Author: | Alexandre Dumas | ISBN: | 1230000673358 |
Publisher: | Consumer Oriented Ebooks Publisher | Publication: | September 20, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Alexandre Dumas |
ISBN: | 1230000673358 |
Publisher: | Consumer Oriented Ebooks Publisher |
Publication: | September 20, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
Où il est expliqué comment l'auteur fut contraint de raconter
l'histoire du Casse-Noisette de Nuremberg.
Il y avait une grande soirée d'enfants chez mon ami le comte de
M..., et j'avais contribué, pour ma part, à grossir la bruyante
et joyeuse réunion en y conduisant ma fille.
Il est vrai qu'au bout d'une demi-heure, pendant laquelle j'avais
paternellement assisté à quatre ou cinq parties successives de
colin-maillard, de main chaude et de toilette de madame, la tête
tant soit peu brisée du sabbat que faisaient une vingtaine de
charmants petits démons de huit à dix ans, lesquels criaient
qui mieux mieux, je m'esquivais du salon et me mettais à la
recherche de certain boudoir de ma connaissance, bien sourd et
bien retiré, dans lequel je comptais reprendre tout doucement le
fil de mes idées interrompues.
J'avais opéré ma retraite avec autant d'adresse que de bonheur,
me soustrayant non-seulement aux regards des jeunes invités, ce
qui n'était pas bien difficile, vu la grande attention qu'ils
donnaient à leurs jeux, mais encore à ceux des parents, ce qui
était une bien autre affaire. J'avais atteint le boudoir tant
désiré, lorsque je m'aperçus, en y entrant, qu'il était
momentanément transformé en réfectoire, et que des buffets
gigantesques y étaient dressés tout chargés de pâtisseries et de
rafraîchissements. Or, comme ces préparatifs gastronomiques
m'étaient une nouvelle garantie que je ne serais pas dérang
avant l'heure du souper, puisque le susdit boudoir était réserv
à la collation, j'avisai un énorme fauteuil à la Voltaire, une
véritable bergère Louis XV à dossier rembourré et à bras
arrondis, une paresseuse comme on dit en Italie, ce pays des
véritables paresseux, et je m'y accommodai voluptueusement, tout
ravi à cette idée que j'allais passer une heure seul en
tête-à-tête avec mes pensées, chose si précieuse au milieu de ce
tourbillon dans lequel, nous autres vassaux du public, nous
sommes incessamment entraînés.
Aussi, soit fatigue, soit manque d'habitude, soit résultat d'un
bien-être si rare, au bout de dix minutes de méditation, j'étais
profondément endormi.
Je ne sais depuis combien de temps j'avais perdu le sentiment de
ce qui se passait autour de moi, lorsque tout à coup je fus tir
de mon sommeil par de bruyants éclats de rire. J'ouvris de
grands yeux hagards qui ne virent au-dessus d'eux qu'un charmant
plafond de Boucher, tout semé d'Amours et de colombes, et
j'essayai de me lever; mais l'effort fut infructueux, j'étais
attaché à mon fauteuil avec non moins de solidité que l'était
Gulliver sur le rivage de Lilliput.
Je compris à l'instant même le désavantage de ma position;
j'avais été surpris sur le territoire ennemi, et j'étais
prisonnier de guerre.
Ce qu'il y avait de mieux à faire dans ma situation, c'était d'en
prendre bravement mon parti et de traiter à l'amiable de ma
liberté.
Ma première proposition fut de conduire le lendemain mes
vainqueurs chez Félix, et de mettre toute sa boutique à leur
disposition. Malheureusement le moment était mal choisi, je
parlais à un auditoire qui m'écoutait la bouche bourrée de babas
et les mains pleines de petit pâtés.
Ma proposition fut donc honteusement repoussée.
J'offris de réunir le lendemain toute l'honorable société dans un
jardin au choix, et d'y tirer un feu d'artifice composé d'un
nombre de soleils et de chandelles romaines qui serait fixé par
les spectateurs eux-mêmes.
Cette offre eut assez de succès près des petits garçons; mais les
petites filles s'y opposèrent formellement, déclarant qu'elles
avaient horriblement peur des feux d'artifice, que leurs nerfs ne
pouvaient supporter le bruit des pétards, et que l'odeur de la
poudre les incommodait.
Où il est expliqué comment l'auteur fut contraint de raconter
l'histoire du Casse-Noisette de Nuremberg.
Il y avait une grande soirée d'enfants chez mon ami le comte de
M..., et j'avais contribué, pour ma part, à grossir la bruyante
et joyeuse réunion en y conduisant ma fille.
Il est vrai qu'au bout d'une demi-heure, pendant laquelle j'avais
paternellement assisté à quatre ou cinq parties successives de
colin-maillard, de main chaude et de toilette de madame, la tête
tant soit peu brisée du sabbat que faisaient une vingtaine de
charmants petits démons de huit à dix ans, lesquels criaient
qui mieux mieux, je m'esquivais du salon et me mettais à la
recherche de certain boudoir de ma connaissance, bien sourd et
bien retiré, dans lequel je comptais reprendre tout doucement le
fil de mes idées interrompues.
J'avais opéré ma retraite avec autant d'adresse que de bonheur,
me soustrayant non-seulement aux regards des jeunes invités, ce
qui n'était pas bien difficile, vu la grande attention qu'ils
donnaient à leurs jeux, mais encore à ceux des parents, ce qui
était une bien autre affaire. J'avais atteint le boudoir tant
désiré, lorsque je m'aperçus, en y entrant, qu'il était
momentanément transformé en réfectoire, et que des buffets
gigantesques y étaient dressés tout chargés de pâtisseries et de
rafraîchissements. Or, comme ces préparatifs gastronomiques
m'étaient une nouvelle garantie que je ne serais pas dérang
avant l'heure du souper, puisque le susdit boudoir était réserv
à la collation, j'avisai un énorme fauteuil à la Voltaire, une
véritable bergère Louis XV à dossier rembourré et à bras
arrondis, une paresseuse comme on dit en Italie, ce pays des
véritables paresseux, et je m'y accommodai voluptueusement, tout
ravi à cette idée que j'allais passer une heure seul en
tête-à-tête avec mes pensées, chose si précieuse au milieu de ce
tourbillon dans lequel, nous autres vassaux du public, nous
sommes incessamment entraînés.
Aussi, soit fatigue, soit manque d'habitude, soit résultat d'un
bien-être si rare, au bout de dix minutes de méditation, j'étais
profondément endormi.
Je ne sais depuis combien de temps j'avais perdu le sentiment de
ce qui se passait autour de moi, lorsque tout à coup je fus tir
de mon sommeil par de bruyants éclats de rire. J'ouvris de
grands yeux hagards qui ne virent au-dessus d'eux qu'un charmant
plafond de Boucher, tout semé d'Amours et de colombes, et
j'essayai de me lever; mais l'effort fut infructueux, j'étais
attaché à mon fauteuil avec non moins de solidité que l'était
Gulliver sur le rivage de Lilliput.
Je compris à l'instant même le désavantage de ma position;
j'avais été surpris sur le territoire ennemi, et j'étais
prisonnier de guerre.
Ce qu'il y avait de mieux à faire dans ma situation, c'était d'en
prendre bravement mon parti et de traiter à l'amiable de ma
liberté.
Ma première proposition fut de conduire le lendemain mes
vainqueurs chez Félix, et de mettre toute sa boutique à leur
disposition. Malheureusement le moment était mal choisi, je
parlais à un auditoire qui m'écoutait la bouche bourrée de babas
et les mains pleines de petit pâtés.
Ma proposition fut donc honteusement repoussée.
J'offris de réunir le lendemain toute l'honorable société dans un
jardin au choix, et d'y tirer un feu d'artifice composé d'un
nombre de soleils et de chandelles romaines qui serait fixé par
les spectateurs eux-mêmes.
Cette offre eut assez de succès près des petits garçons; mais les
petites filles s'y opposèrent formellement, déclarant qu'elles
avaient horriblement peur des feux d'artifice, que leurs nerfs ne
pouvaient supporter le bruit des pétards, et que l'odeur de la
poudre les incommodait.