Author: | Pierre de Coubertin | ISBN: | 1230002583426 |
Publisher: | La Revue de la Semaine, Paris, 1922 | Publication: | September 28, 2018 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Pierre de Coubertin |
ISBN: | 1230002583426 |
Publisher: | La Revue de la Semaine, Paris, 1922 |
Publication: | September 28, 2018 |
Imprint: | |
Language: | French |
De l’Olympisme à l’Université ouvrière
Mes amis semblent surpris qu’ayant eu la chance de gagner la bataille olympique bien plus complètement qu’ils ne l’avaient en général auguré, je ne me contente pas de travailler désormais à en consolider sur place les résultats et que je sois pressé d’entamer une autre bataille sur un terrain douteux, avec des troupes mal dénombrées, à la clarté inquiétante d’un matin de tempête sociale.
Or, il ne s’agit aucunement d’une initiative improvisée ou hâtive, mais bien d’une action préparée de longue date et dont les événements récents ont simplement précipité l’allure et accentué la nécessité.
L’introduction des sports dans les collèges français entreprise voici trente-cinq ans et la rénovation des Jeux Olympiques internationaux réalisée sept ans plus tard, en me plaçant en contact avec la vie scolaire et universitaire de ma patrie et des autres pays, me permirent de constater qu’effectivement « le niveau des études baissait ». Cela se chuchotait alors dans les cénacles avertis. Cela se répète aujourd’hui à haute voix, un peu partout. Mais pas plus aujourd’hui qu’alors, on ne travaille sérieusement à trouver le remède.
Du reste, il faudrait d’abord s’entendre sur la cause du mal. Pour moi elle se précisa très vite. La mise en vigueur de la « pédagogie sportive » me donnait des facilités pour apprécier à la fois l’état mental des élèves et des maîtres. Je reconnus qu’on ne pouvait incriminer ni l’intelligence et la bonne volonté des premiers, ni le zèle et le talent des seconds. Les méthodes ?… Elles n’ont guère changé malgré bien des retouches de détail, pas toujours heureuses. Ce sont encore celles qui, autrefois, produisaient de la clarté dans les cerveaux ; pourquoi n’en produisent-elles plus ?
C’est que l’heure a sonné prévue par Berthelot lorsqu’il écrivait, il y a bien des années : « Il deviendra impossible de s’assimiler l’ensemble des découvertes de son temps. L’esprit humain ne pouvant plus absorber l’immense majorité des faits acquis, ne pourra plus généraliser, c’est-à-dire s’étendre et se développer. » Parole inquiétante et d’aspect fatal. Comment se soustraire à cette conséquence inéluctable du progrès scientifique ? C’est Leibnitz qui nous le révèle. Lui aussi a prophétisé lorsqu’il a dit dans son Discours touchant la méthode de la certitude et de l’art d’inventer : « On peut dire que les sciences s’abrègent en s’augmentant, car plus on découvre de vérités et plus on est en état d’y remarquer une suite réglée et de se faire des propositions toujours plus universelles dont les autres ne sont que des exemples ou corollaires de sorte qu’il se pourra faire qu’un grand volume de ceux qui nous ont précédés se réduira avec le temps à deux ou trois thèses générales. »
De l’Olympisme à l’Université ouvrière
Mes amis semblent surpris qu’ayant eu la chance de gagner la bataille olympique bien plus complètement qu’ils ne l’avaient en général auguré, je ne me contente pas de travailler désormais à en consolider sur place les résultats et que je sois pressé d’entamer une autre bataille sur un terrain douteux, avec des troupes mal dénombrées, à la clarté inquiétante d’un matin de tempête sociale.
Or, il ne s’agit aucunement d’une initiative improvisée ou hâtive, mais bien d’une action préparée de longue date et dont les événements récents ont simplement précipité l’allure et accentué la nécessité.
L’introduction des sports dans les collèges français entreprise voici trente-cinq ans et la rénovation des Jeux Olympiques internationaux réalisée sept ans plus tard, en me plaçant en contact avec la vie scolaire et universitaire de ma patrie et des autres pays, me permirent de constater qu’effectivement « le niveau des études baissait ». Cela se chuchotait alors dans les cénacles avertis. Cela se répète aujourd’hui à haute voix, un peu partout. Mais pas plus aujourd’hui qu’alors, on ne travaille sérieusement à trouver le remède.
Du reste, il faudrait d’abord s’entendre sur la cause du mal. Pour moi elle se précisa très vite. La mise en vigueur de la « pédagogie sportive » me donnait des facilités pour apprécier à la fois l’état mental des élèves et des maîtres. Je reconnus qu’on ne pouvait incriminer ni l’intelligence et la bonne volonté des premiers, ni le zèle et le talent des seconds. Les méthodes ?… Elles n’ont guère changé malgré bien des retouches de détail, pas toujours heureuses. Ce sont encore celles qui, autrefois, produisaient de la clarté dans les cerveaux ; pourquoi n’en produisent-elles plus ?
C’est que l’heure a sonné prévue par Berthelot lorsqu’il écrivait, il y a bien des années : « Il deviendra impossible de s’assimiler l’ensemble des découvertes de son temps. L’esprit humain ne pouvant plus absorber l’immense majorité des faits acquis, ne pourra plus généraliser, c’est-à-dire s’étendre et se développer. » Parole inquiétante et d’aspect fatal. Comment se soustraire à cette conséquence inéluctable du progrès scientifique ? C’est Leibnitz qui nous le révèle. Lui aussi a prophétisé lorsqu’il a dit dans son Discours touchant la méthode de la certitude et de l’art d’inventer : « On peut dire que les sciences s’abrègent en s’augmentant, car plus on découvre de vérités et plus on est en état d’y remarquer une suite réglée et de se faire des propositions toujours plus universelles dont les autres ne sont que des exemples ou corollaires de sorte qu’il se pourra faire qu’un grand volume de ceux qui nous ont précédés se réduira avec le temps à deux ou trois thèses générales. »