Author: | Georges Darien | ISBN: | 1230000272237 |
Publisher: | PRB | Publication: | October 4, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Georges Darien |
ISBN: | 1230000272237 |
Publisher: | PRB |
Publication: | October 4, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
Biribi, discipline militaire - Georges Darien
Ce livre comporte une table des matières dynamique.
Il est parfaitement mis en page pour une lecture sur liseuse électronique.
Georges Darien (1862 - 1921) est un écrivain français de tendance anarchiste. Marquée par l'injustice et l'hypocrisie, son œuvre, qui regroupe romans, pièces de théâtre, participations à des magazines littéraires, se place sous le signe de la révolte et de l'écœurement.
Biribi est un terme informel qui désigne, non un lieu réel, mais un ensemble de compagnies disciplinaires et d'établissements pénitentiaires qui étaient stationnés en Afrique du Nord, alors colonie française, et destinés à recevoir les militaires réfractaires ou indisciplinés de l'armée française.
Dans ces véritables bagnes, les soldats effectuaient divers travaux de force soumis à un régime très dur.
Biribi est un roman mais c'est un livre vrai. Biribi a été vécu.
Extrait :
― Alea jacta est !… Je viens de passer le Rubicon…
Le Rubicon, c’est le ruisseau de la rue Saint-Dominique, en face du bureau de recrutement. Je rejoins mon père qui m’attend sur le trottoir.
― Eh bien ! ça y est ?
― Oui, p’pa.
Je dis : Oui, p’pa, d’un ton mal assuré, un peu honteux, presque pleurnichard, comme si j’avais encore huit ans, comme si mon père me demandait si j’ai terminé un pensum que je n’ai pas commencé, si j’ai ressenti les effets d’une purge que je n’ai pas voulu prendre.
Pourtant, je n’ai plus huit ans : j’en ai presque dix-neuf ; je ne suis plus un enfant, je suis un homme ― et un homme bien conformé. C’est la loi qui l’assure, qui vient de me l’affirmer par l’organe d’un médecin militaire dont les lunettes bleues ont le privilège d’inspecter tous les jours deux ou trois cents corps d’hommes tout nus.
― Marche bien, c’t homme-là !… Bon pour le service !…
Je répète cette phrase à mon père, qui m’écoute en écarquillant les yeux, la bouche entr’ouverte, l’air stupéfait. Toutes les deux minutes il m’interrompt pour me demander :
― Tu as signé ? Alors ça y est ?… Ils t’ont donné ta feuille de route ? Alors, ça y est ?…
Et, toutes les deux minutes un quart, je réponds :
― Oui, p’pa.
Je ne me borne pas, d’ailleurs, à cette affirmation ― flanquée d’une constatation de paternité en raccourci. Je parle, je parle, comme si je tenais à bien faire voir que le médecin aux lunettes bleues ne m’a pas arraché la langue, comme si le coup de toise que j’ai reçu tout à l’heure sur la tête avait fait jaillir de ma cervelle des mondes d’idées. Tristes idées cependant que celles que j’exprime en gesticulant, au risque de faire envoler des arbres de l’Esplanade des Invalides que nous traversons tous les pierrots gouailleurs qui font la nique aux passants...
Biribi, discipline militaire - Georges Darien
Ce livre comporte une table des matières dynamique.
Il est parfaitement mis en page pour une lecture sur liseuse électronique.
Georges Darien (1862 - 1921) est un écrivain français de tendance anarchiste. Marquée par l'injustice et l'hypocrisie, son œuvre, qui regroupe romans, pièces de théâtre, participations à des magazines littéraires, se place sous le signe de la révolte et de l'écœurement.
Biribi est un terme informel qui désigne, non un lieu réel, mais un ensemble de compagnies disciplinaires et d'établissements pénitentiaires qui étaient stationnés en Afrique du Nord, alors colonie française, et destinés à recevoir les militaires réfractaires ou indisciplinés de l'armée française.
Dans ces véritables bagnes, les soldats effectuaient divers travaux de force soumis à un régime très dur.
Biribi est un roman mais c'est un livre vrai. Biribi a été vécu.
Extrait :
― Alea jacta est !… Je viens de passer le Rubicon…
Le Rubicon, c’est le ruisseau de la rue Saint-Dominique, en face du bureau de recrutement. Je rejoins mon père qui m’attend sur le trottoir.
― Eh bien ! ça y est ?
― Oui, p’pa.
Je dis : Oui, p’pa, d’un ton mal assuré, un peu honteux, presque pleurnichard, comme si j’avais encore huit ans, comme si mon père me demandait si j’ai terminé un pensum que je n’ai pas commencé, si j’ai ressenti les effets d’une purge que je n’ai pas voulu prendre.
Pourtant, je n’ai plus huit ans : j’en ai presque dix-neuf ; je ne suis plus un enfant, je suis un homme ― et un homme bien conformé. C’est la loi qui l’assure, qui vient de me l’affirmer par l’organe d’un médecin militaire dont les lunettes bleues ont le privilège d’inspecter tous les jours deux ou trois cents corps d’hommes tout nus.
― Marche bien, c’t homme-là !… Bon pour le service !…
Je répète cette phrase à mon père, qui m’écoute en écarquillant les yeux, la bouche entr’ouverte, l’air stupéfait. Toutes les deux minutes il m’interrompt pour me demander :
― Tu as signé ? Alors ça y est ?… Ils t’ont donné ta feuille de route ? Alors, ça y est ?…
Et, toutes les deux minutes un quart, je réponds :
― Oui, p’pa.
Je ne me borne pas, d’ailleurs, à cette affirmation ― flanquée d’une constatation de paternité en raccourci. Je parle, je parle, comme si je tenais à bien faire voir que le médecin aux lunettes bleues ne m’a pas arraché la langue, comme si le coup de toise que j’ai reçu tout à l’heure sur la tête avait fait jaillir de ma cervelle des mondes d’idées. Tristes idées cependant que celles que j’exprime en gesticulant, au risque de faire envoler des arbres de l’Esplanade des Invalides que nous traversons tous les pierrots gouailleurs qui font la nique aux passants...