Histoires cavalières

Tome I - II ( Edition intégrale ) annoté

Fiction & Literature, Action Suspense, Literary, Romance
Cover of the book Histoires cavalières by Roger de Beauvoir, Paris, M. Lévy Frères, 1857
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Author: Roger de Beauvoir ISBN: 1230002368290
Publisher: Paris, M. Lévy Frères, 1857 Publication: June 9, 2018
Imprint: Language: French
Author: Roger de Beauvoir
ISBN: 1230002368290
Publisher: Paris, M. Lévy Frères, 1857
Publication: June 9, 2018
Imprint:
Language: French

Extrait:

LE PUITS D’AMOUR.

CHAPITRE I.

DEUX ENFANS.

En l’an 1220, sous le règne de Philippe-Auguste, vivait à Paris une gente et gracieuse fillette « si merveilleuse de fraischeur juvénile avec ses couleurs de fine pesche en son gai visage, si parfaicte et si attrayanté par l’admirable moulure de son beau corps, » dit la vieille et naïve chronique de Montmoudon, qu’elle devint célèbre en la grand’ville, au point que le dimanche, en allant à la messe rue St-Denis, à l’église de St-Leu, qui était la sienne, il y avait foule pour la voir passer.

C’était bien, en effet, le plus joli spectacle qui se pût voir, et je ne connais rien de plus ravissant qu’une jolie fille qui sait qu’on la regarde et qui n’en passe pas moins droite et silencieuse devant vous comme une belle fée. Celle-ci avait les cheveux extrêmement noirs et bien lissés, la peau très blanche, les dents et les mains admirables, la taille haute et bien prise. C’était tout simplement une fille du peuple, je dois vous le dire ; dans le plus grand froid elle se lavait le visage avec de l’eau de puits, et n’usait jamais d’aucune pommade. On prétend, il est vrai, que Diane de Poitiers, femme de Louis de Brezé, grand-sénéchal de Normandie, et que Henri II établit duchesse de Valentinois, en faisait autant pour conserver son teint.

Cette belle personne s’appelait Agnès Hellebick, et j’en suis outré ; car ce nom n’a pas le moindre charme d’euphonie, mais je vous le donne tel qu’il est.

Agnès Hellebick, bien que fille de simples marchands fripiers, avait été élevée avec tous les soins imaginables. On espérait sans doute que, grâce à sa beauté, elle trouverait peut-être quelque établissement avantageux, chose encore plus rare en ce temps-là, qu’au nôtre, pour les filles sans fortune.

Si la jeune Agnès eût voulu donner sa main à quelque artisan de son quartier, aussi pauvre qu’elle ; certes, elle aurait eu à choisir : mais un instinct secret lui disait qu’elle était faite pour un meilleur sort, et ses beaux yeux noirs ne se levaient à la messe sur aucun des nombreux garçons de la classe obscure qui cherchaient le plus possible à approcher de sa chaise. Cette vanité, que chacun prenait pour de la modestie, la faisait admirer davantage par tout le monde : Je note ce fait, dit le vieux chroniqueur, pour montrer « comme quoi le public, qui passe pour ne se tromper onc, comprend toujours les choses à l’envers. »

Cependant, la réputation de beauté d’Agnès s’accrut tellement qu’on en parla à la cour ; et quelques jeunes seigneurs des plus galans de l’époque, résolurent de s’assurer par eux-mêmes de la vérité.

Bientôt l’église de St-Leu devint le rendez-vous de tous les coquardets de Paris (c’étaient les dandys de ce temps-là) ; mais l’honnête et pauvre mère de la jeune fille, sentant combien cette curiosité de la part de gens du haut parage pourrait nuire à son enfant, prit conseil du vicaire de St-Leu, et résolut de ne plus laisser aller Agnès à l’église de son quartier, pendant un mois au moins, pour détourner d’elle l’attention.

Ces utiles précautions venaient trop tard ; depuis huit jours, Agnès avait commencé à lever ses paupières toujours baissées et depuis huit jours ses yeux se fixaient avec tendresse sur un jeune banneret de la figure la plus heureuse : enfin le sire Raoul de Charonne avait plu ; et tout ce que peuvent exprimer d’amour doux sourires et regards de flamme s’échangeait entre eux depuis une semaine, quand la mère d’Agnès lui fit part de sa décision fondée sur les conseils de M. le vicaire de la paroisse.

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Extrait:

LE PUITS D’AMOUR.

CHAPITRE I.

DEUX ENFANS.

En l’an 1220, sous le règne de Philippe-Auguste, vivait à Paris une gente et gracieuse fillette « si merveilleuse de fraischeur juvénile avec ses couleurs de fine pesche en son gai visage, si parfaicte et si attrayanté par l’admirable moulure de son beau corps, » dit la vieille et naïve chronique de Montmoudon, qu’elle devint célèbre en la grand’ville, au point que le dimanche, en allant à la messe rue St-Denis, à l’église de St-Leu, qui était la sienne, il y avait foule pour la voir passer.

C’était bien, en effet, le plus joli spectacle qui se pût voir, et je ne connais rien de plus ravissant qu’une jolie fille qui sait qu’on la regarde et qui n’en passe pas moins droite et silencieuse devant vous comme une belle fée. Celle-ci avait les cheveux extrêmement noirs et bien lissés, la peau très blanche, les dents et les mains admirables, la taille haute et bien prise. C’était tout simplement une fille du peuple, je dois vous le dire ; dans le plus grand froid elle se lavait le visage avec de l’eau de puits, et n’usait jamais d’aucune pommade. On prétend, il est vrai, que Diane de Poitiers, femme de Louis de Brezé, grand-sénéchal de Normandie, et que Henri II établit duchesse de Valentinois, en faisait autant pour conserver son teint.

Cette belle personne s’appelait Agnès Hellebick, et j’en suis outré ; car ce nom n’a pas le moindre charme d’euphonie, mais je vous le donne tel qu’il est.

Agnès Hellebick, bien que fille de simples marchands fripiers, avait été élevée avec tous les soins imaginables. On espérait sans doute que, grâce à sa beauté, elle trouverait peut-être quelque établissement avantageux, chose encore plus rare en ce temps-là, qu’au nôtre, pour les filles sans fortune.

Si la jeune Agnès eût voulu donner sa main à quelque artisan de son quartier, aussi pauvre qu’elle ; certes, elle aurait eu à choisir : mais un instinct secret lui disait qu’elle était faite pour un meilleur sort, et ses beaux yeux noirs ne se levaient à la messe sur aucun des nombreux garçons de la classe obscure qui cherchaient le plus possible à approcher de sa chaise. Cette vanité, que chacun prenait pour de la modestie, la faisait admirer davantage par tout le monde : Je note ce fait, dit le vieux chroniqueur, pour montrer « comme quoi le public, qui passe pour ne se tromper onc, comprend toujours les choses à l’envers. »

Cependant, la réputation de beauté d’Agnès s’accrut tellement qu’on en parla à la cour ; et quelques jeunes seigneurs des plus galans de l’époque, résolurent de s’assurer par eux-mêmes de la vérité.

Bientôt l’église de St-Leu devint le rendez-vous de tous les coquardets de Paris (c’étaient les dandys de ce temps-là) ; mais l’honnête et pauvre mère de la jeune fille, sentant combien cette curiosité de la part de gens du haut parage pourrait nuire à son enfant, prit conseil du vicaire de St-Leu, et résolut de ne plus laisser aller Agnès à l’église de son quartier, pendant un mois au moins, pour détourner d’elle l’attention.

Ces utiles précautions venaient trop tard ; depuis huit jours, Agnès avait commencé à lever ses paupières toujours baissées et depuis huit jours ses yeux se fixaient avec tendresse sur un jeune banneret de la figure la plus heureuse : enfin le sire Raoul de Charonne avait plu ; et tout ce que peuvent exprimer d’amour doux sourires et regards de flamme s’échangeait entre eux depuis une semaine, quand la mère d’Agnès lui fit part de sa décision fondée sur les conseils de M. le vicaire de la paroisse.

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