Author: | DONATIEN ALPHONSE FRANÇOIS DE SADE | ISBN: | 1230002300399 |
Publisher: | Jwarlal | Publication: | April 30, 2018 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | DONATIEN ALPHONSE FRANÇOIS DE SADE |
ISBN: | 1230002300399 |
Publisher: | Jwarlal |
Publication: | April 30, 2018 |
Imprint: | |
Language: | French |
Ce livre est parmi les classiques populaires les plus vendus "bestseller" de leur époque. Voici un extrait de ce bel ouvrage :
Si, plein d’un respect vain, ridicule et superstitieux pour nos absurdes conventions sociales, il arrive malgré cela que nous n’ayons rencontré que des ronces où les méchans ne cueuillaient que des roses, les gens naturellement vicieux par systême, par goût, ou par tempéramment, ne calculeront-ils pas, avec assez de vraisemblance, qu’il, vaut mieux s’abandonner au vice que d’y résister ? Ne diront-ils pas, avec quelqu’apparence de raison, que la vertu, quelque belle qu’elle soit, devient pourtant le plus mauvais parti qu’on puisse prendre quand elle se trouve trop foible pour lutter contre le vice, et que, dans un siècle absolument corrompu, comme celui dans lequel nous vivons, le plus sûr est de faire comme les autres ? Un peu plus philosophes, si l’on veut, ne diront-ils pas, avec l’ange Jesrad de Zadig, qu’il n’y a aucun mal dont il ne naisse un bien, et qu’ils peuvent, d’après cela, se livrer au mal tant qu’ils voudront, puisqu’il n’est, dans le fait, qu’une des façons de faire le bien ? N’ajouteront-ils pas, avec quelque certitude, qu’il est indifférent au plan général que tel ou tel soit bon ou méchant de préférence ; que si le malheur persécute la vertu, et que la prospérité accompagne le crime, les choses étant égales aux intentions de la nature, il vaut infiniment mieux prendre parti parmi les méchans qui prospèrent, que parmi les vertueux qui échouent ?
C’est, nous ne le déguisons plus, pour appuyer ces systêmes, que nous allons donner au public l’histoire de la vertueuse Justine ; il est essentiel que les sots cessent d’encenser cette ridicule idole de la vertu, qui ne les a jusqu’ici payé que d’ingratitude, et que les gens d’esprit, communément livrés par principes aux écarts délicieux du vice et de la débauche, se rassurent en voyant les exemples frappans de bonheur et de prospérité qui les accompagnent presqu’inévitablement dans la route débordée qu’ils choisissent. Il est affreux sans doute d’avoir à peindre, d’une part, les malheurs effrayans dont le ciel accable la femme douce et sensible qui respecte le mieux la vertu ; d’une autre, l’affluence des prospérités sur ceux qui tourmentent ou qui mortifient cette même femme ; mais l’homme-de-lettres, assez philosophe pour dire le vrai, surmonte ces désagrémens, et cruel par nécessité, il arrache impitoyablement d’une main les superstitieuses parures dont la sottise embellit la vertu, et montre effrontément de l’autre à l’homme ignorant que l’on trompait, le vice au milieu des charmes et des jouissances qui l’entourent et le suivent sans cesse.
Tels sont les sentimens qui vont diriger nos travaux ; et c’est en raison de ces motifs, qu’unissant le langage le plus cinique aux systêmes les plus forts et les plus hardis, aux idées les plus immorales et les plus impies, nous allons, avec une courageuse audace, peindre le crime comme il est, c’est-à-dire, toujours triomphant et sublime, toujours content et fortuné, et la vertu comme on la voit également, toujours maussade et toujours triste, toujours pédante et toujours malheureuse.
Ce livre est parmi les classiques populaires les plus vendus "bestseller" de leur époque. Voici un extrait de ce bel ouvrage :
Si, plein d’un respect vain, ridicule et superstitieux pour nos absurdes conventions sociales, il arrive malgré cela que nous n’ayons rencontré que des ronces où les méchans ne cueuillaient que des roses, les gens naturellement vicieux par systême, par goût, ou par tempéramment, ne calculeront-ils pas, avec assez de vraisemblance, qu’il, vaut mieux s’abandonner au vice que d’y résister ? Ne diront-ils pas, avec quelqu’apparence de raison, que la vertu, quelque belle qu’elle soit, devient pourtant le plus mauvais parti qu’on puisse prendre quand elle se trouve trop foible pour lutter contre le vice, et que, dans un siècle absolument corrompu, comme celui dans lequel nous vivons, le plus sûr est de faire comme les autres ? Un peu plus philosophes, si l’on veut, ne diront-ils pas, avec l’ange Jesrad de Zadig, qu’il n’y a aucun mal dont il ne naisse un bien, et qu’ils peuvent, d’après cela, se livrer au mal tant qu’ils voudront, puisqu’il n’est, dans le fait, qu’une des façons de faire le bien ? N’ajouteront-ils pas, avec quelque certitude, qu’il est indifférent au plan général que tel ou tel soit bon ou méchant de préférence ; que si le malheur persécute la vertu, et que la prospérité accompagne le crime, les choses étant égales aux intentions de la nature, il vaut infiniment mieux prendre parti parmi les méchans qui prospèrent, que parmi les vertueux qui échouent ?
C’est, nous ne le déguisons plus, pour appuyer ces systêmes, que nous allons donner au public l’histoire de la vertueuse Justine ; il est essentiel que les sots cessent d’encenser cette ridicule idole de la vertu, qui ne les a jusqu’ici payé que d’ingratitude, et que les gens d’esprit, communément livrés par principes aux écarts délicieux du vice et de la débauche, se rassurent en voyant les exemples frappans de bonheur et de prospérité qui les accompagnent presqu’inévitablement dans la route débordée qu’ils choisissent. Il est affreux sans doute d’avoir à peindre, d’une part, les malheurs effrayans dont le ciel accable la femme douce et sensible qui respecte le mieux la vertu ; d’une autre, l’affluence des prospérités sur ceux qui tourmentent ou qui mortifient cette même femme ; mais l’homme-de-lettres, assez philosophe pour dire le vrai, surmonte ces désagrémens, et cruel par nécessité, il arrache impitoyablement d’une main les superstitieuses parures dont la sottise embellit la vertu, et montre effrontément de l’autre à l’homme ignorant que l’on trompait, le vice au milieu des charmes et des jouissances qui l’entourent et le suivent sans cesse.
Tels sont les sentimens qui vont diriger nos travaux ; et c’est en raison de ces motifs, qu’unissant le langage le plus cinique aux systêmes les plus forts et les plus hardis, aux idées les plus immorales et les plus impies, nous allons, avec une courageuse audace, peindre le crime comme il est, c’est-à-dire, toujours triomphant et sublime, toujours content et fortuné, et la vertu comme on la voit également, toujours maussade et toujours triste, toujours pédante et toujours malheureuse.