Author: | Michel Corday | ISBN: | 1230000828345 |
Publisher: | Michel Corday | Publication: | December 5, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Michel Corday |
ISBN: | 1230000828345 |
Publisher: | Michel Corday |
Publication: | December 5, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
EXTRAIT:
Juillet 1914
Ganville, 27 juillet 1914.
La guerre ?… Allons donc ! En tout cas, mon petit René n’a que seize ans. Mais non. C’est impossible.
« C’est impossible ». Voilà ce que je me répète depuis que mon mari m’a téléphoné de Paris cet après-midi. J’entends encore sa voix de butor bon enfant : « Ça chauffe… C’est couru. C’est une question de jours. »
J’aurais besoin d’être rassurée. Mais je suis seule, dans cette grande bâtisse de Ganville, avec mon cher petit convalescent. Depuis trois mois, nous sommes isolés du monde, René et moi. C’est à Pâques qu’il est tombé malade ici. Que de rechutes, de complications, dans cette maudite typhoïde ! Combien de fois j’ai cru… Mais je ne veux plus y penser. C’est fini, fini. Ah ! Je l’ai bien défendu. En ce moment, il dort. Derrière la porte entr’ouverte, j’entends son souffle paisible et léger.
Je suis seule. Nos voisins Foucard, que je n’aime guère, d’ailleurs, sont à la mer ou aux eaux. Et je n’ai pour confident que ce papier. Au fond, je n’en ai jamais eu d’autres. J’ai toujours été silencieuse. Si je parle, c’est pour parler franc. Alors je gêne et je m’arrête. Pourtant, j’aurais dû m’apprivoiser, à force de voir du monde, depuis vingt-cinq ans. Même avant de devenir la femme de Pierre Ciboure, chez mes parents, que de gens illustres ou notoires j’ai vu défiler ! Car mon père, un des plus grands chirurgiens de son époque, avec Pozzi et Segond, adorait recevoir. Non. Rien ne m’a guérie de ma sauvagerie. Clemenceau, qui fréquentait notre maison, m’appelait la Jolie Huronne. Jolie, j’ai pu l’être. Huronne, je le suis toujours.
EXTRAIT:
Juillet 1914
Ganville, 27 juillet 1914.
La guerre ?… Allons donc ! En tout cas, mon petit René n’a que seize ans. Mais non. C’est impossible.
« C’est impossible ». Voilà ce que je me répète depuis que mon mari m’a téléphoné de Paris cet après-midi. J’entends encore sa voix de butor bon enfant : « Ça chauffe… C’est couru. C’est une question de jours. »
J’aurais besoin d’être rassurée. Mais je suis seule, dans cette grande bâtisse de Ganville, avec mon cher petit convalescent. Depuis trois mois, nous sommes isolés du monde, René et moi. C’est à Pâques qu’il est tombé malade ici. Que de rechutes, de complications, dans cette maudite typhoïde ! Combien de fois j’ai cru… Mais je ne veux plus y penser. C’est fini, fini. Ah ! Je l’ai bien défendu. En ce moment, il dort. Derrière la porte entr’ouverte, j’entends son souffle paisible et léger.
Je suis seule. Nos voisins Foucard, que je n’aime guère, d’ailleurs, sont à la mer ou aux eaux. Et je n’ai pour confident que ce papier. Au fond, je n’en ai jamais eu d’autres. J’ai toujours été silencieuse. Si je parle, c’est pour parler franc. Alors je gêne et je m’arrête. Pourtant, j’aurais dû m’apprivoiser, à force de voir du monde, depuis vingt-cinq ans. Même avant de devenir la femme de Pierre Ciboure, chez mes parents, que de gens illustres ou notoires j’ai vu défiler ! Car mon père, un des plus grands chirurgiens de son époque, avec Pozzi et Segond, adorait recevoir. Non. Rien ne m’a guérie de ma sauvagerie. Clemenceau, qui fréquentait notre maison, m’appelait la Jolie Huronne. Jolie, j’ai pu l’être. Huronne, je le suis toujours.