Author: | Anatole France | ISBN: | 1230000825221 |
Publisher: | ligaran | Publication: | December 3, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Anatole France |
ISBN: | 1230000825221 |
Publisher: | ligaran |
Publication: | December 3, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
La majesté de la justice réside tout entière dans chaque sentence rendue par le juge au nom du peuple souverain.
Jérôme Crainquebille, marchand ambulant, connut combien la loi est auguste, quand il fut traduit en police
correctionnelle pour outrage à un agent de la force publique. Ayant pris place, dans la salle magnifique et
sombre, sur le banc des accusés, il vit les juges, les greffiers, les avocats en robe, l’huissier portant la
chaîne, les gendarmes et, derrière une cloison, les têtes nues des spectateurs silencieux. Et il se vit lui-même
assis sur un siège élevé, comme si, de paraître devant des magistrats, l’accusé lui-même en recevait un funeste
honneur. Au fond de la salle, entre les deux assesseurs, M. le président Bourriche siégeait. Les palmes d’officier
d’académie étaient attachées sur sa poitrine. Un buste de la République et un Christ en croix surmontaient le prétoire,
en sorte que toutes les lois divines et humaines étaient suspendues sur la tête de Crainquebille. Il en conçut une
juste terreur. N’ayant point l’esprit philosophique, il ne se demanda pas ce que voulaient dire ce buste et ce crucifix
et il ne rechercha pas si Jésus et Marianne, au Palais, s’accordaient ensemble. C’était pourtant matière à réflexion,
car enfin la doctrine pontificale et le droit canon sont opposés, sur bien des points, à la Constitution de la République
et au Code civil. Les Décrétales n’ont point été abolies, qu’on sache. L’Église du Christ enseigne comme autrefois que seuls
sont légitimes les pouvoirs auxquels elle a donné l’investiture. Or, la République rançaise prétend encore ne pas relever de
la puissance pontificale. Crainquebille pouvait dire avec quelque raison...
La majesté de la justice réside tout entière dans chaque sentence rendue par le juge au nom du peuple souverain.
Jérôme Crainquebille, marchand ambulant, connut combien la loi est auguste, quand il fut traduit en police
correctionnelle pour outrage à un agent de la force publique. Ayant pris place, dans la salle magnifique et
sombre, sur le banc des accusés, il vit les juges, les greffiers, les avocats en robe, l’huissier portant la
chaîne, les gendarmes et, derrière une cloison, les têtes nues des spectateurs silencieux. Et il se vit lui-même
assis sur un siège élevé, comme si, de paraître devant des magistrats, l’accusé lui-même en recevait un funeste
honneur. Au fond de la salle, entre les deux assesseurs, M. le président Bourriche siégeait. Les palmes d’officier
d’académie étaient attachées sur sa poitrine. Un buste de la République et un Christ en croix surmontaient le prétoire,
en sorte que toutes les lois divines et humaines étaient suspendues sur la tête de Crainquebille. Il en conçut une
juste terreur. N’ayant point l’esprit philosophique, il ne se demanda pas ce que voulaient dire ce buste et ce crucifix
et il ne rechercha pas si Jésus et Marianne, au Palais, s’accordaient ensemble. C’était pourtant matière à réflexion,
car enfin la doctrine pontificale et le droit canon sont opposés, sur bien des points, à la Constitution de la République
et au Code civil. Les Décrétales n’ont point été abolies, qu’on sache. L’Église du Christ enseigne comme autrefois que seuls
sont légitimes les pouvoirs auxquels elle a donné l’investiture. Or, la République rançaise prétend encore ne pas relever de
la puissance pontificale. Crainquebille pouvait dire avec quelque raison...