Le Vieux de la montagne

Fiction & Literature, Classics
Cover of the book Le Vieux de la montagne by Judith Gautier, Largau
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Author: Judith Gautier ISBN: 1230000259858
Publisher: Largau Publication: August 12, 2014
Imprint: Language: French
Author: Judith Gautier
ISBN: 1230000259858
Publisher: Largau
Publication: August 12, 2014
Imprint:
Language: French

On faisait silence autour du roi, qui s’était assoupi. Mais un brouhaha de rires et de cris, de chocs singuliers montait, par intermittences, jusqu’à la terrasse, qu’abritait un velum de soie.

    Les dames, appuyées au rebord de pierre, se penchaient pour mieux voir, et, auprès d’elles, avec un sourire un peu dédaigneux, les chevaliers regardaient aussi.

    Par-dessus le rempart de Jérusalem, dans un méplat du terrain qui dégringole presque à pic jusqu’à la vallée de Josaphat, on pouvait suivre des yeux les évolutions d’un groupe d’écuyers et de damoiseaux jouant à la quintaine.

    À cet endroit, la muraille, dominée par le palais royal et le massif du Temple, formait un angle rentrant et projetait une ombre très allongée, dans laquelle, à l’abri du soleil, on avait établi le jeu. Le mannequin, couvert d’armes sarrasines, était solidement attaché à des pieux et faisait face au jouteur, qui, la lance en arrêt, piquait son cheval et tâchait de pourfendre l’adversaire inanimé. Les rudes chocs bosselaient la cuirasse immobile, ou bien l’arme se brisait, ne laissant qu’un tronçon dans les mains de l’assaillant. Quelquefois un élan maladroit désarçonnait le cavalier, qui s’abattait sur le sol avec un grand bruit de métal froissé. Alors, sur la terrasse royale, les belles curieuses se rejetaient en arrière, étouffaient un rire et disaient à demi-voix :

    — En voici un qui, de longtemps, ne sera pas digne de chausser les éperons !

    Il y avait là trois très nobles dames : la princesse Sybille, fille du roi, blonde et fière ; Estiennette de Naplouse, veuve d’Homphroy du Toron et remariée à Milon de Plancy, cousin du souverain ; rieuse, très jeune encore : trente-deux ans à peine, elle a, de son premier mariage cependant, un fils déjà chevalier ; Eschive de Galilée, orgueilleusement belle, riche et fastueuse, mère honorée d’une lignée nombreuse. Auprès d’elle, son nouveau mari, le comte Raymond de Tripoli, lui chuchote à l’oreille des aveux d’une tendresse un peu brutale, dont elle se défend par de brusques mouvements d’épaules, tout en riant en dessous.

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On faisait silence autour du roi, qui s’était assoupi. Mais un brouhaha de rires et de cris, de chocs singuliers montait, par intermittences, jusqu’à la terrasse, qu’abritait un velum de soie.

    Les dames, appuyées au rebord de pierre, se penchaient pour mieux voir, et, auprès d’elles, avec un sourire un peu dédaigneux, les chevaliers regardaient aussi.

    Par-dessus le rempart de Jérusalem, dans un méplat du terrain qui dégringole presque à pic jusqu’à la vallée de Josaphat, on pouvait suivre des yeux les évolutions d’un groupe d’écuyers et de damoiseaux jouant à la quintaine.

    À cet endroit, la muraille, dominée par le palais royal et le massif du Temple, formait un angle rentrant et projetait une ombre très allongée, dans laquelle, à l’abri du soleil, on avait établi le jeu. Le mannequin, couvert d’armes sarrasines, était solidement attaché à des pieux et faisait face au jouteur, qui, la lance en arrêt, piquait son cheval et tâchait de pourfendre l’adversaire inanimé. Les rudes chocs bosselaient la cuirasse immobile, ou bien l’arme se brisait, ne laissant qu’un tronçon dans les mains de l’assaillant. Quelquefois un élan maladroit désarçonnait le cavalier, qui s’abattait sur le sol avec un grand bruit de métal froissé. Alors, sur la terrasse royale, les belles curieuses se rejetaient en arrière, étouffaient un rire et disaient à demi-voix :

    — En voici un qui, de longtemps, ne sera pas digne de chausser les éperons !

    Il y avait là trois très nobles dames : la princesse Sybille, fille du roi, blonde et fière ; Estiennette de Naplouse, veuve d’Homphroy du Toron et remariée à Milon de Plancy, cousin du souverain ; rieuse, très jeune encore : trente-deux ans à peine, elle a, de son premier mariage cependant, un fils déjà chevalier ; Eschive de Galilée, orgueilleusement belle, riche et fastueuse, mère honorée d’une lignée nombreuse. Auprès d’elle, son nouveau mari, le comte Raymond de Tripoli, lui chuchote à l’oreille des aveux d’une tendresse un peu brutale, dont elle se défend par de brusques mouvements d’épaules, tout en riant en dessous.

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