Author: | Georges Darien | ISBN: | 1230000830584 |
Publisher: | Petite Plume Edition | Publication: | December 7, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Georges Darien |
ISBN: | 1230000830584 |
Publisher: | Petite Plume Edition |
Publication: | December 7, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
La guerre a été déclarée hier. La nouvelle en est parvenue à Versailles dans la soirée.
M. Beaudrain, le professeur du lycée qui vient me donner des leçons tous les jours, de quatre heures et demie à six heures, m’a appris
la chose dès son arrivée, en posant sa serviette sur la table.
Il a eu tort. Moi qui suis à l’affût de tous les prétextes qui peuvent me permettre de ne rien faire, j’ai saisi avec empressement celui
qui m’était offert.
— Ah ! la guerre est déclarée ! Est-ce qu’on va se battre bientôt, monsieur ?
— Pas avant quelques jours, a répondu M. Beaudrain avec suffisance. Un de mes amis, capitaine d’artillerie, que j’ai rencontré en venant ici,
m’a dit que nous ne passerions guère le Rhin avant une huitaine de jours.
― Alors, nous allons passer le Rhin ?
― Naturellement. Il est nécessaire de franchir ce fleuve pour envahir la Prusse.
― Alors, nous envahirons la Prusse ?
― Naturellement, puisque nous avons 1813 et 1815 à venger.
― Ah ! oui, 1813 et 1815 ! Après Waterloo, n’est-ce pas, monsieur ? Quand Napoléon a été battu ?…
― Napoléon n’a pas été battu. Il a été trahi, a fait M. Beaudrain en hochant la tête d’un air sombre. Mais donnez-moi donc votre devoir ;
c’est un chapitre des Commentaires, je crois ?
― Oui, monsieur… J’ai vu chez M. Pion…
― … Les Commentaires… Ah ! c’était un bien grand capitaine que César ! Eh ! eh ! nous suivons ses traces. Seulement nous n’aurons pas besoin
de perdre trois jours, comme lui, à jeter un pont sur le Rhin ; nous irons un peu plus vite, eh ! eh !… Qu’est-ce que vous avez vu, chez M.
Pion ?
― Une gravure qui représente Napoléon partant pour Sainte-Hélène et prononçant ces mots : « Ô France… »
Le professeur m’a coupé la parole d’un geste brusque ; et, passant la main droite dans son gilet, la main gauche derrière le dos, il a murmuré
d’une voix lugubre en levant les yeux au plafond :
― « Ô France, quelques traîtres de moins et tu serais encore la reine des nations ! »…
La guerre a été déclarée hier. La nouvelle en est parvenue à Versailles dans la soirée.
M. Beaudrain, le professeur du lycée qui vient me donner des leçons tous les jours, de quatre heures et demie à six heures, m’a appris
la chose dès son arrivée, en posant sa serviette sur la table.
Il a eu tort. Moi qui suis à l’affût de tous les prétextes qui peuvent me permettre de ne rien faire, j’ai saisi avec empressement celui
qui m’était offert.
— Ah ! la guerre est déclarée ! Est-ce qu’on va se battre bientôt, monsieur ?
— Pas avant quelques jours, a répondu M. Beaudrain avec suffisance. Un de mes amis, capitaine d’artillerie, que j’ai rencontré en venant ici,
m’a dit que nous ne passerions guère le Rhin avant une huitaine de jours.
― Alors, nous allons passer le Rhin ?
― Naturellement. Il est nécessaire de franchir ce fleuve pour envahir la Prusse.
― Alors, nous envahirons la Prusse ?
― Naturellement, puisque nous avons 1813 et 1815 à venger.
― Ah ! oui, 1813 et 1815 ! Après Waterloo, n’est-ce pas, monsieur ? Quand Napoléon a été battu ?…
― Napoléon n’a pas été battu. Il a été trahi, a fait M. Beaudrain en hochant la tête d’un air sombre. Mais donnez-moi donc votre devoir ;
c’est un chapitre des Commentaires, je crois ?
― Oui, monsieur… J’ai vu chez M. Pion…
― … Les Commentaires… Ah ! c’était un bien grand capitaine que César ! Eh ! eh ! nous suivons ses traces. Seulement nous n’aurons pas besoin
de perdre trois jours, comme lui, à jeter un pont sur le Rhin ; nous irons un peu plus vite, eh ! eh !… Qu’est-ce que vous avez vu, chez M.
Pion ?
― Une gravure qui représente Napoléon partant pour Sainte-Hélène et prononçant ces mots : « Ô France… »
Le professeur m’a coupé la parole d’un geste brusque ; et, passant la main droite dans son gilet, la main gauche derrière le dos, il a murmuré
d’une voix lugubre en levant les yeux au plafond :
― « Ô France, quelques traîtres de moins et tu serais encore la reine des nations ! »…