Author: | Pierre Alexis Ponson du Terrail | ISBN: | 1230003272671 |
Publisher: | Paris : E. Dentu, 1868 - 1869 | Publication: | June 11, 2019 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Pierre Alexis Ponson du Terrail |
ISBN: | 1230003272671 |
Publisher: | Paris : E. Dentu, 1868 - 1869 |
Publication: | June 11, 2019 |
Imprint: | |
Language: | French |
Extrait: Ce n’était pas par un beau dimanche, mais par un soir d’hiver triste, pluvieux et froid, que deux gendarmes chevauchaient.
Ils avaient déployé leur large manteau bleu qui couvrait la croupe de leurs chevaux, relevé le collet pour garantir leur cou, et ils baissaient la tête devant la pluie fine et serrée qui leur fouettait le visage.
— Chien de temps ! dit le brigadier.
— Temps de chien ! répéta le simple gendarme, écho fidèle de son supérieur, comme le Pandore de la romance de Nadaud.
— As-tu vu la borne kilométrique que nous venons de passer ?
— Je l’ai vue, mon brigadier, mais il fait trop noir pour voir le numéro.
— Il y a bien une demi-heure que nous avons quitté la Cour-Dieu ?
— Une demi-heure environ, mon brigadier.
— Temps de chien ! répéta le brigadier.
— Chien de temps ! fit le simple gendarme.
Il y eut un silence ; et, dame ! même quand on est gendarme, c’est-à-dire un héros modeste toujours prêt à sauvegarder la propriété et à donner sa vie pour l’ordre social, on n’est pas enclin à la causerie quand on chevauche par la pluie et le vent, et par une nuit noire, sur un chemin détrempé, au beau milieu de la forêt d’Orléans, entre Pithiviers et la Cour-Dieu.
Enfin, le brigadier reprit :
— Hé ! Poliveau ?
— Mon brigadier ? répondit le simple gendarme qui répondait à ce nom.
— Quand tu verras une nouvelle borne tu regarderas.
— Oui, mon brigadier, je regarderai, et puis ?
— Tu descendras de cheval.
— Oui, brigadier.
— Et tu tâcheras de voir le numéro. Je ne suis pas fâché de savoir combien nous avons encore de kilomètres d’ici à notre soupe.
— Ma foi, brigadier, dit Poliveau le gendarme, abandonnant un moment son rôle d’écho fidèle pour prendre une initiative, je n’ai pas besoin de cela.
— Tu n’as pas besoin de descendre de cheval ?
— Ce n’est pas ce que je veux dire. Je n’ai pas besoin de regarder le numéro de la borne pour le savoir.
— Et comment t’y prendras-tu, camarade ?
— Je ne peux pas bien juger pour le moment, vu que nous sommes en plein bois ; mais il m’est avis que nous ne sommes plus bien loin d’un endroit qu’on appelle la Belle-Croix.
— Fort bien. Et il y a une croix ?
— Certainement.
— C’est vrai, je l’ai remarqué ce matin. Mais une croix n’est pas une borne kilométrique, gendarme Poliveau.
— C’est vrai, brigadier, mais à dix pas de la croix, il y a une borne.
— C’est différent.
— Et cette borne porte le n° 15.
— Cré nom ! dit le brigadier, un joli ruban de queue, et pas une maison, pas un cabaret pour se réchauffer d’un verre de vin.
— Tenez, reprit le gendarme Poliveau, je vois la croix. Regardez… là… sur la droite.
Extrait: Ce n’était pas par un beau dimanche, mais par un soir d’hiver triste, pluvieux et froid, que deux gendarmes chevauchaient.
Ils avaient déployé leur large manteau bleu qui couvrait la croupe de leurs chevaux, relevé le collet pour garantir leur cou, et ils baissaient la tête devant la pluie fine et serrée qui leur fouettait le visage.
— Chien de temps ! dit le brigadier.
— Temps de chien ! répéta le simple gendarme, écho fidèle de son supérieur, comme le Pandore de la romance de Nadaud.
— As-tu vu la borne kilométrique que nous venons de passer ?
— Je l’ai vue, mon brigadier, mais il fait trop noir pour voir le numéro.
— Il y a bien une demi-heure que nous avons quitté la Cour-Dieu ?
— Une demi-heure environ, mon brigadier.
— Temps de chien ! répéta le brigadier.
— Chien de temps ! fit le simple gendarme.
Il y eut un silence ; et, dame ! même quand on est gendarme, c’est-à-dire un héros modeste toujours prêt à sauvegarder la propriété et à donner sa vie pour l’ordre social, on n’est pas enclin à la causerie quand on chevauche par la pluie et le vent, et par une nuit noire, sur un chemin détrempé, au beau milieu de la forêt d’Orléans, entre Pithiviers et la Cour-Dieu.
Enfin, le brigadier reprit :
— Hé ! Poliveau ?
— Mon brigadier ? répondit le simple gendarme qui répondait à ce nom.
— Quand tu verras une nouvelle borne tu regarderas.
— Oui, mon brigadier, je regarderai, et puis ?
— Tu descendras de cheval.
— Oui, brigadier.
— Et tu tâcheras de voir le numéro. Je ne suis pas fâché de savoir combien nous avons encore de kilomètres d’ici à notre soupe.
— Ma foi, brigadier, dit Poliveau le gendarme, abandonnant un moment son rôle d’écho fidèle pour prendre une initiative, je n’ai pas besoin de cela.
— Tu n’as pas besoin de descendre de cheval ?
— Ce n’est pas ce que je veux dire. Je n’ai pas besoin de regarder le numéro de la borne pour le savoir.
— Et comment t’y prendras-tu, camarade ?
— Je ne peux pas bien juger pour le moment, vu que nous sommes en plein bois ; mais il m’est avis que nous ne sommes plus bien loin d’un endroit qu’on appelle la Belle-Croix.
— Fort bien. Et il y a une croix ?
— Certainement.
— C’est vrai, je l’ai remarqué ce matin. Mais une croix n’est pas une borne kilométrique, gendarme Poliveau.
— C’est vrai, brigadier, mais à dix pas de la croix, il y a une borne.
— C’est différent.
— Et cette borne porte le n° 15.
— Cré nom ! dit le brigadier, un joli ruban de queue, et pas une maison, pas un cabaret pour se réchauffer d’un verre de vin.
— Tenez, reprit le gendarme Poliveau, je vois la croix. Regardez… là… sur la droite.