Author: | Friedrich NIETZSCHE | ISBN: | 1230000220525 |
Publisher: | Friedrich NIETZSCHE | Publication: | February 23, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Friedrich NIETZSCHE |
ISBN: | 1230000220525 |
Publisher: | Friedrich NIETZSCHE |
Publication: | February 23, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
EXTRAIT:
PRÉFACE
1
En prévision du devoir qui va m'obliger bientôt à soumettre l'humanité à la plus dure exigence qu'on lui ait jamais imposée il me semble indispensable de dire ici qui je suis. On aurait bien de quoi le savoir, car j'ai toujours présenté mes titres d'identité. Mais la grandeur de ma tâche et la petitesse de mes contemporains ont créé une disproportion qui les a empêchés de m'entendre et même de m'entrevoir. Je vais vivant sur le crédit que je m'accorde, et peut-être mon existence n'est-elle elle-même qu'un préjugé ?... Je n'ai qu'à parler au premier « lettré » venu qui passe par la Haute-Engadine pour me convaincre que je n'existe-pas... Dans ces conditions j'ai un devoir, contre lequel se révoltent au fond mes habitudes et, plus encore, la fierté de mes instincts, celui de dire écoutez-moi, car je suis un tel. Et n'allez surtout pas confondre.
2
Je ne suis nullement, par exemple, un croquemitaine, un monstre moral, - je suis même, de par nature, à l'antipode du genre d'hommes qu'on a vénérés jusqu'ici comme vertueux. Il me semble, entre nous, que c'est justement ce qui me fait honneur. Je suis un disciple du philosophe Dionysos ; j'aimerais mieux, à la rigueur, être un satyre qu'être un saint. Mais on n'a qu'à lire cet écrit. Peut-être ai-je réussi à y exprimer cette opposition de façon sereine et philanthropique, peut-être n'a-t-il pas d'autre but. « Améliorer » l'humanité serait la dernière des choses que j'irais jamais promettre. Je n'érige pas de nouvelles « idoles » ; que les anciennes apprennent d'abord ce qu'il en coûte d'avoir des pieds d'argile. Les renverser (et j'appelle idole tout idéal), voilà bien plutôt mon affaire. On a dépouillé la réalité de sa valeur, de son sens et de sa véracité en forgeant un monde idéal à coups de mensonge... Le « monde de la vérité » et le « monde de l'apparence »... je les appelle en bon allemand le monde du mensonge et la réalité... L'idéal n'a cessé de mentir en jetant l'anathème sur la réalité, et l'humanité elle-même, pénétrée de ce mensonge jusqu'aux moelles s'en est trouvée faussée et falsifiée dans ses plus profonds instincts, elle en est allée jusqu'à adorer les valeurs opposées aux seules qui lui eussent garanti la prospérité, l'avenir, le droit suprême au lendemain.
EXTRAIT:
PRÉFACE
1
En prévision du devoir qui va m'obliger bientôt à soumettre l'humanité à la plus dure exigence qu'on lui ait jamais imposée il me semble indispensable de dire ici qui je suis. On aurait bien de quoi le savoir, car j'ai toujours présenté mes titres d'identité. Mais la grandeur de ma tâche et la petitesse de mes contemporains ont créé une disproportion qui les a empêchés de m'entendre et même de m'entrevoir. Je vais vivant sur le crédit que je m'accorde, et peut-être mon existence n'est-elle elle-même qu'un préjugé ?... Je n'ai qu'à parler au premier « lettré » venu qui passe par la Haute-Engadine pour me convaincre que je n'existe-pas... Dans ces conditions j'ai un devoir, contre lequel se révoltent au fond mes habitudes et, plus encore, la fierté de mes instincts, celui de dire écoutez-moi, car je suis un tel. Et n'allez surtout pas confondre.
2
Je ne suis nullement, par exemple, un croquemitaine, un monstre moral, - je suis même, de par nature, à l'antipode du genre d'hommes qu'on a vénérés jusqu'ici comme vertueux. Il me semble, entre nous, que c'est justement ce qui me fait honneur. Je suis un disciple du philosophe Dionysos ; j'aimerais mieux, à la rigueur, être un satyre qu'être un saint. Mais on n'a qu'à lire cet écrit. Peut-être ai-je réussi à y exprimer cette opposition de façon sereine et philanthropique, peut-être n'a-t-il pas d'autre but. « Améliorer » l'humanité serait la dernière des choses que j'irais jamais promettre. Je n'érige pas de nouvelles « idoles » ; que les anciennes apprennent d'abord ce qu'il en coûte d'avoir des pieds d'argile. Les renverser (et j'appelle idole tout idéal), voilà bien plutôt mon affaire. On a dépouillé la réalité de sa valeur, de son sens et de sa véracité en forgeant un monde idéal à coups de mensonge... Le « monde de la vérité » et le « monde de l'apparence »... je les appelle en bon allemand le monde du mensonge et la réalité... L'idéal n'a cessé de mentir en jetant l'anathème sur la réalité, et l'humanité elle-même, pénétrée de ce mensonge jusqu'aux moelles s'en est trouvée faussée et falsifiée dans ses plus profonds instincts, elle en est allée jusqu'à adorer les valeurs opposées aux seules qui lui eussent garanti la prospérité, l'avenir, le droit suprême au lendemain.