Author: | Henri Pirenne | ISBN: | 1230001005455 |
Publisher: | RG | Publication: | March 24, 2016 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Henri Pirenne |
ISBN: | 1230001005455 |
Publisher: | RG |
Publication: | March 24, 2016 |
Imprint: | |
Language: | French |
Extrait :
La fin du viiie siècle de notre ère a vu se réaliser dans l’Europe Occidentale un état de choses sans précédent. Pour la première fois, depuis l’aurore des temps historiques, le foyer, non seulement du mouvement politique mais également du mouvement général de la civilisation, s’est transporté du bassin de la Méditerranée dans celui de la mer du Nord. Le pivot de l’Empire romain était en Italie ; celui de l’Empire carolingien est situé dans la région comprise entre le Rhin et la Seine. Les Morins, qui durant tant de siècles, perdus à l’extrême pointe septentrionale du monde civilisé, passaient pour les extremi hominum, occupent désormais une situation centrale et c’est Rome qui se trouve maintenant reléguée et comme jetée en flèche à la frontière de l’Europe nouvelle.
On n’a peut-être pas suffisamment réfléchi à l’importance de cette transformation. Y étant accoutumés depuis un millier d’années, nous ne nous avisons pas suffisamment de ce qu’elle présente d’extraordinaire et presque de monstrueux ou du moins d’anormal. Jusqu’alors, en effet, la civilisation européenne s’est élaborée aux bords de la Méditerranée par le travail successif ou simultané de l’Égypte, de la Syrie, de la Phénicie, de la Grèce et de Rome. Celle-ci, la dernière ouvrière de l’œuvre admirable, a réuni en un seul État tous les peuples dont elle était l’héritière. L’Empire fondé par elle, les comprenant tous, est donc un Empire essentiellement méditerranéen. Son unité géographique frappe au premier coup d’œil. Elle fait sa force et lui communique une incomparable beauté. Ses provinces se groupent autour de la mer comme les parterres d’un grand parc autour d’un bassin. Au lieu de les séparer, elle les rapproche en les unissant les unes aux autres par une navigation rapide et facile. C’est par elle que s’échangent les produits des climats si divers, mais également fertiles, de ce monde privilégié. Elle joint l’Europe à l’Asie et à l’Afrique, ou plutôt on n’aperçoit pas alors entre l’Asie, l’Europe et l’Afrique cette opposition à laquelle nous sommes depuis si longtemps habitués. L’Orbis Romanus les a liées indissolublement ensemble dans la communauté d’une même civilisation.
Extrait :
La fin du viiie siècle de notre ère a vu se réaliser dans l’Europe Occidentale un état de choses sans précédent. Pour la première fois, depuis l’aurore des temps historiques, le foyer, non seulement du mouvement politique mais également du mouvement général de la civilisation, s’est transporté du bassin de la Méditerranée dans celui de la mer du Nord. Le pivot de l’Empire romain était en Italie ; celui de l’Empire carolingien est situé dans la région comprise entre le Rhin et la Seine. Les Morins, qui durant tant de siècles, perdus à l’extrême pointe septentrionale du monde civilisé, passaient pour les extremi hominum, occupent désormais une situation centrale et c’est Rome qui se trouve maintenant reléguée et comme jetée en flèche à la frontière de l’Europe nouvelle.
On n’a peut-être pas suffisamment réfléchi à l’importance de cette transformation. Y étant accoutumés depuis un millier d’années, nous ne nous avisons pas suffisamment de ce qu’elle présente d’extraordinaire et presque de monstrueux ou du moins d’anormal. Jusqu’alors, en effet, la civilisation européenne s’est élaborée aux bords de la Méditerranée par le travail successif ou simultané de l’Égypte, de la Syrie, de la Phénicie, de la Grèce et de Rome. Celle-ci, la dernière ouvrière de l’œuvre admirable, a réuni en un seul État tous les peuples dont elle était l’héritière. L’Empire fondé par elle, les comprenant tous, est donc un Empire essentiellement méditerranéen. Son unité géographique frappe au premier coup d’œil. Elle fait sa force et lui communique une incomparable beauté. Ses provinces se groupent autour de la mer comme les parterres d’un grand parc autour d’un bassin. Au lieu de les séparer, elle les rapproche en les unissant les unes aux autres par une navigation rapide et facile. C’est par elle que s’échangent les produits des climats si divers, mais également fertiles, de ce monde privilégié. Elle joint l’Europe à l’Asie et à l’Afrique, ou plutôt on n’aperçoit pas alors entre l’Asie, l’Europe et l’Afrique cette opposition à laquelle nous sommes depuis si longtemps habitués. L’Orbis Romanus les a liées indissolublement ensemble dans la communauté d’une même civilisation.