Les compagnons de Jéhu

Mystery & Suspense, Historical Mystery, Fiction & Literature, Classics, Historical
Cover of the book Les compagnons de Jéhu by Alexandre Dumas, Consumer Oriented Ebooks Publisher
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Author: Alexandre Dumas ISBN: 1230000673655
Publisher: Consumer Oriented Ebooks Publisher Publication: September 20, 2015
Imprint: Language: French
Author: Alexandre Dumas
ISBN: 1230000673655
Publisher: Consumer Oriented Ebooks Publisher
Publication: September 20, 2015
Imprint:
Language: French

Nous ne savons si le prologue que nous allons mettre sous les yeux
du lecteur est bien utile, et cependant nous ne pouvons résister
au désir d'en faire, non pas le premier chapitre, mais la préface
de ce livre.

Plus nous avançons dans la vie, plus nous avançons dans l'art,
plus nous demeurons convaincu que rien n'est abrupt et isolé, que
la nature et la société marchent par déductions et non par
accidents, et que l'événement, fleur joyeuse ou triste, parfumée
ou fétide, souriante ou fatale, qui s'ouvre aujourd'hui sous nos
yeux, avait son bouton dans le passé et ses racines parfois dans
les jours antérieurs à nos jours comme elle aura son fruit dans
l'avenir.

Jeune, l'homme prend le temps comme il vient, amoureux de la
veille, insoucieux du jour, s'inquiétant peu du lendemain. La
jeunesse, c'est le printemps avec ses fraîches aurores et ses
beaux soirs; si parfois un orage passe au ciel, il éclate, gronde
et s'évanouit, laissant le ciel plus azuré, l'atmosphère plus
pure, la nature plus souriante qu'auparavant.

À quoi bon réfléchir aux causes de cet orage qui passe, rapide
comme un caprice, éphémère comme une fantaisie? Avant que nous
ayons le mot de l'énigme météorologique, l'orage aura disparu.

Mais il n'en est point ainsi de ces phénomènes terribles qui, vers
la fin de l'été, menacent nos moissons; qui, au milieu de
l'automne, assiègent nos vendanges: on se demande où ils vont, on
s'inquiète d'où ils viennent, on cherche le moyen de les prévenir.

Or, pour le penseur, pour l'historien, pour le poète, il y a un
bien autre sujet de rêverie dans les révolutions, ces tempêtes de
l'atmosphère sociale qui couvrent la terre de sang et brisent
toute une génération d'hommes, que dans les orages du ciel qui
noient une moisson ou grêlent une vendange, c'est-à-dire l'espoir
d'une année seulement, et qui font un tort que peut, à tout
prendre, largement réparer l'année suivante, à moins que le
Seigneur ne soit dans ses jours de colère.

Ainsi, autrefois, soit oubli, soit insouciance, ignorance peut-
être -- heureux qui ignore! malheureux qui sait! -- autrefois,
j'eusse eu à raconter l'histoire que je vais vous dire
aujourd'hui, que, sans m'arrêter au lieu où se passe la première
scène de mon livre, j'eusse insoucieusement écrit cette scène,
j'eusse traversé le Midi comme une autre province, j'eusse nommé
Avignon comme une autre ville.

Mais aujourd'hui, il n'en est pas de même; j'en suis non plus aux
bourrasques du printemps, mais aux orages de l'été, mais aux
tempêtes de l'automne. Aujourd'hui, quand je nomme Avignon,
jévoque un spectre, et, de même qu'Antoine, déployant le linceul
de César, disait: «Voici le trou qu'a fait le poignard de Casca,
voici celui qu'a fait le glaive de Cassius, voici celui qu'a fait
l'épée de Brutus», je dis, moi, en voyant le suaire sanglant de la
ville papale: «Voilà le sang des Albigeois; voilà le sang des
Cévennois; voilà le sang des républicains; voilà le sang des
royalistes; voilà le sang de Lescuyer; voilà le sang du maréchal
Brune.»

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Nous ne savons si le prologue que nous allons mettre sous les yeux
du lecteur est bien utile, et cependant nous ne pouvons résister
au désir d'en faire, non pas le premier chapitre, mais la préface
de ce livre.

Plus nous avançons dans la vie, plus nous avançons dans l'art,
plus nous demeurons convaincu que rien n'est abrupt et isolé, que
la nature et la société marchent par déductions et non par
accidents, et que l'événement, fleur joyeuse ou triste, parfumée
ou fétide, souriante ou fatale, qui s'ouvre aujourd'hui sous nos
yeux, avait son bouton dans le passé et ses racines parfois dans
les jours antérieurs à nos jours comme elle aura son fruit dans
l'avenir.

Jeune, l'homme prend le temps comme il vient, amoureux de la
veille, insoucieux du jour, s'inquiétant peu du lendemain. La
jeunesse, c'est le printemps avec ses fraîches aurores et ses
beaux soirs; si parfois un orage passe au ciel, il éclate, gronde
et s'évanouit, laissant le ciel plus azuré, l'atmosphère plus
pure, la nature plus souriante qu'auparavant.

À quoi bon réfléchir aux causes de cet orage qui passe, rapide
comme un caprice, éphémère comme une fantaisie? Avant que nous
ayons le mot de l'énigme météorologique, l'orage aura disparu.

Mais il n'en est point ainsi de ces phénomènes terribles qui, vers
la fin de l'été, menacent nos moissons; qui, au milieu de
l'automne, assiègent nos vendanges: on se demande où ils vont, on
s'inquiète d'où ils viennent, on cherche le moyen de les prévenir.

Or, pour le penseur, pour l'historien, pour le poète, il y a un
bien autre sujet de rêverie dans les révolutions, ces tempêtes de
l'atmosphère sociale qui couvrent la terre de sang et brisent
toute une génération d'hommes, que dans les orages du ciel qui
noient une moisson ou grêlent une vendange, c'est-à-dire l'espoir
d'une année seulement, et qui font un tort que peut, à tout
prendre, largement réparer l'année suivante, à moins que le
Seigneur ne soit dans ses jours de colère.

Ainsi, autrefois, soit oubli, soit insouciance, ignorance peut-
être -- heureux qui ignore! malheureux qui sait! -- autrefois,
j'eusse eu à raconter l'histoire que je vais vous dire
aujourd'hui, que, sans m'arrêter au lieu où se passe la première
scène de mon livre, j'eusse insoucieusement écrit cette scène,
j'eusse traversé le Midi comme une autre province, j'eusse nommé
Avignon comme une autre ville.

Mais aujourd'hui, il n'en est pas de même; j'en suis non plus aux
bourrasques du printemps, mais aux orages de l'été, mais aux
tempêtes de l'automne. Aujourd'hui, quand je nomme Avignon,
jévoque un spectre, et, de même qu'Antoine, déployant le linceul
de César, disait: «Voici le trou qu'a fait le poignard de Casca,
voici celui qu'a fait le glaive de Cassius, voici celui qu'a fait
l'épée de Brutus», je dis, moi, en voyant le suaire sanglant de la
ville papale: «Voilà le sang des Albigeois; voilà le sang des
Cévennois; voilà le sang des républicains; voilà le sang des
royalistes; voilà le sang de Lescuyer; voilà le sang du maréchal
Brune.»

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