Dans ces derniers temps, un malheureux fut amené devant nos tribunaux, dont le front était illustré d'un rare et singulier tatouage: Pas de chance! Il portait ainsi au-dessus de ses yeux l'étiquette de sa vie, comme un livre son titre, et l'interrogatoire prouve que ce bizarre écriteau était cruellement véridique. Il y a, dans l'histoire littéraire, des destinées analogues, de vraies damnations,—des hommes qui portent le mot guignon écrit en caractères mystérieux dans les plis sinueux de leur front. L'Ange aveugle de l'expiation s'est emparé d'eux et les fouette à tour de bras pour l'édification des autres. En vain leur vie montre-t-elle des talents, des vertus, de la grâce; la Société a pour eux un anathème spécial, et accuse en eux les infirmités que sa persécution leur a données.—Que ne fit pas Hoffmann pour désarmer la destinée, et que n'entreprit pas Balzac pour conjurer la fortune?—Existe-t-il donc une Providence diabolique qui prépare le malheur dès le berceau,—qui jette avec préméditation des natures spirituelles et angéliques dans des milieux hostiles, comme des martyrs dans les cirques? Y a-t-il donc des âmes sacrées, vouées à l'autel, condamnées à marcher à la mort et à la gloire à travers leurs propres ruines? Le cauchemar des Ténèbres assiègera-t-il éternellement ces âmes de choix? Vainement elles se débattent, vainement elles se ferment au monde, à ses prévoyances, à ses ruses; elles perfectionneront la prudence, boucheront toutes les issues, matelasseront les fenêtres contre les projectiles du hasard; mais le Diable entrera par la serrure; une perfection sera le défaut de leur cuirasse, et une qualité superlative le germe de leur damnation. L'aigle, pour le briser du haut du firmament, Sur le front découvert lâchera la tortue, Car ils doivent périr inévitablement
Dans ces derniers temps, un malheureux fut amené devant nos tribunaux, dont le front était illustré d'un rare et singulier tatouage: Pas de chance! Il portait ainsi au-dessus de ses yeux l'étiquette de sa vie, comme un livre son titre, et l'interrogatoire prouve que ce bizarre écriteau était cruellement véridique. Il y a, dans l'histoire littéraire, des destinées analogues, de vraies damnations,—des hommes qui portent le mot guignon écrit en caractères mystérieux dans les plis sinueux de leur front. L'Ange aveugle de l'expiation s'est emparé d'eux et les fouette à tour de bras pour l'édification des autres. En vain leur vie montre-t-elle des talents, des vertus, de la grâce; la Société a pour eux un anathème spécial, et accuse en eux les infirmités que sa persécution leur a données.—Que ne fit pas Hoffmann pour désarmer la destinée, et que n'entreprit pas Balzac pour conjurer la fortune?—Existe-t-il donc une Providence diabolique qui prépare le malheur dès le berceau,—qui jette avec préméditation des natures spirituelles et angéliques dans des milieux hostiles, comme des martyrs dans les cirques? Y a-t-il donc des âmes sacrées, vouées à l'autel, condamnées à marcher à la mort et à la gloire à travers leurs propres ruines? Le cauchemar des Ténèbres assiègera-t-il éternellement ces âmes de choix? Vainement elles se débattent, vainement elles se ferment au monde, à ses prévoyances, à ses ruses; elles perfectionneront la prudence, boucheront toutes les issues, matelasseront les fenêtres contre les projectiles du hasard; mais le Diable entrera par la serrure; une perfection sera le défaut de leur cuirasse, et une qualité superlative le germe de leur damnation. L'aigle, pour le briser du haut du firmament, Sur le front découvert lâchera la tortue, Car ils doivent périr inévitablement