Le Collier des jours

Fiction & Literature, Classics, Historical
Cover of the book Le Collier des jours by Judith Gautier, Judith Gautier
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Author: Judith Gautier ISBN: 1230001677089
Publisher: Judith Gautier Publication: May 12, 2017
Imprint: Language: French
Author: Judith Gautier
ISBN: 1230001677089
Publisher: Judith Gautier
Publication: May 12, 2017
Imprint:
Language: French

EXTRAIT:

I

J’ai commencé la vie par une passion.

Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, c’est cependant tout à fait certain, et cette passion, qui eut, comme toujours, ses joies et ses peines, aboutit à un chagrin dont la violence n’a jamais été, pour moi, égalée.

On m’a raconté que j’avais montré beaucoup de répugnance à venir au monde : la figure voilée de mon bras replié, je me refusais obstinément à faire mon entrée dans cette vie, et, y ayant été contrainte, je manifestai mon déplaisir par un véritable accès de fureur : j’avais saisi, en criant, les doigts du médecin et je m’y cramponnais de telle façon, qu’incapable d’agir, il fut obligé de les secouer vivement et s’écria, très stupéfait :

— Mais qu’est-ce que c’est qu’un pareil petit monstre ?…

Mon agresseur était le docteur Aussandon, un héros et un titan, qui arrêtait les chevaux emportés et se plaisait à aller se mesurer, dans les cirques, avec les hercules célèbres. Mais j’ignorais ces hauts faits, et, nullement intimidée, j’avais accepté le combat.

Je me suis fait souvent raconter par ma mère cet incident qui me semblait prophétique, et exprimait si bien l’opinion que je devais avoir, plus tard, de l’existence. 

II

Ma mère, qui était Milanaise, faisait alors partie de l’illustre troupe des Italiens, avec sa cousine germaine, Giulia Grisi, avec Mario, Lablache, et tant d’autres glorieux artistes. Elle ne pouvait donc s’embarrasser d’un enfant, et je fus mise en nourrice, dans la banlieue de Paris.

C’est là que germa et grandit, en même temps que moi, cette passion pour celle à qui on m’avait confiée, si exclusive et si forte, qu’elle détermina dans mon cerveau à peine formé, une très singulière précocité de sentiments.

J’ai peine à comprendre comment il se peut que mes plus anciens souvenirs soient d’une nature aussi compliquée. Ils sont si nets, si précis, qu’il faut bien y croire, cependant. Les plus reculés sont certainement les plus vivaces. Ces premières lignes, écrites sur la page blanche de la vie, m’apparaissent comme tracées en caractères plus gros, plus espacés, au-dessus des lignes, qui, par la suite, de plus en plus se serrent et s’enchevêtrent.

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EXTRAIT:

I

J’ai commencé la vie par une passion.

Aussi extraordinaire que cela puisse paraître, c’est cependant tout à fait certain, et cette passion, qui eut, comme toujours, ses joies et ses peines, aboutit à un chagrin dont la violence n’a jamais été, pour moi, égalée.

On m’a raconté que j’avais montré beaucoup de répugnance à venir au monde : la figure voilée de mon bras replié, je me refusais obstinément à faire mon entrée dans cette vie, et, y ayant été contrainte, je manifestai mon déplaisir par un véritable accès de fureur : j’avais saisi, en criant, les doigts du médecin et je m’y cramponnais de telle façon, qu’incapable d’agir, il fut obligé de les secouer vivement et s’écria, très stupéfait :

— Mais qu’est-ce que c’est qu’un pareil petit monstre ?…

Mon agresseur était le docteur Aussandon, un héros et un titan, qui arrêtait les chevaux emportés et se plaisait à aller se mesurer, dans les cirques, avec les hercules célèbres. Mais j’ignorais ces hauts faits, et, nullement intimidée, j’avais accepté le combat.

Je me suis fait souvent raconter par ma mère cet incident qui me semblait prophétique, et exprimait si bien l’opinion que je devais avoir, plus tard, de l’existence. 

II

Ma mère, qui était Milanaise, faisait alors partie de l’illustre troupe des Italiens, avec sa cousine germaine, Giulia Grisi, avec Mario, Lablache, et tant d’autres glorieux artistes. Elle ne pouvait donc s’embarrasser d’un enfant, et je fus mise en nourrice, dans la banlieue de Paris.

C’est là que germa et grandit, en même temps que moi, cette passion pour celle à qui on m’avait confiée, si exclusive et si forte, qu’elle détermina dans mon cerveau à peine formé, une très singulière précocité de sentiments.

J’ai peine à comprendre comment il se peut que mes plus anciens souvenirs soient d’une nature aussi compliquée. Ils sont si nets, si précis, qu’il faut bien y croire, cependant. Les plus reculés sont certainement les plus vivaces. Ces premières lignes, écrites sur la page blanche de la vie, m’apparaissent comme tracées en caractères plus gros, plus espacés, au-dessus des lignes, qui, par la suite, de plus en plus se serrent et s’enchevêtrent.

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