Author: | Julie Gouraud, Adrien Marie | ISBN: | 1230003096734 |
Publisher: | Paris : Hachette, 1884 | Publication: | February 22, 2019 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Julie Gouraud, Adrien Marie |
ISBN: | 1230003096734 |
Publisher: | Paris : Hachette, 1884 |
Publication: | February 22, 2019 |
Imprint: | |
Language: | French |
« Oh ! qu’on a tort de pleurer, chère Agathe ! Je vais t’en donner la preuve : hier soir maman me dit : « Pauline, je vais m’absenter pendant six semaines ; ma santé l’exige. J’emmène ta sœur et je te laisse avec ton papa dont tu auras bien soin, j’en suis certaine. »
« J’éclatai en sanglots, ne voulant rien écouter.
« Cependant on ne peut pas pleurer toujours aussi fort ; d’ailleurs mon mouchoir était trempé. Lorsque je fus un peu calmée, maman me dit : « Je te croyais plus raisonnable, et j’avais un projet auquel je me vois forcée de renoncer.
« – Quel projet, maman ?
« – Je voulais faire de toi une petite maîtresse « de maison en l’absence de ta sœur. Tu écris assez passablement pour tenir le livre de dépense jusqu’à mon retour ; Babet ferait ce que tu lui commanderais pour le déjeuner et pour le dîner ; tu veillerais à ce que rien ne manquât à ton père que tu aimes tant. Je me suis trompée ! »
« Ma surprise fut si grande, que je crus rêver ; mais non, maman parlait sérieusement : je serais maîtresse de maison. Babet, Justine et Philippe m’obéiraient ! Et comme j’avais l’air de douter, maman ajouta : « Vois, quelle confiance j’ai en toi ! Il est vrai que tu auras dix ans bientôt, tu n’es plus une enfant. »
« Agathe, je n’ai point de secrets pour toi. Il faut que tu connaisses le vilain sentiment qui s’empara de mon cœur : J’aurais voulu voir maman et Mathilde partir tout de suite !
« Comprends-tu mon bonheur, chère amie ? Être maîtresse de maison ! C’est-à-dire faire tout ce qu’on veut. Maman m’a bien prévenue que je devrai réfléchir avant de donner un ordre, qu’il est plus facile d’obéir que de commander, mais je ne le crois pas. Quelle difficulté peut-il donc y avoir à commander le déjeuner et le dîner ? À diriger Justine qui aime un peu trop à faire à sa tête ?
« Le temps est magnifique ; je me promènerai avec papa ; nous ferons des visites, on nous les rendra ; puis viendront sans doute les invitations à dîner, et c’est alors que je me distinguerai.
« Mon bonheur ne sera cependant pas sans nuage : maman m’a laissé des leçons à apprendre, une tâche de couture, et le terrible M. Lemoine continuera ses leçons d’écriture, d’orthographe et de calcul.
« Entre nous soit dit, ces conditions me semblent singulières : une maîtresse de maison a-t-elle trop de la journée pour surveiller ses gens, recevoir les visites ; car à la campagne, on ne peut pas fermer sa porte… enfin…
« Oh ! comme je vais bien soigner mon petit papa ! Comme la maison sera belle ! Il faudra bien que Basile cueille des fleurs pour orner mes appartements. Je serai bonne, mais ferme.
« Oh ! qu’on a tort de pleurer, chère Agathe ! Je vais t’en donner la preuve : hier soir maman me dit : « Pauline, je vais m’absenter pendant six semaines ; ma santé l’exige. J’emmène ta sœur et je te laisse avec ton papa dont tu auras bien soin, j’en suis certaine. »
« J’éclatai en sanglots, ne voulant rien écouter.
« Cependant on ne peut pas pleurer toujours aussi fort ; d’ailleurs mon mouchoir était trempé. Lorsque je fus un peu calmée, maman me dit : « Je te croyais plus raisonnable, et j’avais un projet auquel je me vois forcée de renoncer.
« – Quel projet, maman ?
« – Je voulais faire de toi une petite maîtresse « de maison en l’absence de ta sœur. Tu écris assez passablement pour tenir le livre de dépense jusqu’à mon retour ; Babet ferait ce que tu lui commanderais pour le déjeuner et pour le dîner ; tu veillerais à ce que rien ne manquât à ton père que tu aimes tant. Je me suis trompée ! »
« Ma surprise fut si grande, que je crus rêver ; mais non, maman parlait sérieusement : je serais maîtresse de maison. Babet, Justine et Philippe m’obéiraient ! Et comme j’avais l’air de douter, maman ajouta : « Vois, quelle confiance j’ai en toi ! Il est vrai que tu auras dix ans bientôt, tu n’es plus une enfant. »
« Agathe, je n’ai point de secrets pour toi. Il faut que tu connaisses le vilain sentiment qui s’empara de mon cœur : J’aurais voulu voir maman et Mathilde partir tout de suite !
« Comprends-tu mon bonheur, chère amie ? Être maîtresse de maison ! C’est-à-dire faire tout ce qu’on veut. Maman m’a bien prévenue que je devrai réfléchir avant de donner un ordre, qu’il est plus facile d’obéir que de commander, mais je ne le crois pas. Quelle difficulté peut-il donc y avoir à commander le déjeuner et le dîner ? À diriger Justine qui aime un peu trop à faire à sa tête ?
« Le temps est magnifique ; je me promènerai avec papa ; nous ferons des visites, on nous les rendra ; puis viendront sans doute les invitations à dîner, et c’est alors que je me distinguerai.
« Mon bonheur ne sera cependant pas sans nuage : maman m’a laissé des leçons à apprendre, une tâche de couture, et le terrible M. Lemoine continuera ses leçons d’écriture, d’orthographe et de calcul.
« Entre nous soit dit, ces conditions me semblent singulières : une maîtresse de maison a-t-elle trop de la journée pour surveiller ses gens, recevoir les visites ; car à la campagne, on ne peut pas fermer sa porte… enfin…
« Oh ! comme je vais bien soigner mon petit papa ! Comme la maison sera belle ! Il faudra bien que Basile cueille des fleurs pour orner mes appartements. Je serai bonne, mais ferme.