Author: | Erckmann-Chatrian, Frédéric Lix | ISBN: | 1230003119181 |
Publisher: | J. Hetzel (Paris) : 1881 | Publication: | March 6, 2019 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Erckmann-Chatrian, Frédéric Lix |
ISBN: | 1230003119181 |
Publisher: | J. Hetzel (Paris) : 1881 |
Publication: | March 6, 2019 |
Imprint: | |
Language: | French |
Quand je remonte à mes premiers souvenirs, je me vois tout enfant, chez le vieux soldat Sébastien Florentin, natif de Thionville, ancien capitaine des grenadiers du 101e de ligne, sous le premier empire.
Je vois notre petite maison donnant sur la rue du Mouton-d’ Or : elle n’avait qu’un étage au-dessus du rez-de-chaussée, comme toutes les autres ; une étroite allée la traversait, allant à la cour encaissée entre les vieilles bâtisses de la gendarmerie, le puits à margelle de pierre rongée par la mousse au milieu, le bûcher sombre plus loin ; l’escalier tournant à gauche, avec sa rampe de bois, où le brosseur de notre locataire étalait ses uniformes, car nous logions toujours un officier du régiment de la garnison : vingt francs de plus par mois, c’était une ressource pour Mme Florentin ! Il faut de l’économie, quand votre croix est rognée de moitié, et que le gouvernement a diminué toutes les pensions.
Ces choses sont sous mes yeux. Je suis dans la petite chambre du rez-de-chaussée, assis sur mon tabouret, au milieu des bonnes gens, avec leur petit chien Azor et leur perroquet Coco. — On vient de prendre le café au lait ; les fenêtres sont ouvertes au soleil du matin ; quelques pots de fleurs, des œillets, du réséda, des giroflées s’épanouissent à la blanche lumière. La trompette du 18e sonne dans la cour de la caserne, c’est le premier appel pour l’exercice.
Oui, je crois encore y être ! Cela se passait en 1829, au temps de la sainte-alliance, il y a cinquante et un ans ; quelle chose étonnante, il me semble que c’était hier !
Mes parents, qui tenaient une grande épicerie sur la place de la Halle, n’avaient guère le temps de s’occuper de moi ; ils me confiaient, pendant la journée, au vieux capitaine ; sa femme, Mme Françoise, venait me prendre tous les matins ; je déjeunais et je dînais avec eux ; je me promenais à la main de mon ami Florentin, qui n’avait pas d’enfants et m’aimait beaucoup ; le soir on me reconduisait souper et dormir à la maison.
Voilà comment je passai mes premières années dans la société du vieux soldat ; son image reste vivante dans ma mémoire comme celle de mon propre père.
Quand je remonte à mes premiers souvenirs, je me vois tout enfant, chez le vieux soldat Sébastien Florentin, natif de Thionville, ancien capitaine des grenadiers du 101e de ligne, sous le premier empire.
Je vois notre petite maison donnant sur la rue du Mouton-d’ Or : elle n’avait qu’un étage au-dessus du rez-de-chaussée, comme toutes les autres ; une étroite allée la traversait, allant à la cour encaissée entre les vieilles bâtisses de la gendarmerie, le puits à margelle de pierre rongée par la mousse au milieu, le bûcher sombre plus loin ; l’escalier tournant à gauche, avec sa rampe de bois, où le brosseur de notre locataire étalait ses uniformes, car nous logions toujours un officier du régiment de la garnison : vingt francs de plus par mois, c’était une ressource pour Mme Florentin ! Il faut de l’économie, quand votre croix est rognée de moitié, et que le gouvernement a diminué toutes les pensions.
Ces choses sont sous mes yeux. Je suis dans la petite chambre du rez-de-chaussée, assis sur mon tabouret, au milieu des bonnes gens, avec leur petit chien Azor et leur perroquet Coco. — On vient de prendre le café au lait ; les fenêtres sont ouvertes au soleil du matin ; quelques pots de fleurs, des œillets, du réséda, des giroflées s’épanouissent à la blanche lumière. La trompette du 18e sonne dans la cour de la caserne, c’est le premier appel pour l’exercice.
Oui, je crois encore y être ! Cela se passait en 1829, au temps de la sainte-alliance, il y a cinquante et un ans ; quelle chose étonnante, il me semble que c’était hier !
Mes parents, qui tenaient une grande épicerie sur la place de la Halle, n’avaient guère le temps de s’occuper de moi ; ils me confiaient, pendant la journée, au vieux capitaine ; sa femme, Mme Françoise, venait me prendre tous les matins ; je déjeunais et je dînais avec eux ; je me promenais à la main de mon ami Florentin, qui n’avait pas d’enfants et m’aimait beaucoup ; le soir on me reconduisait souper et dormir à la maison.
Voilà comment je passai mes premières années dans la société du vieux soldat ; son image reste vivante dans ma mémoire comme celle de mon propre père.