Author: | Théophile Gautier | ISBN: | 1230001745177 |
Publisher: | Théophile Gautier | Publication: | July 1, 2017 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Théophile Gautier |
ISBN: | 1230001745177 |
Publisher: | Théophile Gautier |
Publication: | July 1, 2017 |
Imprint: | |
Language: | French |
EXTRAIT:
Première partie
Ce n’est pas une chose aisée que de déterminer le rôle joué par la poésie dans la littérature française pendant les années qui nous séparent de la révolution de 1848. Le grand mouvement de rénovation commencé vers la fin de la Restauration, et qui se continua sous le règne de Louis-Philippe d’une façon si brillante, n’a pas encore fermé son cycle et semble devoir imposer sa forme à la poésie de ce siècle. Il ne s’est pas écoulé un temps assez long pour que l’ancien idéal soit oublié et qu’on en ait trouvé un nouveau. Les noms qu’on cite dans ces phrases où l’on veut résumer brièvement la valeur poétique de l’époque sont toujours les mêmes, et la pléiade n’a pas augmenté le nombre de ses étoiles. Si quelque astre nouveau a pointé au fond de l’azur, sa lumière n’est pas encore arrivée à tous les yeux ; les critiques, ces astronomes dont le télescope est toujours braqué vers le ciel littéraire et qui veillent quand les autres dorment, aperçoivent seuls et notent sur leurs catalogues ces scintillations plus ou moins distinctes. Le public ne s’en occupe guère et se contente de reconnaître dans la nuit trois ou quatre étoiles de première grandeur, ne se doutant pas que ces lueurs vagues qu’il néglige sont parfois des mondes considérables observés depuis longtemps.
Pour donner à notre travail la clarté désirable, nous en indiquons les divisions nécessaires. Nous apprécierons d’abord brièvement le caractère général de la poésie au XIXe siècle, et nous signalerons les maîtres dont l’influence reste sensible sur la génération actuelle ; puis, nous parlerons des poètes qui, ayant débuté avant 1848, ont continué à produire, appartenant ainsi au passé par leurs premières œuvres et au présent par les dernières ; et enfin, mais avec plus de développements, car c’est là le sujet même de notre travail, des poètes surgis après la révolution de Février. Nous aurions préféré entrer de plain-pied, in medias res, mais rien ne commence brusquement ; aujourd’hui a sa racine dans hier ; les idées, comme les lettres arabes, sont liées à la précédente et à la suivante.
On peut dater d’André Chénier la poésie moderne. Ses vers, publiés par de La Touche, furent une vraie révélation. On sentit toute l’aridité de la versification descriptive et didactique en usage à cette époque. Un vrai souffle venu de la Grèce traversa les imaginations, l’on respira avec délices ces fleurs au parfum enivrant qui auraient trompé les abeilles de l’Hymette. Il y avait si longtemps que les Muses tenaient à leurs mains des bouquets artificiels plus secs et plus inodores que les plantes des herbiers, où jamais ne tremblait ni une larme humaine ni une perle de rosée ! Ce retour à l’antiquité, éternellement jeune, fit éclore un nouveau printemps.
EXTRAIT:
Première partie
Ce n’est pas une chose aisée que de déterminer le rôle joué par la poésie dans la littérature française pendant les années qui nous séparent de la révolution de 1848. Le grand mouvement de rénovation commencé vers la fin de la Restauration, et qui se continua sous le règne de Louis-Philippe d’une façon si brillante, n’a pas encore fermé son cycle et semble devoir imposer sa forme à la poésie de ce siècle. Il ne s’est pas écoulé un temps assez long pour que l’ancien idéal soit oublié et qu’on en ait trouvé un nouveau. Les noms qu’on cite dans ces phrases où l’on veut résumer brièvement la valeur poétique de l’époque sont toujours les mêmes, et la pléiade n’a pas augmenté le nombre de ses étoiles. Si quelque astre nouveau a pointé au fond de l’azur, sa lumière n’est pas encore arrivée à tous les yeux ; les critiques, ces astronomes dont le télescope est toujours braqué vers le ciel littéraire et qui veillent quand les autres dorment, aperçoivent seuls et notent sur leurs catalogues ces scintillations plus ou moins distinctes. Le public ne s’en occupe guère et se contente de reconnaître dans la nuit trois ou quatre étoiles de première grandeur, ne se doutant pas que ces lueurs vagues qu’il néglige sont parfois des mondes considérables observés depuis longtemps.
Pour donner à notre travail la clarté désirable, nous en indiquons les divisions nécessaires. Nous apprécierons d’abord brièvement le caractère général de la poésie au XIXe siècle, et nous signalerons les maîtres dont l’influence reste sensible sur la génération actuelle ; puis, nous parlerons des poètes qui, ayant débuté avant 1848, ont continué à produire, appartenant ainsi au passé par leurs premières œuvres et au présent par les dernières ; et enfin, mais avec plus de développements, car c’est là le sujet même de notre travail, des poètes surgis après la révolution de Février. Nous aurions préféré entrer de plain-pied, in medias res, mais rien ne commence brusquement ; aujourd’hui a sa racine dans hier ; les idées, comme les lettres arabes, sont liées à la précédente et à la suivante.
On peut dater d’André Chénier la poésie moderne. Ses vers, publiés par de La Touche, furent une vraie révélation. On sentit toute l’aridité de la versification descriptive et didactique en usage à cette époque. Un vrai souffle venu de la Grèce traversa les imaginations, l’on respira avec délices ces fleurs au parfum enivrant qui auraient trompé les abeilles de l’Hymette. Il y avait si longtemps que les Muses tenaient à leurs mains des bouquets artificiels plus secs et plus inodores que les plantes des herbiers, où jamais ne tremblait ni une larme humaine ni une perle de rosée ! Ce retour à l’antiquité, éternellement jeune, fit éclore un nouveau printemps.