Author: | Alexandre Dumas | ISBN: | 1230000645201 |
Publisher: | Consumer Oriented Ebooks Publisher | Publication: | September 4, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Alexandre Dumas |
ISBN: | 1230000645201 |
Publisher: | Consumer Oriented Ebooks Publisher |
Publication: | September 4, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
Le 7 du mois de mai, que les Grecs appellent thargélion, l'an 57 du
Christ et 810 de la fondation de Rome, une jeune fille de quinze à seize
ans, grande, belle et rapide comme la Diane chasseresse, sortait de
Corinthe par la porte occidentale, et descendait vers la plage: arrivée
à une petite prairie, bordée d'un côté par un bois d'oliviers, et de
l'autre par un ruisseau ombragé d'orangers et de lauriers-roses, elle
s'arrêta et se mit à chercher des fleurs. Un instant elle balança entre
les violettes et les glaïeuls que lui offrait l'ombrage des arbres de
Minerve, et les narcisses et les nymphéas qui s'élevaient sur les bords
du petit fleuve ou flottaient à sa surface; mais bientôt elle se décida
pour ceux-ci, et, bondissant comme un jeune faon, elle courut vers le
ruisseau.
Arrivée sur ses rives, elle s'arrêta; la rapidité de sa course avait
dénoué ses longs cheveux; elle se mit à genoux au bord de l'eau, se
regarda dans le courant, et sourit en se voyant si belle. C'était en
effet une des plus ravissantes vierges de l'Achaïe, aux yeux noirs et
voluptueux, au nez ionien et aux lèvres de corail; son corps, qui avait
à la fois la fermeté du marbre et la souplesse du roseau, semblait une
statue de Phidias animée par Prométhée; ses pieds seuls, visiblement
trop petits pour porter le poids de sa taille, paraissaient
disproportionnés avec elle, et eussent été un défaut, si l'on pouvait
songer à reprocher à une jeune fille une semblable imperfection: si bien
que la nymphe Pyrène, qui lui prêtait le miroir de ses larmes, toute
femme qu'elle était, ne put se refuser à reproduire son image dans toute
sa grâce et dans toute sa pureté. Après un instant de contemplation
muette, la jeune fille sépara ses cheveux en trois parties, fit deux
nattes de ceux qui descendaient le long des tempes, les réunit sur le
sommet de la tête, les fixa par une couronne de laurier-rose et de
fleurs d'oranger qu'elle tressa à l'instant même; et laissant flotter
ceux qui, retombaient par derrière, comme la crinière du casque de
Pallas, elle se pencha sur l'eau pour étancher la soif qui l'avait
attirée vers cette partie de la prairie, mais qui, toute pressante
qu'elle était, avait cependant cédé à un besoin plus pressant encore,
celui de s'assurer qu'elle était toujours la plus belle des filles de
Corinthe. Alors la réalité et l'image se rapprochèrent insensiblement
l'une de l'autre; on eût dit deux soeurs, une nymphe et une naïade,
qu'un doux embrassement allait unir: leurs lèvres se touchèrent dans un
bain humide, l'eau frémit, et une légère brise, passant dans les airs
comme un souffle de volupté, fit pleuvoir sur le fleuve une neige rose
et odorante que le courant emporta vers la mer.
Le 7 du mois de mai, que les Grecs appellent thargélion, l'an 57 du
Christ et 810 de la fondation de Rome, une jeune fille de quinze à seize
ans, grande, belle et rapide comme la Diane chasseresse, sortait de
Corinthe par la porte occidentale, et descendait vers la plage: arrivée
à une petite prairie, bordée d'un côté par un bois d'oliviers, et de
l'autre par un ruisseau ombragé d'orangers et de lauriers-roses, elle
s'arrêta et se mit à chercher des fleurs. Un instant elle balança entre
les violettes et les glaïeuls que lui offrait l'ombrage des arbres de
Minerve, et les narcisses et les nymphéas qui s'élevaient sur les bords
du petit fleuve ou flottaient à sa surface; mais bientôt elle se décida
pour ceux-ci, et, bondissant comme un jeune faon, elle courut vers le
ruisseau.
Arrivée sur ses rives, elle s'arrêta; la rapidité de sa course avait
dénoué ses longs cheveux; elle se mit à genoux au bord de l'eau, se
regarda dans le courant, et sourit en se voyant si belle. C'était en
effet une des plus ravissantes vierges de l'Achaïe, aux yeux noirs et
voluptueux, au nez ionien et aux lèvres de corail; son corps, qui avait
à la fois la fermeté du marbre et la souplesse du roseau, semblait une
statue de Phidias animée par Prométhée; ses pieds seuls, visiblement
trop petits pour porter le poids de sa taille, paraissaient
disproportionnés avec elle, et eussent été un défaut, si l'on pouvait
songer à reprocher à une jeune fille une semblable imperfection: si bien
que la nymphe Pyrène, qui lui prêtait le miroir de ses larmes, toute
femme qu'elle était, ne put se refuser à reproduire son image dans toute
sa grâce et dans toute sa pureté. Après un instant de contemplation
muette, la jeune fille sépara ses cheveux en trois parties, fit deux
nattes de ceux qui descendaient le long des tempes, les réunit sur le
sommet de la tête, les fixa par une couronne de laurier-rose et de
fleurs d'oranger qu'elle tressa à l'instant même; et laissant flotter
ceux qui, retombaient par derrière, comme la crinière du casque de
Pallas, elle se pencha sur l'eau pour étancher la soif qui l'avait
attirée vers cette partie de la prairie, mais qui, toute pressante
qu'elle était, avait cependant cédé à un besoin plus pressant encore,
celui de s'assurer qu'elle était toujours la plus belle des filles de
Corinthe. Alors la réalité et l'image se rapprochèrent insensiblement
l'une de l'autre; on eût dit deux soeurs, une nymphe et une naïade,
qu'un doux embrassement allait unir: leurs lèvres se touchèrent dans un
bain humide, l'eau frémit, et une légère brise, passant dans les airs
comme un souffle de volupté, fit pleuvoir sur le fleuve une neige rose
et odorante que le courant emporta vers la mer.