Les Esclaves de Paris - Tome I (Edition illustrée)

Fiction & Literature, Classics, Mystery & Suspense
Cover of the book Les Esclaves de Paris - Tome I (Edition illustrée) by Émile Gaboriau, Largau
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Author: Émile Gaboriau ISBN: 1230000258923
Publisher: Largau Publication: August 8, 2014
Imprint: Language: French
Author: Émile Gaboriau
ISBN: 1230000258923
Publisher: Largau
Publication: August 8, 2014
Imprint:
Language: French

Extrait du livre :

La journée du 8 février 186. fut une des plus rigoureuses de l’hiver.

À midi, le thermomètre de l’ingénieur Chevalier, qui est l’oracle des Parisiens, marquait 9 degrés 3 dixièmes au-dessous de zéro.

Le ciel était sombre et chargé de neige.

La pluie de la veille était si bien gelée sur les pavés que la circulation était périlleuse et que les fiacres et omnibus avaient interrompu leur service.

La ville était lugubre.

À Paris, bien qu’on y puisse mourir de faim, tout comme sur le radeau de la Méduse, on ne s’inquiète pas démesurément de ceux qui n’ont pas de pain.

Il semble que du banquet quotidien d’un million de convives il doit tomber assez de miettes pour rassasier ceux qui n’ont pas trouvé place à table.

Mais l’hiver, quand la Seine charrie, involontairement, on pense à ceux qui n’ont pas de bois et on les plaint.

Cela est si vrai, que ce jour du 8 février, la maîtresse de l’Hôtel du Pérou, Mme Loupias, une âpre et dure Auvergnate, se préoccupa de ses locataires autrement que pour augmenter leur loyer ou les harceler de ses incessantes demandes d’argent.

– Quel froid d’ours ! dit-elle à son mari, occupé à bourrer de charbon de terre le poêle de la loge. Par des temps pareils, je suis toujours inquiète, depuis cet hiver où nous avons trouvé un de nos locataires pendu là-haut. L’accident nous coûta bien cinquante francs, sans compter les injures des voisins. Tu devrais voir ce que font nos gens des mansardes.

– Baste !… répondit Loupias, ils sont sortis pour se réchauffer.

– Tu crois ?

– J’en suis sûr. Le père Tantaine a filé au petit jour, et j’ai vu peu après descendre M. Paul Violaine. Il n’y a plus là-haut que Rose, et je pense qu’elle aura eu le bon esprit de rester couchée.

– Oh ! celle-là, fit la Loupias d’un ton méchant, je ne la plains guère. Si je n’ai pas eu la berlue l’autre soir, elle ne tardera pas à planter là M. Paul. Elle est trop belle pour notre maison, cette fille.

C’est rue de la Huchette, à vingt pas de la place du Petit-Pont, qu’est situé l’Hôtel du Pérou, et jamais enseigne ne fut plus cruellement ironique.

L’extérieur sordide de la maison, l’allée étroite et boueuse, les fenêtres à carreaux ternes, tout crie aux passants : « Ici on loge la misère. » Au premier abord, on soupçonne un repaire ; point, l’endroit est honnête.

C’est un de ces asiles, de plus en plus rares dans notre Paris tout neuf, où les pauvres honteux, les déclassés, les vaincus de toutes les luttes sociales trouvent, en échange de leur dernière pièce de cent sous, un abri et un lit. 

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Extrait du livre :

La journée du 8 février 186. fut une des plus rigoureuses de l’hiver.

À midi, le thermomètre de l’ingénieur Chevalier, qui est l’oracle des Parisiens, marquait 9 degrés 3 dixièmes au-dessous de zéro.

Le ciel était sombre et chargé de neige.

La pluie de la veille était si bien gelée sur les pavés que la circulation était périlleuse et que les fiacres et omnibus avaient interrompu leur service.

La ville était lugubre.

À Paris, bien qu’on y puisse mourir de faim, tout comme sur le radeau de la Méduse, on ne s’inquiète pas démesurément de ceux qui n’ont pas de pain.

Il semble que du banquet quotidien d’un million de convives il doit tomber assez de miettes pour rassasier ceux qui n’ont pas trouvé place à table.

Mais l’hiver, quand la Seine charrie, involontairement, on pense à ceux qui n’ont pas de bois et on les plaint.

Cela est si vrai, que ce jour du 8 février, la maîtresse de l’Hôtel du Pérou, Mme Loupias, une âpre et dure Auvergnate, se préoccupa de ses locataires autrement que pour augmenter leur loyer ou les harceler de ses incessantes demandes d’argent.

– Quel froid d’ours ! dit-elle à son mari, occupé à bourrer de charbon de terre le poêle de la loge. Par des temps pareils, je suis toujours inquiète, depuis cet hiver où nous avons trouvé un de nos locataires pendu là-haut. L’accident nous coûta bien cinquante francs, sans compter les injures des voisins. Tu devrais voir ce que font nos gens des mansardes.

– Baste !… répondit Loupias, ils sont sortis pour se réchauffer.

– Tu crois ?

– J’en suis sûr. Le père Tantaine a filé au petit jour, et j’ai vu peu après descendre M. Paul Violaine. Il n’y a plus là-haut que Rose, et je pense qu’elle aura eu le bon esprit de rester couchée.

– Oh ! celle-là, fit la Loupias d’un ton méchant, je ne la plains guère. Si je n’ai pas eu la berlue l’autre soir, elle ne tardera pas à planter là M. Paul. Elle est trop belle pour notre maison, cette fille.

C’est rue de la Huchette, à vingt pas de la place du Petit-Pont, qu’est situé l’Hôtel du Pérou, et jamais enseigne ne fut plus cruellement ironique.

L’extérieur sordide de la maison, l’allée étroite et boueuse, les fenêtres à carreaux ternes, tout crie aux passants : « Ici on loge la misère. » Au premier abord, on soupçonne un repaire ; point, l’endroit est honnête.

C’est un de ces asiles, de plus en plus rares dans notre Paris tout neuf, où les pauvres honteux, les déclassés, les vaincus de toutes les luttes sociales trouvent, en échange de leur dernière pièce de cent sous, un abri et un lit. 

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