Author: | Michel Corday | ISBN: | 1230002622361 |
Publisher: | Paris Charpentier & Fasquelle 1909 | Publication: | October 5, 2018 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Michel Corday |
ISBN: | 1230002622361 |
Publisher: | Paris Charpentier & Fasquelle 1909 |
Publication: | October 5, 2018 |
Imprint: | |
Language: | French |
Michel Corday est un pseudonyme de Louis Leonard Pollet, un soldat et auteur français qui est surtout connu pour ses écrits sur la Première Guerre mondiale.
Extrait: LES PNEUS
Blottis côte à côte au creux de la limousine, ils partent pour les lacs italiens, après un mois de mariage. Car ces amoureux sont mariés. Excusez-les. C’est tellement mal porté, des mariés qui s’aiment! C’en est presque inconvenant. Mais il faut les prendre comme ils sont. Ils sont heureux.
O la joie de s’envoler librement, de n’être plus prisonnier du rail, esclave de l’heure, de rouler dans ce boudoir tiède, intime, parfumé, d’emporter son home avec soi!
Faut-il vous les présenter? A quoi bon? Ils se voient parfaits. Ne les détrompons pas. Elle a vingt ans. Il en a trente. Et c’est un couple d’amants qui filent à soixante à l’heure.
Ils viennent d’échapper aux routes écorchées, aux lèpres de la banlieue. La forêt de Sénart les accueille. C’est l’automne. Mais un automne perlé, qui veut qu’on le regrette, mélancolique et charmant comme le geste d’adieu d’une jolie femme.
Pan! Un coup de pistolet claque derrière la voiture. Elle s’arrête. Hein? Quoi? Qu’est-ce? Une attaque? Voilà justement l’endroit où le fameux Courrier de Lyon… Mais non. Un simple éclatement de pneu. A la roue arrière droite. Déjà le mécanicien ouvre les coffres, jette sur la route les leviers, le cric, la pompe, la chambre neuve.
—Combien de temps? interroge Monsieur.
—Vingt bonnes minutes.
Juste assez pour pousser une pointe sous bois. Qu’en dit Madame? Madame bat des mains. Fameuse idée. Et les voilà partis à travers la futaie de platanes et d’érables. Dans l’herbe fine, les premières feuilles mortes craquent sous leurs pieds. Elles ont le ton, elles font le bruit de ces gâteaux légers que les enfants appellent du plaisir ou des oublies. Les arbres jettent les uns vers les autres leurs branches éplorées qui se mêlent et s’étreignent comme des bras d’amants. Toute la forêt n’est qu’un enlacement. Elle semble murmurer, dans le calme et la solitude propices: «Faites comme moi: ne soyez qu’une caresse». Et les feuilles piquées dans l’herbe murmurent aussi: «Nous sommes l’oublie et le plaisir. Venez à nous.» Mais comment donc!…
Quand ils débouchent vivement sur la route, pressés par la crainte du retard, le mécanicien n’a même pas achevé de regonfler son pneu. Il donne les derniers coups de pompe.
Michel Corday est un pseudonyme de Louis Leonard Pollet, un soldat et auteur français qui est surtout connu pour ses écrits sur la Première Guerre mondiale.
Extrait: LES PNEUS
Blottis côte à côte au creux de la limousine, ils partent pour les lacs italiens, après un mois de mariage. Car ces amoureux sont mariés. Excusez-les. C’est tellement mal porté, des mariés qui s’aiment! C’en est presque inconvenant. Mais il faut les prendre comme ils sont. Ils sont heureux.
O la joie de s’envoler librement, de n’être plus prisonnier du rail, esclave de l’heure, de rouler dans ce boudoir tiède, intime, parfumé, d’emporter son home avec soi!
Faut-il vous les présenter? A quoi bon? Ils se voient parfaits. Ne les détrompons pas. Elle a vingt ans. Il en a trente. Et c’est un couple d’amants qui filent à soixante à l’heure.
Ils viennent d’échapper aux routes écorchées, aux lèpres de la banlieue. La forêt de Sénart les accueille. C’est l’automne. Mais un automne perlé, qui veut qu’on le regrette, mélancolique et charmant comme le geste d’adieu d’une jolie femme.
Pan! Un coup de pistolet claque derrière la voiture. Elle s’arrête. Hein? Quoi? Qu’est-ce? Une attaque? Voilà justement l’endroit où le fameux Courrier de Lyon… Mais non. Un simple éclatement de pneu. A la roue arrière droite. Déjà le mécanicien ouvre les coffres, jette sur la route les leviers, le cric, la pompe, la chambre neuve.
—Combien de temps? interroge Monsieur.
—Vingt bonnes minutes.
Juste assez pour pousser une pointe sous bois. Qu’en dit Madame? Madame bat des mains. Fameuse idée. Et les voilà partis à travers la futaie de platanes et d’érables. Dans l’herbe fine, les premières feuilles mortes craquent sous leurs pieds. Elles ont le ton, elles font le bruit de ces gâteaux légers que les enfants appellent du plaisir ou des oublies. Les arbres jettent les uns vers les autres leurs branches éplorées qui se mêlent et s’étreignent comme des bras d’amants. Toute la forêt n’est qu’un enlacement. Elle semble murmurer, dans le calme et la solitude propices: «Faites comme moi: ne soyez qu’une caresse». Et les feuilles piquées dans l’herbe murmurent aussi: «Nous sommes l’oublie et le plaisir. Venez à nous.» Mais comment donc!…
Quand ils débouchent vivement sur la route, pressés par la crainte du retard, le mécanicien n’a même pas achevé de regonfler son pneu. Il donne les derniers coups de pompe.