Qui donc a prétendu que les spectres n'existaient pas? Ils sont partout; partout l'homme vieilli rencontre, au détour d'une année qui finit, d'un anniversaire éloquent qui parle du passé, une foule de choses blêmies et perdues à demi dans la brume, et qui sont des spectres en vérité, spectres d'affections ou d'illusions mortes. Que de spectres ainsi logés dans ce Paris que les vivants croient habiter seuls! Dans presque toute chambre, nid clos ou discret, où deux amoureux s'aiment, deux ombres se glissent, qui jadis, à la même place ont échangé aussi leurs baisers ou leurs soupirs. Le monde des fantômes tient autant de place que l'autre. Je le sens bien, à cette heure même où une nouvelle année s'ajoute pour moi aux années passées, et où le jour de ma naissance me fait regarder un moment en arrière. Sans être vieux, que j'en ai vit mourir! Oui, que de visages déjà pâlis! Que d'yeux autrefois rayonnants d'espoir et maintenant à jamais clos ou plutôt disparus dans leurs orbites creuses! Ruines humaines, fantômes d'amours, d'amitiés, d'espérances, de gaietés, fantômes des jeunes années, des premières joies et des premiers rêves! On n'a plus, passé trente ans, qu'à se baisser pour ramasser à terre la poussière de ce qui fut la vie, cendre chaude encore de passion ou encore humide de larmes. _Ainsi j'ai ramassé les miettes du curieux
Qui donc a prétendu que les spectres n'existaient pas? Ils sont partout; partout l'homme vieilli rencontre, au détour d'une année qui finit, d'un anniversaire éloquent qui parle du passé, une foule de choses blêmies et perdues à demi dans la brume, et qui sont des spectres en vérité, spectres d'affections ou d'illusions mortes. Que de spectres ainsi logés dans ce Paris que les vivants croient habiter seuls! Dans presque toute chambre, nid clos ou discret, où deux amoureux s'aiment, deux ombres se glissent, qui jadis, à la même place ont échangé aussi leurs baisers ou leurs soupirs. Le monde des fantômes tient autant de place que l'autre. Je le sens bien, à cette heure même où une nouvelle année s'ajoute pour moi aux années passées, et où le jour de ma naissance me fait regarder un moment en arrière. Sans être vieux, que j'en ai vit mourir! Oui, que de visages déjà pâlis! Que d'yeux autrefois rayonnants d'espoir et maintenant à jamais clos ou plutôt disparus dans leurs orbites creuses! Ruines humaines, fantômes d'amours, d'amitiés, d'espérances, de gaietés, fantômes des jeunes années, des premières joies et des premiers rêves! On n'a plus, passé trente ans, qu'à se baisser pour ramasser à terre la poussière de ce qui fut la vie, cendre chaude encore de passion ou encore humide de larmes. _Ainsi j'ai ramassé les miettes du curieux