L'hôtel des commissaires-priseurs

( Edition intégrale ) annoté

Fiction & Literature, Classics, Historical, Literary
Cover of the book L'hôtel des commissaires-priseurs by Champfleury, Paris : Dentu, 1867
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Author: Champfleury ISBN: 1230002402246
Publisher: Paris : Dentu, 1867 Publication: June 30, 2018
Imprint: Language: French
Author: Champfleury
ISBN: 1230002402246
Publisher: Paris : Dentu, 1867
Publication: June 30, 2018
Imprint:
Language: French

Derrière l’Opéra est un monument qui ne date guères de plus d’une quinzaine d’années et qui porte sur son fronton :

  • HOTEL DES COMMISSAIRES-PRISEURS

La principale ornementation du monument consiste en affiches de toute couleur qui tapissent les murs du rez-de-chaussée.

  • A VENDRE

Telle est l’annonce qui frappe l’œil en cinquante endroits différents. Ici tout est à vendre : meubles, bijoux, tableaux, vins, médailles, dentelles, animaux.
Trois grandes portes ont été percées dans la façade de l’hôtel pour donner passage à d’immenses voitures de déménagement, qui apportent et emportent sans cesse des masses énormes de marchandises, emballées et déballées par une brigade de garçons en casquette aux armes des commissaires-priseurs.
Autour de l’hôtel tourbillonne une population particulière qu’un étranger pourrait croire faire queue dès huit heures du matin pour l’ouverture de l’Opéra, car une véritable queue se forme de petits revendeurs, de marchandes à la toilette, d’Auvergnats, de Juifs, de fripiers, d’étalagistes de toute sorte qui vont acquitter leurs droits au bureau pour les marchandises achetées la veille.
Le mouvement commence donc autour de l’hôtel vers huit heures du matin, pour ne finir quelquefois qu’à dix heures du soir. En même temps que s’opère l’enlèvement des gros objets d’autres non moins considérables arrivent, qui prennent la place de ceux vendus.
Ce mouvement peut se résumer dans les mots emballement et déballement, déballement et emballement. On vend et on achète, on achète et on vend.
Il est même certains acheteurs qui, ayant acheté par spéculation, ne prennent pas livraison, et écoulent sur place leurs achats de la veille, la mutation consistant à faire descendre dans les salles de vente du rez-de-chaussée ce qui s’adjugeait au premier étage, sauf à rentrer de nouveau en possession des objets que le feu des enchères ne soutiendrait pas.
De huit heures à midi, l’hôtel offre l’aspect d’un marché qu’on installe ; mais le bruit vient plutôt de l’extérieur que de l’intérieur, dans les cours, sous les portes.
Les objets inanimés y prennent une voix comme les objets animés. Un bahut vermoulu qu’un marchand a trouvé au fond de la Bretagne, qui a voyagé moitié en diligence, moitié en chemin de fer, qui a attendu inutilement un acheteur dans les magasins du boulevard Bourdon, qui est grimpé au premier étage de l’hôtel pour descendre le lendemain dans les magasins, qui en est tiré pour suivre un nouveau maître, ce bahut trouve dans ses flancs une voix plaintive pour exprimer son étonnement d’être secoué de la sorte, de subir le dénigrement plutôt que l’enthousiasme d’une foule qui affecte de le déprécier afin de le posséder à meilleur compte.
Sans tomber dans le système des écrivains qui prêtent généreusement leurs sensations à la girouette comme à l’arbre, au ruisseau comme à la brise, n’est-il pas permis de constater un cri de douleur dans le déchirement de ces vieux ais pourris qui ne demandaient qu’à finir en paix au fond d’une chaumière ? Mais ces gémissements sont perdus au milieu des aboiements des chiens qu’on amène pour vendre, des grincements des tonneaux descendus des haquets, du cliquetis des faïences qu’on sort des longues voitures de déménagement, du cri des poules de la Cochinchine, étonnées de se trouver dans une basse-cour pleine de meubles, de cinquante conversations échangées entre les nouveaux acquéreurs et les garçons, des plaintes des réclamants dont on ne retrouve pas les objets trop bien emmagasinés, des exclamations d’un amateur qui obtient un rendez-vous avec l’objet tant cherché, des murmures d’un spéculateur qui découvre une fissure dans une pièce rare qu’il a payée hors de prix, des hu des conducteurs de tapissières, cinglant de coups de fouet les chevaux, pour leur faire donner nn dernier coup de collier avant d’entrer à l’hôtel.
Tel est le mouvement causé par la foule de marchands qui du côté du costume ne sacrifien pas aux lois de l’étiquette. On y voit plus de casquettes que de chapeaux, et presque autant de blouses que de vieux paletots, la curiosité proscrivant les habits noirs de magasins, où le moindre dérangement met en émeute des bataillons de poussière.
L’hôtel se repose à peine quelques minutes de midi à une heure, pour être prêt aux expositions et aux ventes, où vont se précipiter de nombreux clients. En un clin d’œil la foule a changé d’aspect, comme l’hôtel a changé de porte. Le mouvement s’est porté vers la rue Drouot, sur une des façades latérales du bâtiment. Alors commencent les exhibitions d’objets d’art ; c’est là que vont s’exercer les yeux les plus pénétrants de l’Europe.
L’intelligence du nombreux public qui arrive à l’hôtel à pied ou en voiture, entasse dans des magasins ou dans des hôtels les achats de la journée, cette intelligence gît dans l’œil. Une faiblesse de regard, un vice dans la vue, sont des fautes comme dans un duel à l’épée.
Les expositions de deux ou trois mille objets chaque jour demandent une puissance de regard semblable à celle du sauvage étudiant sur le gazon la piste d’un ennemi.
Le principal théâtre des diverses comédies qui se jouent pendant les ventes est au premier étage de l’hôtel, qui ne contient pas moins de sept salles différentes, réservées presque exclusivement à l’adjudication des œuvres d’art...............

PRÉFACE
L’HOTEL DES COMMISSAIRES-PRISEURS
CHAPITRE PREMIER L’AMATEUR
CHAPITRE II DICTIONNAIRE A L’USAGE DES CONNAISSEURS QUI NE S’Y CONNAISSENT PAS1
CHAPITRE III LA FAIENCE DES MÉDICIS
CHAPITRE IV LES RÊVEURS ET LES RALEURS
CHAPITRE V OU LA HAINE DE VOLTAIRE CONDUISIT UN COLLECTIONNEUR
CHAPITRE VI LE COMMISSAIRE PRISEUR
CHAPITRE VII LE CRAPAUD DE LA COMPAGNIE DES INDES
CHAPITRE VIII LE COMMISSAIRE-PRISEUR PINCÉ
CHAPITRE IX L’EXPERT
CHAPITRE X LE CRIEUR
CHAPITRE XI LE GARÇON
CHAPITRE XII LE MARCHAND
CHAPITRE XIII LE TRUQUEUR
CHAPITRE XIV LE FAUX OBÉLISQUE
CHAPITRE XV LE RESTAURATEUR DE TABLEAUX
CHAPITRE XVI LA SERINGUE ET LE PERROQUET
CHAPITRE XVII LE MOBILIER BLEU
CHAPITRE XVIII SALLE No 16, DITE DES COLONIES
CHAPITRE XIX LA VENTE DES OEUVRES D’UN HOMME DE GÉNIE
CHAPITRE XX LE COLLECTIONNEUR DE CHAUSSURES
CHAPITRE XXI LES TROUVAILLES DE M. BRETONCEL
CHAPITRE XXII SOIXANTE CONSEILS AUX COLLECTIONNEURS QUI FRÉQUENTENT L’HOTEL DROUOT
CHAPITRE XXIII LE COLLECTIONNEUR MARIÉ
CHAPITRE XXIV LE COLLECTIONNEUR DE CIELS
Notes

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Derrière l’Opéra est un monument qui ne date guères de plus d’une quinzaine d’années et qui porte sur son fronton :

La principale ornementation du monument consiste en affiches de toute couleur qui tapissent les murs du rez-de-chaussée.

Telle est l’annonce qui frappe l’œil en cinquante endroits différents. Ici tout est à vendre : meubles, bijoux, tableaux, vins, médailles, dentelles, animaux.
Trois grandes portes ont été percées dans la façade de l’hôtel pour donner passage à d’immenses voitures de déménagement, qui apportent et emportent sans cesse des masses énormes de marchandises, emballées et déballées par une brigade de garçons en casquette aux armes des commissaires-priseurs.
Autour de l’hôtel tourbillonne une population particulière qu’un étranger pourrait croire faire queue dès huit heures du matin pour l’ouverture de l’Opéra, car une véritable queue se forme de petits revendeurs, de marchandes à la toilette, d’Auvergnats, de Juifs, de fripiers, d’étalagistes de toute sorte qui vont acquitter leurs droits au bureau pour les marchandises achetées la veille.
Le mouvement commence donc autour de l’hôtel vers huit heures du matin, pour ne finir quelquefois qu’à dix heures du soir. En même temps que s’opère l’enlèvement des gros objets d’autres non moins considérables arrivent, qui prennent la place de ceux vendus.
Ce mouvement peut se résumer dans les mots emballement et déballement, déballement et emballement. On vend et on achète, on achète et on vend.
Il est même certains acheteurs qui, ayant acheté par spéculation, ne prennent pas livraison, et écoulent sur place leurs achats de la veille, la mutation consistant à faire descendre dans les salles de vente du rez-de-chaussée ce qui s’adjugeait au premier étage, sauf à rentrer de nouveau en possession des objets que le feu des enchères ne soutiendrait pas.
De huit heures à midi, l’hôtel offre l’aspect d’un marché qu’on installe ; mais le bruit vient plutôt de l’extérieur que de l’intérieur, dans les cours, sous les portes.
Les objets inanimés y prennent une voix comme les objets animés. Un bahut vermoulu qu’un marchand a trouvé au fond de la Bretagne, qui a voyagé moitié en diligence, moitié en chemin de fer, qui a attendu inutilement un acheteur dans les magasins du boulevard Bourdon, qui est grimpé au premier étage de l’hôtel pour descendre le lendemain dans les magasins, qui en est tiré pour suivre un nouveau maître, ce bahut trouve dans ses flancs une voix plaintive pour exprimer son étonnement d’être secoué de la sorte, de subir le dénigrement plutôt que l’enthousiasme d’une foule qui affecte de le déprécier afin de le posséder à meilleur compte.
Sans tomber dans le système des écrivains qui prêtent généreusement leurs sensations à la girouette comme à l’arbre, au ruisseau comme à la brise, n’est-il pas permis de constater un cri de douleur dans le déchirement de ces vieux ais pourris qui ne demandaient qu’à finir en paix au fond d’une chaumière ? Mais ces gémissements sont perdus au milieu des aboiements des chiens qu’on amène pour vendre, des grincements des tonneaux descendus des haquets, du cliquetis des faïences qu’on sort des longues voitures de déménagement, du cri des poules de la Cochinchine, étonnées de se trouver dans une basse-cour pleine de meubles, de cinquante conversations échangées entre les nouveaux acquéreurs et les garçons, des plaintes des réclamants dont on ne retrouve pas les objets trop bien emmagasinés, des exclamations d’un amateur qui obtient un rendez-vous avec l’objet tant cherché, des murmures d’un spéculateur qui découvre une fissure dans une pièce rare qu’il a payée hors de prix, des hu des conducteurs de tapissières, cinglant de coups de fouet les chevaux, pour leur faire donner nn dernier coup de collier avant d’entrer à l’hôtel.
Tel est le mouvement causé par la foule de marchands qui du côté du costume ne sacrifien pas aux lois de l’étiquette. On y voit plus de casquettes que de chapeaux, et presque autant de blouses que de vieux paletots, la curiosité proscrivant les habits noirs de magasins, où le moindre dérangement met en émeute des bataillons de poussière.
L’hôtel se repose à peine quelques minutes de midi à une heure, pour être prêt aux expositions et aux ventes, où vont se précipiter de nombreux clients. En un clin d’œil la foule a changé d’aspect, comme l’hôtel a changé de porte. Le mouvement s’est porté vers la rue Drouot, sur une des façades latérales du bâtiment. Alors commencent les exhibitions d’objets d’art ; c’est là que vont s’exercer les yeux les plus pénétrants de l’Europe.
L’intelligence du nombreux public qui arrive à l’hôtel à pied ou en voiture, entasse dans des magasins ou dans des hôtels les achats de la journée, cette intelligence gît dans l’œil. Une faiblesse de regard, un vice dans la vue, sont des fautes comme dans un duel à l’épée.
Les expositions de deux ou trois mille objets chaque jour demandent une puissance de regard semblable à celle du sauvage étudiant sur le gazon la piste d’un ennemi.
Le principal théâtre des diverses comédies qui se jouent pendant les ventes est au premier étage de l’hôtel, qui ne contient pas moins de sept salles différentes, réservées presque exclusivement à l’adjudication des œuvres d’art...............

PRÉFACE
L’HOTEL DES COMMISSAIRES-PRISEURS
CHAPITRE PREMIER L’AMATEUR
CHAPITRE II DICTIONNAIRE A L’USAGE DES CONNAISSEURS QUI NE S’Y CONNAISSENT PAS1
CHAPITRE III LA FAIENCE DES MÉDICIS
CHAPITRE IV LES RÊVEURS ET LES RALEURS
CHAPITRE V OU LA HAINE DE VOLTAIRE CONDUISIT UN COLLECTIONNEUR
CHAPITRE VI LE COMMISSAIRE PRISEUR
CHAPITRE VII LE CRAPAUD DE LA COMPAGNIE DES INDES
CHAPITRE VIII LE COMMISSAIRE-PRISEUR PINCÉ
CHAPITRE IX L’EXPERT
CHAPITRE X LE CRIEUR
CHAPITRE XI LE GARÇON
CHAPITRE XII LE MARCHAND
CHAPITRE XIII LE TRUQUEUR
CHAPITRE XIV LE FAUX OBÉLISQUE
CHAPITRE XV LE RESTAURATEUR DE TABLEAUX
CHAPITRE XVI LA SERINGUE ET LE PERROQUET
CHAPITRE XVII LE MOBILIER BLEU
CHAPITRE XVIII SALLE No 16, DITE DES COLONIES
CHAPITRE XIX LA VENTE DES OEUVRES D’UN HOMME DE GÉNIE
CHAPITRE XX LE COLLECTIONNEUR DE CHAUSSURES
CHAPITRE XXI LES TROUVAILLES DE M. BRETONCEL
CHAPITRE XXII SOIXANTE CONSEILS AUX COLLECTIONNEURS QUI FRÉQUENTENT L’HOTEL DROUOT
CHAPITRE XXIII LE COLLECTIONNEUR MARIÉ
CHAPITRE XXIV LE COLLECTIONNEUR DE CIELS
Notes

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