L’Art bouddhique

Fiction & Literature, Classics, Historical
Cover of the book L’Art bouddhique by Henri Focillon, Henri Focillon
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Author: Henri Focillon ISBN: 1230001393125
Publisher: Henri Focillon Publication: October 20, 2016
Imprint: Language: French
Author: Henri Focillon
ISBN: 1230001393125
Publisher: Henri Focillon
Publication: October 20, 2016
Imprint:
Language: French

EXTRAIT:

ART ET RELIGION

 

Malgré les écoles et les groupements, l’art contemporain est avant tout l’expression de l’individu. Le XIXe siècle nous a habitués à concevoir l’art comme une manifestation de pure liberté, se suffisant à elle-même, et, bien avant les théoriciens de l’art pour l’art, la Critique du Jugement présentait l’activité de jeu comme principe de la création esthétique. Nos plus récentes méthodes d’investigation, même lorsqu’elles s’appliquent aux œuvres du passé, tendent à s’inspirer de ces idées. Par réaction contre un excès d’intellectualisme et contre de faciles généralisations historiques, nous nous attachons de plus en plus à voir dans les chefs-d’œuvre du génie des réalités spécifiques nées d’un fiat échappant dans une large mesure aux nécessités des temps et aux habitudes des milieux. Nous sommes conduits à classer les maîtres selon qu’ils nous paraissent plus ou moins affranchis du déterminisme, et le monde de l’art est à nos yeux un univers à part, superposé au nôtre et n’ayant avec ce dernier que des relations de circonstance, de prétexte ou d’occasion. Quelle que soit sa valeur absolue, cette esthétique a le mérite de représenter l’attitude de l’homme moderne et l’état actuel de la conscience artistique ; elle met en évidence avec beaucoup d’autorité des valeurs techniques naguère négligées et sans lesquelles il n’y aurait pas de statues ni de tableaux.

Notre art est, d’autre part, presque purement laïque, j’entends qu’il n’est pas conduit par une théologie et qu’il n’est pas sous la dépendance d’une église. Nous avons même de la peine à concevoir qu’il en ait jamais pu être ainsi, et c’est une originalité de l’archéologie contemporaine que d’avoir réussi à nous convaincre que les cathédrales du XIIIe siècle étaient des édifices véritablement religieux. Quelle que soit sa profondeur ou sa vivacité, le sentiment confessionnel n’intervient plus qu’exceptionnellement dans les arts, et comme un don particulier de poésie. Sans doute l’immense bagage des sujets pieux et des attributs liturgiques continue à inspirer et à documenter les sculpteurs ou les peintres, et l’on verra longtemps encore des Vierges et des Crucifixions exécutées avec plus ou moins de talent. Mais, s’il est permis de les classer encore par habitude dans l’art religieux, l’art religieux, au sens profond et canonique du mot, n’existe plus guère, et, quand il mérite vraiment ce nom, quand il est fait pour l’église, sur la commande de l’église et sous son inspiration directe, mérite-t-il encore d’être appelé un art ? En traitant les thèmes chers à l’art chrétien, la Renaissance y avait fait circuler le génie du paganisme et fait éclater la joie de vivre dans des épisodes destinés à propager l’humilité et le renoncement. Le dernier grand effort original de l’église dans les arts, le style jésuite, n’est pas seulement nuancé par l’esprit du siècle, il se présente comme une spirituelle et romanesque apologie de la mondanité.

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EXTRAIT:

ART ET RELIGION

 

Malgré les écoles et les groupements, l’art contemporain est avant tout l’expression de l’individu. Le XIXe siècle nous a habitués à concevoir l’art comme une manifestation de pure liberté, se suffisant à elle-même, et, bien avant les théoriciens de l’art pour l’art, la Critique du Jugement présentait l’activité de jeu comme principe de la création esthétique. Nos plus récentes méthodes d’investigation, même lorsqu’elles s’appliquent aux œuvres du passé, tendent à s’inspirer de ces idées. Par réaction contre un excès d’intellectualisme et contre de faciles généralisations historiques, nous nous attachons de plus en plus à voir dans les chefs-d’œuvre du génie des réalités spécifiques nées d’un fiat échappant dans une large mesure aux nécessités des temps et aux habitudes des milieux. Nous sommes conduits à classer les maîtres selon qu’ils nous paraissent plus ou moins affranchis du déterminisme, et le monde de l’art est à nos yeux un univers à part, superposé au nôtre et n’ayant avec ce dernier que des relations de circonstance, de prétexte ou d’occasion. Quelle que soit sa valeur absolue, cette esthétique a le mérite de représenter l’attitude de l’homme moderne et l’état actuel de la conscience artistique ; elle met en évidence avec beaucoup d’autorité des valeurs techniques naguère négligées et sans lesquelles il n’y aurait pas de statues ni de tableaux.

Notre art est, d’autre part, presque purement laïque, j’entends qu’il n’est pas conduit par une théologie et qu’il n’est pas sous la dépendance d’une église. Nous avons même de la peine à concevoir qu’il en ait jamais pu être ainsi, et c’est une originalité de l’archéologie contemporaine que d’avoir réussi à nous convaincre que les cathédrales du XIIIe siècle étaient des édifices véritablement religieux. Quelle que soit sa profondeur ou sa vivacité, le sentiment confessionnel n’intervient plus qu’exceptionnellement dans les arts, et comme un don particulier de poésie. Sans doute l’immense bagage des sujets pieux et des attributs liturgiques continue à inspirer et à documenter les sculpteurs ou les peintres, et l’on verra longtemps encore des Vierges et des Crucifixions exécutées avec plus ou moins de talent. Mais, s’il est permis de les classer encore par habitude dans l’art religieux, l’art religieux, au sens profond et canonique du mot, n’existe plus guère, et, quand il mérite vraiment ce nom, quand il est fait pour l’église, sur la commande de l’église et sous son inspiration directe, mérite-t-il encore d’être appelé un art ? En traitant les thèmes chers à l’art chrétien, la Renaissance y avait fait circuler le génie du paganisme et fait éclater la joie de vivre dans des épisodes destinés à propager l’humilité et le renoncement. Le dernier grand effort original de l’église dans les arts, le style jésuite, n’est pas seulement nuancé par l’esprit du siècle, il se présente comme une spirituelle et romanesque apologie de la mondanité.

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