu’il a livrée aux Grecs, Énée a longtemps été condamné. Même son parcours rédempteur ne suffit pas à le racheter, car il paraît trop sérieux, trop réfléchi, pour susciter l’empathie qui permettrait à des publics successifs de s’y reconnaître. Quelles conditions historiques doivent donc être remplies pour qu’une revalorisation d’Énée devienne possible, que ses aventures reprennent sens ? Au prix de quelles distorsions l’acculturation de l’épopée antique se réalise-t-elle d’une génération de lecteurs à l’autre, en Europe et ailleurs ? Les métamorphoses d’Énée au fil des siècles comportent des enjeux littéraires et culturels, mais aussi existentiels et idéologiques. Énée se prête à une lecture politique, car il est le père d’un empire et un chef de guerre ; par ses errances et ses erreurs, sa rencontre avec Didon (l’amour), puis avec son père en enfer (le devoir), il apparaît comme un individu en quête d’identité, cherchant un sens à donner à sa vie. Élève attentif de la Sibylle, curieux de l’au-delà qu’il parcourt, il fait aussi figure d’un intellectuel avide de savoir. Du roman médiéval à la bande dessinée en passant par le théâtre, l’opéra et la parodie désacralisante, chaque époque a choisi son Énée, qu’elle y trouve un modèle ou le voue aux gémonies. De Fulgence, commentateur de l’Énéide, à Christa Wolf, sa trajectoire n’a cessé de soulever des interrogations fondamentales. Jean-Claude Mühlethaler est professeur à l’université de Lausanne où il enseigne la littérature française du Moyen Âge et de la Renaissance. Auteur de nombreux articles consacrés à la réception de la culture antique au Moyen Âge et à la Renaissance, il a publié en 2012 Charles d’Orléans, un lyrisme entre Moyen Âge et modernité.