Author: | Pierre-Jean de Béranger, Pierre Dupont, Gustave Doré, Paul Lacroix, Ernest Doré | ISBN: | 1230002784106 |
Publisher: | M. Lévy (Paris) 1856 | Publication: | November 3, 2018 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Pierre-Jean de Béranger, Pierre Dupont, Gustave Doré, Paul Lacroix, Ernest Doré |
ISBN: | 1230002784106 |
Publisher: | M. Lévy (Paris) 1856 |
Publication: | November 3, 2018 |
Imprint: | |
Language: | French |
Il est ordinairement impossible de découvrir l’origine véritable d’une légende populaire, et même de préciser l’époque où elle a commencé de courir par le monde. On peut la comparer presque toujours à une épidémie, dont les causes secrètes échappent aux recherches de la science, et qui n’en a pas moins une existence reconnue, des effets manifestes et une marche occulte qu’on ne saurait ni prévoir ni arrêter.
Ainsi, la légende du Juif Errant, qui fut l’entretien de tout le moyen âge et qui circule encore parmi le peuple des campagnes dans la plupart des contrées de l’Europe, est sans doute bien antérieure au treizième siècle, quoiqu’on n’en trouve pas trace auparavant dans les chroniques. Depuis cette époque seulement, on constate de loin en loin la croyance générale qui l’avait admise comme un fait avéré, surtout en Allemagne, où les esprits, naturellement rêveurs et mystiques, étaient plus portés à la superstition et à la foi aveugle, qui font la fortune des légendes populaires.
Cette légende fameuse a sans doute pris sa source dans une belle et imposante allégorie, imaginée par quelque prédicateur, ou plutôt par quelque poëte qui a personnifié la nation juive sous les traits du Juif Errant. Les Juifs avaient demandé à Pilate la mort de Jésus-Christ, en disant : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! » Les Juifs avaient crucifié le Fils de Dieu, en l’insultant à sa dernière heure ; leur châtiment avait été prédit par Jésus lui-même, qui donnait des larmes à Jérusalem condamnée a périr : ils furent, après la destruction de cette ville par Titus, expulsés de leur patrie et dispersés dans l’empire romain.
Dès lors, on a vu s’accomplir cette étrange destinée d’un peuple, qui survit à sa dispersion, et qui conserve, au milieu des autres peuples, sa nationalité, son caractère, ses lois et sa religion, malgré les persécutions continuelles qu’on lui fait partout subir. Outragé, spolié, chassé, il ne se décourage jamais ; il change d’asile avec résignation ; avec opiniâtreté, il revient sans cesse dans les mêmes lieux ; il brave de nouveau les dangers auxquels il avait à peine échappé ; il affecte d’être pauvre, pour s’enrichir impunément ; il se cache pour se soustraire aux avanies et aux supplices ; il ne veut pas abdiquer pourtant sa physionomie et son costume, parce qu’il persiste à rester juif, jusqu’à la venue du Messie, qu’il attend avec confiance. Tel a été le sort des Juifs jusqu’à nos jours ; telle est aussi la triste condition du Juif Errant, selon la légende.
On peut dire que l’arrêt du ciel, qui frappa les Juifs, en expiation du déicide, et qui les laissa traîner d’un bout du monde à l’autre leur déplorable individualité, que n’ont jamais absorbée ni même effacée les nations étrangères à travers lesquelles ils errent éternellement, on peut dire que cet arrêt terrible se trouve admirablement symbolisé dans l’histoire du Juif Errant.
Avant le treizième siècle, cette histoire était déjà fort accréditée chez tous les peuples chrétiens : les croisés l’avaient peut-être rapportée de la Palestine, ou plutôt elle se rattachait aux solennelles traditions de l’an 1000, qui, d’après une fausse interprétation d’un passage de l’Évangile, avait été l’effroi de l’Eglise catholique.
L’an 1000 devait être marqué par la Fin du monde, la venue de l’Antechrist et le Jugement dernier ; l’Antechrist ne vint pas, le monde ne finit point, en dépit des signes menaçants qui semblaient annoncer sa fin : inondations, famines, pestes, éclipses de lune et de soleil ; mais, comme sans doute les fourbes ne manquèrent pas alors pour exploiter la terreur universelle en jouant le rôle de l’Antechrist et en ramassant beaucoup d’aumônes à ce titre, on supposa sans doute que ces prétendus Antechrists, qui avaient apparu çà et là, n’étaient autres que le Juif Errant, qui ne pouvait séjourner au même endroit, et qui se transportait d’Orient en Occident avec la rapidité du vent et de l’éclair.
Il est ordinairement impossible de découvrir l’origine véritable d’une légende populaire, et même de préciser l’époque où elle a commencé de courir par le monde. On peut la comparer presque toujours à une épidémie, dont les causes secrètes échappent aux recherches de la science, et qui n’en a pas moins une existence reconnue, des effets manifestes et une marche occulte qu’on ne saurait ni prévoir ni arrêter.
Ainsi, la légende du Juif Errant, qui fut l’entretien de tout le moyen âge et qui circule encore parmi le peuple des campagnes dans la plupart des contrées de l’Europe, est sans doute bien antérieure au treizième siècle, quoiqu’on n’en trouve pas trace auparavant dans les chroniques. Depuis cette époque seulement, on constate de loin en loin la croyance générale qui l’avait admise comme un fait avéré, surtout en Allemagne, où les esprits, naturellement rêveurs et mystiques, étaient plus portés à la superstition et à la foi aveugle, qui font la fortune des légendes populaires.
Cette légende fameuse a sans doute pris sa source dans une belle et imposante allégorie, imaginée par quelque prédicateur, ou plutôt par quelque poëte qui a personnifié la nation juive sous les traits du Juif Errant. Les Juifs avaient demandé à Pilate la mort de Jésus-Christ, en disant : « Que son sang retombe sur nous et sur nos enfants ! » Les Juifs avaient crucifié le Fils de Dieu, en l’insultant à sa dernière heure ; leur châtiment avait été prédit par Jésus lui-même, qui donnait des larmes à Jérusalem condamnée a périr : ils furent, après la destruction de cette ville par Titus, expulsés de leur patrie et dispersés dans l’empire romain.
Dès lors, on a vu s’accomplir cette étrange destinée d’un peuple, qui survit à sa dispersion, et qui conserve, au milieu des autres peuples, sa nationalité, son caractère, ses lois et sa religion, malgré les persécutions continuelles qu’on lui fait partout subir. Outragé, spolié, chassé, il ne se décourage jamais ; il change d’asile avec résignation ; avec opiniâtreté, il revient sans cesse dans les mêmes lieux ; il brave de nouveau les dangers auxquels il avait à peine échappé ; il affecte d’être pauvre, pour s’enrichir impunément ; il se cache pour se soustraire aux avanies et aux supplices ; il ne veut pas abdiquer pourtant sa physionomie et son costume, parce qu’il persiste à rester juif, jusqu’à la venue du Messie, qu’il attend avec confiance. Tel a été le sort des Juifs jusqu’à nos jours ; telle est aussi la triste condition du Juif Errant, selon la légende.
On peut dire que l’arrêt du ciel, qui frappa les Juifs, en expiation du déicide, et qui les laissa traîner d’un bout du monde à l’autre leur déplorable individualité, que n’ont jamais absorbée ni même effacée les nations étrangères à travers lesquelles ils errent éternellement, on peut dire que cet arrêt terrible se trouve admirablement symbolisé dans l’histoire du Juif Errant.
Avant le treizième siècle, cette histoire était déjà fort accréditée chez tous les peuples chrétiens : les croisés l’avaient peut-être rapportée de la Palestine, ou plutôt elle se rattachait aux solennelles traditions de l’an 1000, qui, d’après une fausse interprétation d’un passage de l’Évangile, avait été l’effroi de l’Eglise catholique.
L’an 1000 devait être marqué par la Fin du monde, la venue de l’Antechrist et le Jugement dernier ; l’Antechrist ne vint pas, le monde ne finit point, en dépit des signes menaçants qui semblaient annoncer sa fin : inondations, famines, pestes, éclipses de lune et de soleil ; mais, comme sans doute les fourbes ne manquèrent pas alors pour exploiter la terreur universelle en jouant le rôle de l’Antechrist et en ramassant beaucoup d’aumônes à ce titre, on supposa sans doute que ces prétendus Antechrists, qui avaient apparu çà et là, n’étaient autres que le Juif Errant, qui ne pouvait séjourner au même endroit, et qui se transportait d’Orient en Occident avec la rapidité du vent et de l’éclair.