Author: | Alexandre Dumas | ISBN: | 1230000673624 |
Publisher: | Consumer Oriented Ebooks Publisher | Publication: | September 20, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Alexandre Dumas |
ISBN: | 1230000673624 |
Publisher: | Consumer Oriented Ebooks Publisher |
Publication: | September 20, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
Le _corricolo_ est le synonyme de _calessino_, mais comme il n'y a
pas de synonyme parfait, expliquons la différence qui existe entre le
corricolo et le calessino.
Le corricolo est un espèce de tilbury primitivement destiné à contenir
une personne et à être attelé d'un cheval; on l'attelle de deux
chevaux, et il charrie de douze à quinze personnes.
Et qu'on ne croie pas que ce soit au pas, comme la charrette à boeufs
des rois francs, ou au trot, comme le cabriolet de régie; non, c'est
au triple galop; et le char de Pluton, qui enlevait Proserpine sur les
bords du Symète, n'allait pas plus vite que le corricolo qui sillonne
les quais de Naples en brûlant un pavé de laves et en soulevant leur
poussière de cendres.
Cependant un seul des deux chevaux tire véritablement: c'est le
timonier. L'autre, qui s'appelle le bilancino, et qui est attelé de
côté, bondit, caracole, excite son compagnon, voilà tout. Quel dieu,
comme à Tityre, lui a fait ce repos? C'est le hasard, c'est la
Providence, c'est la fatalité: les chevaux, comme les hommes, ont leur
étoile.
Nous avons dit que ce tilbury, destiné à une personne, en charriait
d'ordinaire douze ou quinze; cela, nous le comprenons bien, demande
une explication. Un vieux proverbe français dit: «Quand il y en a
pour un, il y en a pour deux.» Mais je ne connais aucun proverbe dans
aucune langue qui dise: «Quand il y en a pour un, il y en a pour
quinze.»
Il en est cependant ainsi du corricolo, tant, dans les civilisations
avancées, chaque chose est détournée de sa destination primitive!
Comment et en combien de temps s'est faite cette agglomération
successive d'individus sur le corricolo, c'est ce qu'il est impossible
de déterminer avec précision. Contentons-nous donc de dire comment
elle y tient.
D'abord, et presque toujours, un gros moine est assis au milieu, et
forme le centre de l'agglomération humaine que le corricolo emporte
comme un de ces tourbillons d'âmes que Dante vit suivant un grand
étendard dans le premier cercle de l'enfer. Il a sur un de ses genoux
quelque fraîche nourrice d'Aversa ou de Nettuno, et sur l'autre
quelque belle paysanne de Bauci ou de Procida; aux deux côtés du
moine, entre les roues et la caisse, se tiennent debout les maris de
ces dames. Derrière le moine se dresse sur la pointe des pieds le
propriétaire ou le conducteur de l'attelage, tenant de la main gauche
la bride, et de la main droite le long fouet avec lequel il entretient
d'une égale vitesse la marche de ses deux chevaux. Derrière celui-ci
se groupent à leur tour, à la manière des valets de bonne maison, deux
ou trois lazzaroni, qui montent, qui descendent, se succèdent, se
renouvellent, sans qu'on pense jamais à leur demander un salaire en
échange du service rendu. Sur les deux brancards sont assis deux
gamins ramassés sur la route de Torre del Greco ou de Pouzzoles,
ciceroni surnuméraires des antiquités d'Herculanum et de Pompéia,
guides marrons des antiquités de Cumes et de Baïa. Enfin, sous
l'essieu de la voiture, entre les deux roues, dans un filet à grosses
mailles qui va ballottant de haut en bas, de long en large, grouille
quelque chose d'informe, qui rit, qui pleure, qui crie, qui hogne, qui
se plaint, qui chante, qui raille, qu'il est impossible de distinguer
au milieu de la poussière que soulèvent les pieds des chevaux: ce sont
trois ou quatre enfans qui appartiennent on ne sait à qui, qui vont
on ne sait où, qui vivent on ne sait de quoi, qui sont là on ne sait
comment, et qui y restent on ne sait pourquoi.
Le _corricolo_ est le synonyme de _calessino_, mais comme il n'y a
pas de synonyme parfait, expliquons la différence qui existe entre le
corricolo et le calessino.
Le corricolo est un espèce de tilbury primitivement destiné à contenir
une personne et à être attelé d'un cheval; on l'attelle de deux
chevaux, et il charrie de douze à quinze personnes.
Et qu'on ne croie pas que ce soit au pas, comme la charrette à boeufs
des rois francs, ou au trot, comme le cabriolet de régie; non, c'est
au triple galop; et le char de Pluton, qui enlevait Proserpine sur les
bords du Symète, n'allait pas plus vite que le corricolo qui sillonne
les quais de Naples en brûlant un pavé de laves et en soulevant leur
poussière de cendres.
Cependant un seul des deux chevaux tire véritablement: c'est le
timonier. L'autre, qui s'appelle le bilancino, et qui est attelé de
côté, bondit, caracole, excite son compagnon, voilà tout. Quel dieu,
comme à Tityre, lui a fait ce repos? C'est le hasard, c'est la
Providence, c'est la fatalité: les chevaux, comme les hommes, ont leur
étoile.
Nous avons dit que ce tilbury, destiné à une personne, en charriait
d'ordinaire douze ou quinze; cela, nous le comprenons bien, demande
une explication. Un vieux proverbe français dit: «Quand il y en a
pour un, il y en a pour deux.» Mais je ne connais aucun proverbe dans
aucune langue qui dise: «Quand il y en a pour un, il y en a pour
quinze.»
Il en est cependant ainsi du corricolo, tant, dans les civilisations
avancées, chaque chose est détournée de sa destination primitive!
Comment et en combien de temps s'est faite cette agglomération
successive d'individus sur le corricolo, c'est ce qu'il est impossible
de déterminer avec précision. Contentons-nous donc de dire comment
elle y tient.
D'abord, et presque toujours, un gros moine est assis au milieu, et
forme le centre de l'agglomération humaine que le corricolo emporte
comme un de ces tourbillons d'âmes que Dante vit suivant un grand
étendard dans le premier cercle de l'enfer. Il a sur un de ses genoux
quelque fraîche nourrice d'Aversa ou de Nettuno, et sur l'autre
quelque belle paysanne de Bauci ou de Procida; aux deux côtés du
moine, entre les roues et la caisse, se tiennent debout les maris de
ces dames. Derrière le moine se dresse sur la pointe des pieds le
propriétaire ou le conducteur de l'attelage, tenant de la main gauche
la bride, et de la main droite le long fouet avec lequel il entretient
d'une égale vitesse la marche de ses deux chevaux. Derrière celui-ci
se groupent à leur tour, à la manière des valets de bonne maison, deux
ou trois lazzaroni, qui montent, qui descendent, se succèdent, se
renouvellent, sans qu'on pense jamais à leur demander un salaire en
échange du service rendu. Sur les deux brancards sont assis deux
gamins ramassés sur la route de Torre del Greco ou de Pouzzoles,
ciceroni surnuméraires des antiquités d'Herculanum et de Pompéia,
guides marrons des antiquités de Cumes et de Baïa. Enfin, sous
l'essieu de la voiture, entre les deux roues, dans un filet à grosses
mailles qui va ballottant de haut en bas, de long en large, grouille
quelque chose d'informe, qui rit, qui pleure, qui crie, qui hogne, qui
se plaint, qui chante, qui raille, qu'il est impossible de distinguer
au milieu de la poussière que soulèvent les pieds des chevaux: ce sont
trois ou quatre enfans qui appartiennent on ne sait à qui, qui vont
on ne sait où, qui vivent on ne sait de quoi, qui sont là on ne sait
comment, et qui y restent on ne sait pourquoi.