Il allait par le sentier qui suit le rivage le long des collines. Son front était nu, coupé de rides profondes et ceint d'un bandeau de laine rouge. Sur ses tempes les boucles blanches de ses cheveux flottaient au vent de la mer. Les flocons d'une barbe de neige se pressaient à son menton. Sa tunique et ses pieds nus avaient la couleur des chemins sur lesquels il errait depuis tant d'années. À son côté pendait une lyre grossière. On le nommait le Vieillard, on le nommait aussi le Chanteur. Il recevait encore un autre nom des enfants qu'il instruisait dans la poésie et dans la musique, et plusieurs l'appelaient l'Aveugle, parce que sur ses prunelles, que l'âge avait ternies, tombaient des paupières gonflées et rougies par la fumée des foyers où il avait coutume de s'asseoir pour chanter. Mais il ne vivait pas dans une nuit éternelle, et l'on disait qu'il voyait ce que les autres humains ne voient pas. Depuis trois âges d'hommes, il allait sans cesse par les villes. Et voici qu'après avoir chanté tout le jour chez un roi d'Ægea, il retournait à sa maison, dont il pouvait déjà voir le toit fumer au loin; car, ayant marché toute la nuit, sans s'arrêter, de peur d'être surpris par l'ardeur du jour, il découvrit, dans la clarté de l'aurore, la blanche Kymé, sa patrie. Accompagné de son chien, appuyé sur son bâton recourbé, il s'avançait d'un pas lent, le corps droit, la tête haute, par un reste de vigueur et pour s'opposer à la pente du chemin, qui descendait dans une étroite vallée. Le soleil, en se levant sur les montagnes d'Asie, revêtait d'une lumière rose les nuages légers du ciel et les côtes des îles semées dans la mer. Le rivage étincelait. Mais les collines, couronnées de lentisques et de térébinthes, qui s'étendaient du côté de l'Orient, retenaient encore dans leur ombre la douce fraîcheur de la nuit. Le Vieillard compta sur le sol en pente la longueur de douze fois douze lances et reconnut à sa gauche, entre les parois de deux roches jumelles, l'étroite entrée d'un bois sacré. Là, s'élevait au bord d'une source un autel de pierres non taillées. Un laurier le recouvrait à demi de ses rameaux chargés de fleurs éclatantes. Sur l'aire foulée, devant l'autel, blanchissaient les os des victimes. Tout alentour, des offrandes étaient suspendues aux branches des oliviers. Et, plus avant, dans l'ombre horrible de la gorge, deux chênes antiques se dressaient, portant clouées à leur tronc des têtes décharnées de taureaux. Sachant que cet autel était consacré à Phœbos, le vieillard pénétra dans le bois et, tirant de sa ceinture où elle était retenue par l'anse, une petite coupe de terre, il se pencha sur le ruisseau qui, dans un lit d'ache et de cresson, par de longs détours, cherchait la prairie. Il remplit sa coupe d'eau fraîche, et, comme il était pieux, il en versa quelques gouttes devant l'autel, avant de boire. Il adorait les dieux immortels qui ne connaissent ni la souffrance ni la mort, tandis que sur la terre se succèdent les générations misérables des hommes. Alors il fut saisi d'épouvante et il redouta les flèches du fils de Léto. Accablé de maux et chargé d'ans, il aimait la lumière du jour et craignait de mourir. C'est pourquoi il eut une bonne pensée. Il inclina le tronc flexible d'un ormeau et, le ramenant à lui, suspendit la coupe d'argile à la cime du jeune arbre qui, se redressant, porta vers le large ciel l'offrande du vieillard.
Il allait par le sentier qui suit le rivage le long des collines. Son front était nu, coupé de rides profondes et ceint d'un bandeau de laine rouge. Sur ses tempes les boucles blanches de ses cheveux flottaient au vent de la mer. Les flocons d'une barbe de neige se pressaient à son menton. Sa tunique et ses pieds nus avaient la couleur des chemins sur lesquels il errait depuis tant d'années. À son côté pendait une lyre grossière. On le nommait le Vieillard, on le nommait aussi le Chanteur. Il recevait encore un autre nom des enfants qu'il instruisait dans la poésie et dans la musique, et plusieurs l'appelaient l'Aveugle, parce que sur ses prunelles, que l'âge avait ternies, tombaient des paupières gonflées et rougies par la fumée des foyers où il avait coutume de s'asseoir pour chanter. Mais il ne vivait pas dans une nuit éternelle, et l'on disait qu'il voyait ce que les autres humains ne voient pas. Depuis trois âges d'hommes, il allait sans cesse par les villes. Et voici qu'après avoir chanté tout le jour chez un roi d'Ægea, il retournait à sa maison, dont il pouvait déjà voir le toit fumer au loin; car, ayant marché toute la nuit, sans s'arrêter, de peur d'être surpris par l'ardeur du jour, il découvrit, dans la clarté de l'aurore, la blanche Kymé, sa patrie. Accompagné de son chien, appuyé sur son bâton recourbé, il s'avançait d'un pas lent, le corps droit, la tête haute, par un reste de vigueur et pour s'opposer à la pente du chemin, qui descendait dans une étroite vallée. Le soleil, en se levant sur les montagnes d'Asie, revêtait d'une lumière rose les nuages légers du ciel et les côtes des îles semées dans la mer. Le rivage étincelait. Mais les collines, couronnées de lentisques et de térébinthes, qui s'étendaient du côté de l'Orient, retenaient encore dans leur ombre la douce fraîcheur de la nuit. Le Vieillard compta sur le sol en pente la longueur de douze fois douze lances et reconnut à sa gauche, entre les parois de deux roches jumelles, l'étroite entrée d'un bois sacré. Là, s'élevait au bord d'une source un autel de pierres non taillées. Un laurier le recouvrait à demi de ses rameaux chargés de fleurs éclatantes. Sur l'aire foulée, devant l'autel, blanchissaient les os des victimes. Tout alentour, des offrandes étaient suspendues aux branches des oliviers. Et, plus avant, dans l'ombre horrible de la gorge, deux chênes antiques se dressaient, portant clouées à leur tronc des têtes décharnées de taureaux. Sachant que cet autel était consacré à Phœbos, le vieillard pénétra dans le bois et, tirant de sa ceinture où elle était retenue par l'anse, une petite coupe de terre, il se pencha sur le ruisseau qui, dans un lit d'ache et de cresson, par de longs détours, cherchait la prairie. Il remplit sa coupe d'eau fraîche, et, comme il était pieux, il en versa quelques gouttes devant l'autel, avant de boire. Il adorait les dieux immortels qui ne connaissent ni la souffrance ni la mort, tandis que sur la terre se succèdent les générations misérables des hommes. Alors il fut saisi d'épouvante et il redouta les flèches du fils de Léto. Accablé de maux et chargé d'ans, il aimait la lumière du jour et craignait de mourir. C'est pourquoi il eut une bonne pensée. Il inclina le tronc flexible d'un ormeau et, le ramenant à lui, suspendit la coupe d'argile à la cime du jeune arbre qui, se redressant, porta vers le large ciel l'offrande du vieillard.