Note 1:(retour) V. son Épître à Parny. Ton amitié m'est chère...... De ce doux sentiment, le germe précieux Dès long-temps dans nos cœurs naquit sous d'autres cieux. Ton enfance enlevée à ton île africaine Vint aborder gaîment la rive armoricaine: Tu parus au lycée, où, docile écolier, J'avais vu sans regret le bon Duchatelier Aux enfans de Jésus enlever la férule. (Duchatelier avait été le premier principal du collège de Rennes après l'expulsion des jésuites.) Il devait aux lumières et aux soins de son père ses progrès rapides et la bonne direction de ses études. Ses autres maîtres lui avaient appris les langues grecque et latine: il acquit de lui-même des connaissances plus étendues et plus profondes; la littérature latine lui devint familière; et entre les chefs-d'œuvre modernes, il étudia surtout ceux de l'Italie et de la France. Il lut aussi de très-bonne heure et dans leur langue les meilleurs livres anglais, et avant 1772, son instruction embrassait déjà presque tous les genres que l'on a coutume de comprendre sous les noms de belles-lettres, d'histoire et de philosophie. Quand les goûts littéraires sont à la fois si vifs et si heureusement dirigés, ils prennent bientôt les caractères de la science et du talent. Ginguené, dans sa jeunesse, et avant de sortir de Rennes, était un homme éclairé, un littérateur habile, un écrivain exercé: il était de plus un très-savant musicien; car il avait porté dans l'étude de cet art, qu'il a toujours chéri, l'exactitude sévère qu'il donnait à ses autres travaux. Il aimait mieux ignorer que savoir mal; il voulait jouir de ses connaissances et non pas s'en glorifier. C'est depuis long-temps en France un résultat fâcheux des circonstances ou des dispositions politiques, qu'un jeune homme d'un mérite éminent soit presque toujours attiré par ce mérite même dans la capitale, et qu'il y demeure fixé par ses succès. Ginguené arriva pour la première fois à Paris en 1772. Il avait composé à Rennes, entre autres pièces de vers, la Confession de Zulme; il la lut à quelques hommes de lettres, particulièrement à l'académicien Rochefort. Elle circula bientôt dans le monde; Pezai, Borde et un M. de la Fare se l'attribuèrent: on l'imprima défigurée en 1777, dans la Gazette des Deux-Ponts. «Cela me devint importun, dit Ginguené lui-même; je me déterminai à la publier enfin sous mon nom et avec les seules fautes qui étaient de moi. Elle parut dans l'Almanach des Muses de 1791. Je changeai tout le début, je corrigeai quelques négligences un peu trop fortes; il en restait encore plusieurs que j'ai tâché d'effacer depuis..... On a vu plusieurs fois des plagiaires s'attribuer l'œuvre d'autrui, mais non pas, que je sache, attaquer le véritable auteur comme si c'était lui qui eût été le plagiaire. C'est ce que fit pourtant M. Mérard de Saint-Just. Quelques amis des vers s'en souviennent peut-être encore; les autres pourront trouver, dans le Journal de Paris de janvier 1779, les pièces de ce procès bizarre.» Ailleurs Ginguené nous apprend que, fort jeune encore, et dans la première chaleur de son goût pour la poésie italienne, il entreprit de tirer de l'énorme Adonis de Marini, un poëme français en cinq chants. Le troisième, le quatrième et ce qu'il avait fait du dernier, lui ont été dérobés: il a publié les deux premiers dans un recueil de poésies où se retrouvent aussi plusieurs des pièces de vers qu'il a composées depuis 1773 jusqu'en 1789, et dont la plupart avaient été insérées dans des journaux littéraires ou dans les Almanachs des Muses. La Confession de Zulmé conserve, à tous égards, le premier rang parmi ces compositions; mais il y a de l'esprit, de la grâce, et un goût très-pur dans toutes les autres. Dès 1775, il commença de publier dans les journaux des articles de littérature, genre de travail auquel il a consacré, jusques dans les dernières années de sa vie, les loisirs que lui laissaient de plus importantes occupations. Ce sont en général d'excellens morceaux de critique littéraire; et si l'on en formait un recueil bien choisi, comme Ginguené lui-même s'était promis de le faire un jour, ce serait un très-utile supplément aux meilleurs cours de littérature moderne; il offrirait le modèle d'une critique ingénieuse et sévère, quelquefois savante et profonde, souvent piquante et toujours décente. Durant plusieurs années, Ginguené a travaillé au Mercure de France, avec Marmontel, La Harpe, Chamfort, MM. Garat et Lacretelle aîné
Note 1:(retour) V. son Épître à Parny. Ton amitié m'est chère...... De ce doux sentiment, le germe précieux Dès long-temps dans nos cœurs naquit sous d'autres cieux. Ton enfance enlevée à ton île africaine Vint aborder gaîment la rive armoricaine: Tu parus au lycée, où, docile écolier, J'avais vu sans regret le bon Duchatelier Aux enfans de Jésus enlever la férule. (Duchatelier avait été le premier principal du collège de Rennes après l'expulsion des jésuites.) Il devait aux lumières et aux soins de son père ses progrès rapides et la bonne direction de ses études. Ses autres maîtres lui avaient appris les langues grecque et latine: il acquit de lui-même des connaissances plus étendues et plus profondes; la littérature latine lui devint familière; et entre les chefs-d'œuvre modernes, il étudia surtout ceux de l'Italie et de la France. Il lut aussi de très-bonne heure et dans leur langue les meilleurs livres anglais, et avant 1772, son instruction embrassait déjà presque tous les genres que l'on a coutume de comprendre sous les noms de belles-lettres, d'histoire et de philosophie. Quand les goûts littéraires sont à la fois si vifs et si heureusement dirigés, ils prennent bientôt les caractères de la science et du talent. Ginguené, dans sa jeunesse, et avant de sortir de Rennes, était un homme éclairé, un littérateur habile, un écrivain exercé: il était de plus un très-savant musicien; car il avait porté dans l'étude de cet art, qu'il a toujours chéri, l'exactitude sévère qu'il donnait à ses autres travaux. Il aimait mieux ignorer que savoir mal; il voulait jouir de ses connaissances et non pas s'en glorifier. C'est depuis long-temps en France un résultat fâcheux des circonstances ou des dispositions politiques, qu'un jeune homme d'un mérite éminent soit presque toujours attiré par ce mérite même dans la capitale, et qu'il y demeure fixé par ses succès. Ginguené arriva pour la première fois à Paris en 1772. Il avait composé à Rennes, entre autres pièces de vers, la Confession de Zulme; il la lut à quelques hommes de lettres, particulièrement à l'académicien Rochefort. Elle circula bientôt dans le monde; Pezai, Borde et un M. de la Fare se l'attribuèrent: on l'imprima défigurée en 1777, dans la Gazette des Deux-Ponts. «Cela me devint importun, dit Ginguené lui-même; je me déterminai à la publier enfin sous mon nom et avec les seules fautes qui étaient de moi. Elle parut dans l'Almanach des Muses de 1791. Je changeai tout le début, je corrigeai quelques négligences un peu trop fortes; il en restait encore plusieurs que j'ai tâché d'effacer depuis..... On a vu plusieurs fois des plagiaires s'attribuer l'œuvre d'autrui, mais non pas, que je sache, attaquer le véritable auteur comme si c'était lui qui eût été le plagiaire. C'est ce que fit pourtant M. Mérard de Saint-Just. Quelques amis des vers s'en souviennent peut-être encore; les autres pourront trouver, dans le Journal de Paris de janvier 1779, les pièces de ce procès bizarre.» Ailleurs Ginguené nous apprend que, fort jeune encore, et dans la première chaleur de son goût pour la poésie italienne, il entreprit de tirer de l'énorme Adonis de Marini, un poëme français en cinq chants. Le troisième, le quatrième et ce qu'il avait fait du dernier, lui ont été dérobés: il a publié les deux premiers dans un recueil de poésies où se retrouvent aussi plusieurs des pièces de vers qu'il a composées depuis 1773 jusqu'en 1789, et dont la plupart avaient été insérées dans des journaux littéraires ou dans les Almanachs des Muses. La Confession de Zulmé conserve, à tous égards, le premier rang parmi ces compositions; mais il y a de l'esprit, de la grâce, et un goût très-pur dans toutes les autres. Dès 1775, il commença de publier dans les journaux des articles de littérature, genre de travail auquel il a consacré, jusques dans les dernières années de sa vie, les loisirs que lui laissaient de plus importantes occupations. Ce sont en général d'excellens morceaux de critique littéraire; et si l'on en formait un recueil bien choisi, comme Ginguené lui-même s'était promis de le faire un jour, ce serait un très-utile supplément aux meilleurs cours de littérature moderne; il offrirait le modèle d'une critique ingénieuse et sévère, quelquefois savante et profonde, souvent piquante et toujours décente. Durant plusieurs années, Ginguené a travaillé au Mercure de France, avec Marmontel, La Harpe, Chamfort, MM. Garat et Lacretelle aîné