Les deux grands noms qui figurent au titre de cette étude serviront d’excuse à son extrême minutie. On ne saurait être trop précis lorsqu’il s’agit de penseurs qui ont joué un rôle si considérable. Depuis quelques années, il est fort à la mode en Angleterre et en Allemagne de rechercher chez Montaigne l’origine de nombre d’idées exprimées par Shakespeare et par Bacon. Un sport d’un genre nouveau, plus germanique, semble-t-il, qu’anglo-saxon, est de faire la chasse aux passages de ces trois auteurs qui, placés en parallèle, prouveront l’influence du moraliste français sur les deux grands génies de l’Angleterre qui lui sont presque contemporains. On est allé dans cette voie jusqu’aux plus puérils rapprochements, et l’on a montré quelles ridicules fantaisies une méthode excellente, quand elle est mal appliquée, peut sembler autoriser. Quelque flatteuse que puisse être pour notre orgueil national cette manie d’érudits, force nous est de nous montrer un peu circonspects. Shakespeare a lu les Essais; incontestablement même il leur a fait deux ou trois emprunts; ce sont là néanmoins des raisons insuffisantes pour que nous donnions crédit à cent autres emprunts que lui attribue l’imagination de critiques en quête d’inédit, et pour que nous prenions en considération les théories ambitieuses qu’on bâtit sur d’aussi fragiles fondements. Pour Shakespeare, je ne saurais discuter les hypothèses trop insaisissables des Stedefeld, des Jacob Feis et des Robertson. Pour Bacon aussi, la fantaisie s’est donné libre carrière. Il m’a paru cependant qu’en ce qui le concerne, les données du problème étaient moins fuyantes, et qu’il y avait lieu de se demander si l’on pouvait dégager de ce courant d’opinion quelque enseignement précis. Les résultats essentiels de cette enquête peuvent se résumer en deux mots. Bacon a certainement connu et apprécié l’œuvre de Montaigne. De cela les preuves abondent
Les deux grands noms qui figurent au titre de cette étude serviront d’excuse à son extrême minutie. On ne saurait être trop précis lorsqu’il s’agit de penseurs qui ont joué un rôle si considérable. Depuis quelques années, il est fort à la mode en Angleterre et en Allemagne de rechercher chez Montaigne l’origine de nombre d’idées exprimées par Shakespeare et par Bacon. Un sport d’un genre nouveau, plus germanique, semble-t-il, qu’anglo-saxon, est de faire la chasse aux passages de ces trois auteurs qui, placés en parallèle, prouveront l’influence du moraliste français sur les deux grands génies de l’Angleterre qui lui sont presque contemporains. On est allé dans cette voie jusqu’aux plus puérils rapprochements, et l’on a montré quelles ridicules fantaisies une méthode excellente, quand elle est mal appliquée, peut sembler autoriser. Quelque flatteuse que puisse être pour notre orgueil national cette manie d’érudits, force nous est de nous montrer un peu circonspects. Shakespeare a lu les Essais; incontestablement même il leur a fait deux ou trois emprunts; ce sont là néanmoins des raisons insuffisantes pour que nous donnions crédit à cent autres emprunts que lui attribue l’imagination de critiques en quête d’inédit, et pour que nous prenions en considération les théories ambitieuses qu’on bâtit sur d’aussi fragiles fondements. Pour Shakespeare, je ne saurais discuter les hypothèses trop insaisissables des Stedefeld, des Jacob Feis et des Robertson. Pour Bacon aussi, la fantaisie s’est donné libre carrière. Il m’a paru cependant qu’en ce qui le concerne, les données du problème étaient moins fuyantes, et qu’il y avait lieu de se demander si l’on pouvait dégager de ce courant d’opinion quelque enseignement précis. Les résultats essentiels de cette enquête peuvent se résumer en deux mots. Bacon a certainement connu et apprécié l’œuvre de Montaigne. De cela les preuves abondent