Author: | Ernest Daudet | ISBN: | 1230002702162 |
Publisher: | Paris, E. Plon, 1882 | Publication: | October 18, 2018 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Ernest Daudet |
ISBN: | 1230002702162 |
Publisher: | Paris, E. Plon, 1882 |
Publication: | October 18, 2018 |
Imprint: | |
Language: | French |
Alphonse Daudet, à qui sont consacrés ces souvenirs, est aujourd’hui dans la plénitude de sa renommée. Ses oeuvres, qu’éditeurs et journaux se disputent, sont traduites dans toutes les langues, populaires à Londres comme à Paris, à Vienne comme à Berlin, à New-York comme à Saint-Pétersbourg. Si les notes intimes et personnelles qu’on va lire avaient besoin d’une justification, je n’en voudrais pas invoquer d’autre que cette légitime notoriété si bien faite pour les expliquer.
Quant à l’attrait particulier qu’elles peuvent offrir résultant de la parenté qui unit à celui qui en est l’objet celui qui les a écrites, je n’en dirai qu’un mot. Depuis qu’Alphonse Daudet est venu au monde, la vie ne nous a guère séparés. Je reste convaincu que personne ne saurait parler de l’homme et de l’écrivain avec plus d’exactitude que moi, si ce n’est lui; et j’ai en outre l’avantage de pouvoir en dire ce qu’assurément il n’oserait pas en dire lui-même.
Longtemps mon esprit a été obsédé par la tentation d’écrire ce récit, de fixer, de préciser des souvenirs dont Alphonse Daudet lui-même s’est inspiré souvent dans ses romans et dans ses études. Je me disais qu’en un temps où le roman tend de plus en plus à ne s’alimenter que de vérité, où le besoin de sincérité s’impose impérieusement à quiconque tient une plume, ces notes vraies sur un passé déjà lointain n’avaient pas moins chance de plaire qu’une oeuvre de fiction qui ne doit son succès qu’à l’effort de l’auteur pour reproduire exactement l’homme et la vie.
C’est sous cette forme que l’obsession dont je parle a longtemps hanté mon esprit. Peut-être l’aurais-je dominée et n’eût-elle jamais eu raison de mes scrupules, sans l’effort de quelques amis qui se sont attachés à me démontrer que je devais à l’histoire littéraire de ce temps ces documents sur mon frère, et que j’étais tenu d’écrire mon récit, dussé-je en ajourner indéfiniment la publication.
Je le commençai donc, ainsi qu’un travail destiné à ne pas sortir du cercle de l’intimité. Mais le destin en avait décidé autrement; il n’était pas encore achevé qu’une affectueuse violence le livrait à la publicité, sous ce titre: «Alphonse Daudet, par Ernest Daudet.»
On m’accordera la liberté de dire que le succès en fut très-vif auprès des lecteurs de la_ Nouvelle Revue. _En revanche, mon frère, que je n’avais pu consulter, car nous étions alors éloignés l’un de l’autre, lui en Suisse, moi en Normandie, s’émut un peu de se voir traité «comme on ne traite que les morts». Il m’écrivait: «Je suis vivant et bien vivant, et tu me fais entrer trop tôt dans l’histoire. J’en sais qui diront que je me suis fait faire une réclame par mon frère.»
Fondée ou non, l’objection venait tardivement. Le livre était lancé; il n’y avait plus qu’à le laisser aller. C’est ce que j’ai fait d’accord avec Alphonse Daudet, après avoir, sur son désir, supprimé des appréciations élogieuses de son talent, sans autorité sous ma plume amicale, et modifié le titre primitif qu’il jugeait trop bruyant. Il m’a conseillé celui qui figure en tête de ce volume, et quoique j’aie toujours professé la profonde horreur du «moi», j’avais tant à me faire pardonner pour ma tentative audacieuse, que j’ai accédé sans discussion à son désir.
Telle est la courte histoire de mon livre. Je la devais au public, à la bienveillance duquel je le confie. Je n’y ajouterai qu’un mot. On me pardonnera si je me mets en scène à côté de mon frère. Nos existences ont été si étroitement unies que je ne pouvais parler de lui sans parler aussi de moi. Je me suis efforcé de le faire discrètement, ces pages étant inspirées avant tout par une grande tendresse fraternelle et une non moins grande admiration._
Alphonse Daudet, à qui sont consacrés ces souvenirs, est aujourd’hui dans la plénitude de sa renommée. Ses oeuvres, qu’éditeurs et journaux se disputent, sont traduites dans toutes les langues, populaires à Londres comme à Paris, à Vienne comme à Berlin, à New-York comme à Saint-Pétersbourg. Si les notes intimes et personnelles qu’on va lire avaient besoin d’une justification, je n’en voudrais pas invoquer d’autre que cette légitime notoriété si bien faite pour les expliquer.
Quant à l’attrait particulier qu’elles peuvent offrir résultant de la parenté qui unit à celui qui en est l’objet celui qui les a écrites, je n’en dirai qu’un mot. Depuis qu’Alphonse Daudet est venu au monde, la vie ne nous a guère séparés. Je reste convaincu que personne ne saurait parler de l’homme et de l’écrivain avec plus d’exactitude que moi, si ce n’est lui; et j’ai en outre l’avantage de pouvoir en dire ce qu’assurément il n’oserait pas en dire lui-même.
Longtemps mon esprit a été obsédé par la tentation d’écrire ce récit, de fixer, de préciser des souvenirs dont Alphonse Daudet lui-même s’est inspiré souvent dans ses romans et dans ses études. Je me disais qu’en un temps où le roman tend de plus en plus à ne s’alimenter que de vérité, où le besoin de sincérité s’impose impérieusement à quiconque tient une plume, ces notes vraies sur un passé déjà lointain n’avaient pas moins chance de plaire qu’une oeuvre de fiction qui ne doit son succès qu’à l’effort de l’auteur pour reproduire exactement l’homme et la vie.
C’est sous cette forme que l’obsession dont je parle a longtemps hanté mon esprit. Peut-être l’aurais-je dominée et n’eût-elle jamais eu raison de mes scrupules, sans l’effort de quelques amis qui se sont attachés à me démontrer que je devais à l’histoire littéraire de ce temps ces documents sur mon frère, et que j’étais tenu d’écrire mon récit, dussé-je en ajourner indéfiniment la publication.
Je le commençai donc, ainsi qu’un travail destiné à ne pas sortir du cercle de l’intimité. Mais le destin en avait décidé autrement; il n’était pas encore achevé qu’une affectueuse violence le livrait à la publicité, sous ce titre: «Alphonse Daudet, par Ernest Daudet.»
On m’accordera la liberté de dire que le succès en fut très-vif auprès des lecteurs de la_ Nouvelle Revue. _En revanche, mon frère, que je n’avais pu consulter, car nous étions alors éloignés l’un de l’autre, lui en Suisse, moi en Normandie, s’émut un peu de se voir traité «comme on ne traite que les morts». Il m’écrivait: «Je suis vivant et bien vivant, et tu me fais entrer trop tôt dans l’histoire. J’en sais qui diront que je me suis fait faire une réclame par mon frère.»
Fondée ou non, l’objection venait tardivement. Le livre était lancé; il n’y avait plus qu’à le laisser aller. C’est ce que j’ai fait d’accord avec Alphonse Daudet, après avoir, sur son désir, supprimé des appréciations élogieuses de son talent, sans autorité sous ma plume amicale, et modifié le titre primitif qu’il jugeait trop bruyant. Il m’a conseillé celui qui figure en tête de ce volume, et quoique j’aie toujours professé la profonde horreur du «moi», j’avais tant à me faire pardonner pour ma tentative audacieuse, que j’ai accédé sans discussion à son désir.
Telle est la courte histoire de mon livre. Je la devais au public, à la bienveillance duquel je le confie. Je n’y ajouterai qu’un mot. On me pardonnera si je me mets en scène à côté de mon frère. Nos existences ont été si étroitement unies que je ne pouvais parler de lui sans parler aussi de moi. Je me suis efforcé de le faire discrètement, ces pages étant inspirées avant tout par une grande tendresse fraternelle et une non moins grande admiration._