Souvenirs de la Duchesse de Dino

Publiés par sa petite fille, la Comtesse Jean de Castellane ( Edition intégrale ) annoté

Biography & Memoir, Royalty, Reference, Historical
Cover of the book Souvenirs de la Duchesse de Dino by Dorothée de Courlande Dino, Étienne Lamy, Paris : Calmann-Lévy, [1908]
View on Amazon View on AbeBooks View on Kobo View on B.Depository View on eBay View on Walmart
Author: Dorothée de Courlande Dino, Étienne Lamy ISBN: 1230002784380
Publisher: Paris : Calmann-Lévy, [1908] Publication: November 3, 2018
Imprint: Language: French
Author: Dorothée de Courlande Dino, Étienne Lamy
ISBN: 1230002784380
Publisher: Paris : Calmann-Lévy, [1908]
Publication: November 3, 2018
Imprint:
Language: French

Parmi les femmes du XIXe siècle, la plus Européenne peut-être fut celle qui s’appela d’abord princesse Dorothée de Courlande, puis comtesse de Périgord, enfin duchesse de Dino et de Sagan. Courlandaise d’origine, élevée en Allemagne, mariée en France, elle appartint par le sang, par le goût, par le devoir, à trois nations différentes. Dès l’enfance, elle eut à Berlin un renom de petit prodige, mais ces rayons d’aube ne présagent pas toujours l’éclat du jour, et, au début du XIXe siècle, les réputations nées hors de France semblaient des gloires de province. À seize ans, elle acquit chez nous droit de cité; son mariage lui donna pour oncle l’arbitre le plus difficile et le plus sûr des élégances intellectuelles et sociales, le prince de Talleyrand. En 1814, le prince, après avoir étudié sa nièce, voulut se parer d’elle au congrès de Vienne. En cette ville tous les souverains tinrent quelques mois leurs cours, et non seulement les traités, mais même les modes mondaines, commencèrent les revanches de l’Europe victorieuse contre l’hégémonie française. Talleyrand, ambassadeur de notre défaite, et soucieux d’effacer son passé révolutionnaire, ne pouvait présenter à la vieille société, qui imposait de nouveau ses principes et ses exclusions, la princesse de Bénévent. Il se tira d’embarras et soumit à une redoutable épreuve sa nièce, en faisant faire par elle les honneurs de l’ambassade. Dans cette élite de la politique, de l’aristocratie, de l’esprit, de la beauté, tout était splendeur, et grâces, et séductions, mais tout était curiosité, calculs, pièges, nulle imperfection ne pouvait échapper à tant d’yeux si pénétrants, et il fallait plaire à tous pour réussir! À ce congrès qui élevait et abaissait souverainement les puissances, celle de la jeune femme fut consacrée. Son succès à Vienne accrédita dans la société polie de toute l’Europe cette beauté intelligente, qu’on ne connaissait pas toute en la voyant, qui devenait plus séductrice quand elle parlait, qui savait écouter et se taire, dont le tact suppléait l’expérience, et qui, même aux côtés d’un tel ambassadeur, ne fut pas effacée.

Leurs mérites se complétaient et ne se séparèrent plus. Désormais elle partagea la vie publique où il gouvernait les affaires, et la retraite d’où il les épiait. Elle fut non seulement la grande dame qui perpétuait pour le plus raffiné des grands seigneurs tous les charmes de l’ancienne société, mais une confidente pour l’intelligence et une collaboratrice pour les travaux du politique. Lui mort, l’attache qui la retenait à la France fut brisée. Elle y gardait de vraies affections, elle leur réserva quelques visites et des lettres nombreuses, mais rentra comme d’exil dans la chère Allemagne de son enfance. Là elle n’avait pas pour ennemis les ennemis de M. de Talleyrand et retrouvait les fidèles sympathies des Hohenzollern; là surtout son influence fut visible, son prestige populaire et, en 1862, sa mort pleurée.

Les grands acteurs de l’existence mondaine sont un peu comme ceux du théâtre. Avec leurs gestes et le son de leur voix finit la vie de leur gloire, qui bientôt tient toute en leur nom. Le souvenir de madame de Dino allait s’évaporant comme un parfum, lorsqu’un honneur plus durable lui fut rendu. Les Mémoires, récemment publiés, de M. de Barante, contenaient toute une correspondance de la duchesse. Ces lettres, par l’élévation, la tendresse, l’éloquence dépassaient singulièrement la facilité naturelle aux femmes dans leurs causeries écrites. Les bons juges furent unanimes à reconnaître un penseur, un écrivain, et à souhaiter qu’il se survécût en d’autres œuvres, dignes de celles-là.

Ces Souvenirs n’obtiendront pas une moindre faveur. Ils furent écrits en 1822, et la duchesse y raconte son enfance. Dès la première page, une des plus jolies, elle dit comment lui vint l’idée de ce travail. Un de ses amis surprend dans ses yeux des larmes, la devine malheureuse, lui conseille des distractions ordinaires: «Allez dans le monde.—J’en suis excédée.—Les spectacles, la promenade?—Me fatiguent.—Les voyages?—M’éloignent de ce que j’aime.—Essayez de la coquetterie.—Je l’ai épuisée.—De la dévotion.—Je l’ai traversée.—Eh bien, écrivez.—Et quoi?—Vos Mémoires.—Quelle folie!» À la réflexion, elle jugea cette folie sagesse, elle eut raison. D’abord les Souvenirs sont tout vivants de faits, et de faits qui mêlent sans cesse l’histoire d’une enfant à la grande histoire. Les lettrés aimeront une simplicité qui ne songe jamais à étonner, mais où il y a de la force épandue, une abondance de pensées, de sensations, d’images, qui, amenées et entraînées par le cours du récit, glissent comme entre deux eaux, sans s’attarder jamais à se mettre plus en lumière, un instinct de laisser inachevé plutôt que de revenir pour parfaire, un don de trouver l’excellent par rencontres non cherchées, un art de ne pas s’appliquer, une façon naturelle de tenir la plume, comme une grande dame cause, se vêt et se meut, avec une distinction presque distraite où rien n’est métier et où tout est race. Enfin ces Souvenirs nous apprennent ce que fut l’éducation de l’enfant, comment se préparait une destinée brillante et incomplète, et par quoi effort de conscience la femme dut parfaire seule l’œuvre de ses maîtres et peu à peu s’élever aux sentiments qui furent l’ascension morale de sa vie.

View on Amazon View on AbeBooks View on Kobo View on B.Depository View on eBay View on Walmart

Parmi les femmes du XIXe siècle, la plus Européenne peut-être fut celle qui s’appela d’abord princesse Dorothée de Courlande, puis comtesse de Périgord, enfin duchesse de Dino et de Sagan. Courlandaise d’origine, élevée en Allemagne, mariée en France, elle appartint par le sang, par le goût, par le devoir, à trois nations différentes. Dès l’enfance, elle eut à Berlin un renom de petit prodige, mais ces rayons d’aube ne présagent pas toujours l’éclat du jour, et, au début du XIXe siècle, les réputations nées hors de France semblaient des gloires de province. À seize ans, elle acquit chez nous droit de cité; son mariage lui donna pour oncle l’arbitre le plus difficile et le plus sûr des élégances intellectuelles et sociales, le prince de Talleyrand. En 1814, le prince, après avoir étudié sa nièce, voulut se parer d’elle au congrès de Vienne. En cette ville tous les souverains tinrent quelques mois leurs cours, et non seulement les traités, mais même les modes mondaines, commencèrent les revanches de l’Europe victorieuse contre l’hégémonie française. Talleyrand, ambassadeur de notre défaite, et soucieux d’effacer son passé révolutionnaire, ne pouvait présenter à la vieille société, qui imposait de nouveau ses principes et ses exclusions, la princesse de Bénévent. Il se tira d’embarras et soumit à une redoutable épreuve sa nièce, en faisant faire par elle les honneurs de l’ambassade. Dans cette élite de la politique, de l’aristocratie, de l’esprit, de la beauté, tout était splendeur, et grâces, et séductions, mais tout était curiosité, calculs, pièges, nulle imperfection ne pouvait échapper à tant d’yeux si pénétrants, et il fallait plaire à tous pour réussir! À ce congrès qui élevait et abaissait souverainement les puissances, celle de la jeune femme fut consacrée. Son succès à Vienne accrédita dans la société polie de toute l’Europe cette beauté intelligente, qu’on ne connaissait pas toute en la voyant, qui devenait plus séductrice quand elle parlait, qui savait écouter et se taire, dont le tact suppléait l’expérience, et qui, même aux côtés d’un tel ambassadeur, ne fut pas effacée.

Leurs mérites se complétaient et ne se séparèrent plus. Désormais elle partagea la vie publique où il gouvernait les affaires, et la retraite d’où il les épiait. Elle fut non seulement la grande dame qui perpétuait pour le plus raffiné des grands seigneurs tous les charmes de l’ancienne société, mais une confidente pour l’intelligence et une collaboratrice pour les travaux du politique. Lui mort, l’attache qui la retenait à la France fut brisée. Elle y gardait de vraies affections, elle leur réserva quelques visites et des lettres nombreuses, mais rentra comme d’exil dans la chère Allemagne de son enfance. Là elle n’avait pas pour ennemis les ennemis de M. de Talleyrand et retrouvait les fidèles sympathies des Hohenzollern; là surtout son influence fut visible, son prestige populaire et, en 1862, sa mort pleurée.

Les grands acteurs de l’existence mondaine sont un peu comme ceux du théâtre. Avec leurs gestes et le son de leur voix finit la vie de leur gloire, qui bientôt tient toute en leur nom. Le souvenir de madame de Dino allait s’évaporant comme un parfum, lorsqu’un honneur plus durable lui fut rendu. Les Mémoires, récemment publiés, de M. de Barante, contenaient toute une correspondance de la duchesse. Ces lettres, par l’élévation, la tendresse, l’éloquence dépassaient singulièrement la facilité naturelle aux femmes dans leurs causeries écrites. Les bons juges furent unanimes à reconnaître un penseur, un écrivain, et à souhaiter qu’il se survécût en d’autres œuvres, dignes de celles-là.

Ces Souvenirs n’obtiendront pas une moindre faveur. Ils furent écrits en 1822, et la duchesse y raconte son enfance. Dès la première page, une des plus jolies, elle dit comment lui vint l’idée de ce travail. Un de ses amis surprend dans ses yeux des larmes, la devine malheureuse, lui conseille des distractions ordinaires: «Allez dans le monde.—J’en suis excédée.—Les spectacles, la promenade?—Me fatiguent.—Les voyages?—M’éloignent de ce que j’aime.—Essayez de la coquetterie.—Je l’ai épuisée.—De la dévotion.—Je l’ai traversée.—Eh bien, écrivez.—Et quoi?—Vos Mémoires.—Quelle folie!» À la réflexion, elle jugea cette folie sagesse, elle eut raison. D’abord les Souvenirs sont tout vivants de faits, et de faits qui mêlent sans cesse l’histoire d’une enfant à la grande histoire. Les lettrés aimeront une simplicité qui ne songe jamais à étonner, mais où il y a de la force épandue, une abondance de pensées, de sensations, d’images, qui, amenées et entraînées par le cours du récit, glissent comme entre deux eaux, sans s’attarder jamais à se mettre plus en lumière, un instinct de laisser inachevé plutôt que de revenir pour parfaire, un don de trouver l’excellent par rencontres non cherchées, un art de ne pas s’appliquer, une façon naturelle de tenir la plume, comme une grande dame cause, se vêt et se meut, avec une distinction presque distraite où rien n’est métier et où tout est race. Enfin ces Souvenirs nous apprennent ce que fut l’éducation de l’enfant, comment se préparait une destinée brillante et incomplète, et par quoi effort de conscience la femme dut parfaire seule l’œuvre de ses maîtres et peu à peu s’élever aux sentiments qui furent l’ascension morale de sa vie.

More books from Historical

Cover of the book One For All: Tales of the Musketeers by Dorothée de Courlande Dino, Étienne Lamy
Cover of the book A Life Well Lived (A Novel About Survival In The Old West) by Dorothée de Courlande Dino, Étienne Lamy
Cover of the book The Life and Times of “Arfer Teacake” by Dorothée de Courlande Dino, Étienne Lamy
Cover of the book Thin Wood Walls by Dorothée de Courlande Dino, Étienne Lamy
Cover of the book Night of the Wolf by Dorothée de Courlande Dino, Étienne Lamy
Cover of the book The Silver Blade by Dorothée de Courlande Dino, Étienne Lamy
Cover of the book The Story of Prophet Lut (Lot) In Islam Faith by Dorothée de Courlande Dino, Étienne Lamy
Cover of the book Keeping Christmas by Dorothée de Courlande Dino, Étienne Lamy
Cover of the book Lives of the Queens of England of the House of Hanover, Volume 1 (Barnes & Noble Digital Library) by Dorothée de Courlande Dino, Étienne Lamy
Cover of the book The Colours of Corruption by Dorothée de Courlande Dino, Étienne Lamy
Cover of the book Les Quarante-Cinq (Complet) by Dorothée de Courlande Dino, Étienne Lamy
Cover of the book Possession of a Highlander by Dorothée de Courlande Dino, Étienne Lamy
Cover of the book A World of Secrets by Dorothée de Courlande Dino, Étienne Lamy
Cover of the book SP,Sangkoh Petala /Senjata Kayangan Buku3 by Dorothée de Courlande Dino, Étienne Lamy
Cover of the book Rebel Yell by Dorothée de Courlande Dino, Étienne Lamy
We use our own "cookies" and third party cookies to improve services and to see statistical information. By using this website, you agree to our Privacy Policy