Author: | Léon Tolstoï | ISBN: | 1230001294408 |
Publisher: | CP | Publication: | July 31, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Léon Tolstoï |
ISBN: | 1230001294408 |
Publisher: | CP |
Publication: | July 31, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
Le 12 août 18… juste le troisième jour après mon dixième anniversaire, pour lequel j’avais reçu de si jolis cadeaux, Karl Ivanovitch me réveilla à sept heures du matin, en frappant au-dessus de ma tête avec un chasse-mouches — en papier à pain de sucre — attaché au bout d’un bâton. Il s’y était pris si maladroitement qu’il avait accroché la petite image d’un ange, suspendue au chevet de mon lit de chêne, et que la mouche tuée m’était tombée droit sur la tête. Je sortis le nez de dessous mes couvertures, de la main j’arrêtai l’image qui continuait à se balancer, je jetai la mouche morte sur le plancher, et je regardai Karl Ivanovitch avec des yeux fâchés bien qu’endormis. Lui, dans sa robe de chambre en cotonnade bariolée, serrée par une ceinture de même étoffe, avec sa calotte de tricot rouge à gland, et chaussé de bottes souples en peau de bouc, continuait tranquillement à marcher le long de la muraille, tout en visant et en tapant.
« C’est vrai », pensais-je, « que je suis petit, mais pourquoi me dérange-t-il ? Pourquoi ne va-t-il pas tuer les mouches au-dessus du lit de Volodia ? Il y en a pourtant pas mal ! Mais non, Volodia est plus grand que moi, je suis le plus petit de tous : c’est pour cela qu’il me tourmente. Il passe toute sa vie », murmurais-je, « à chercher ce qu’il pourrait me faire de désagréable. Il voit très bien qu’il m’a réveillé et qu’il m’a fait peur, mais il fait semblant de ne pas s’en apercevoir… le méchant homme ! Et sa robe de chambre, et sa calotte avec ce gland, comme c’est laid ! »
Pendant que j’exhalais ainsi, en moi-même, mon dépit contre Karl Ivanovitch, celui-ci s’approcha de son lit, regarda la montre qui était placée au-dessus du lit dans une petite pantoufle brodée de perles, accrocha le chasse-mouches à un clou et se tourna vers nous, paraissant être d’excellente humeur.
Le 12 août 18… juste le troisième jour après mon dixième anniversaire, pour lequel j’avais reçu de si jolis cadeaux, Karl Ivanovitch me réveilla à sept heures du matin, en frappant au-dessus de ma tête avec un chasse-mouches — en papier à pain de sucre — attaché au bout d’un bâton. Il s’y était pris si maladroitement qu’il avait accroché la petite image d’un ange, suspendue au chevet de mon lit de chêne, et que la mouche tuée m’était tombée droit sur la tête. Je sortis le nez de dessous mes couvertures, de la main j’arrêtai l’image qui continuait à se balancer, je jetai la mouche morte sur le plancher, et je regardai Karl Ivanovitch avec des yeux fâchés bien qu’endormis. Lui, dans sa robe de chambre en cotonnade bariolée, serrée par une ceinture de même étoffe, avec sa calotte de tricot rouge à gland, et chaussé de bottes souples en peau de bouc, continuait tranquillement à marcher le long de la muraille, tout en visant et en tapant.
« C’est vrai », pensais-je, « que je suis petit, mais pourquoi me dérange-t-il ? Pourquoi ne va-t-il pas tuer les mouches au-dessus du lit de Volodia ? Il y en a pourtant pas mal ! Mais non, Volodia est plus grand que moi, je suis le plus petit de tous : c’est pour cela qu’il me tourmente. Il passe toute sa vie », murmurais-je, « à chercher ce qu’il pourrait me faire de désagréable. Il voit très bien qu’il m’a réveillé et qu’il m’a fait peur, mais il fait semblant de ne pas s’en apercevoir… le méchant homme ! Et sa robe de chambre, et sa calotte avec ce gland, comme c’est laid ! »
Pendant que j’exhalais ainsi, en moi-même, mon dépit contre Karl Ivanovitch, celui-ci s’approcha de son lit, regarda la montre qui était placée au-dessus du lit dans une petite pantoufle brodée de perles, accrocha le chasse-mouches à un clou et se tourna vers nous, paraissant être d’excellente humeur.