Author: | Constantin-François de Chasseboeuf Volney | ISBN: | 1230002985381 |
Publisher: | Paris, Parmantier, 1825 | Publication: | December 10, 2018 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Constantin-François de Chasseboeuf Volney |
ISBN: | 1230002985381 |
Publisher: | Paris, Parmantier, 1825 |
Publication: | December 10, 2018 |
Imprint: | |
Language: | French |
LE nouvel Ouvrage que je présente au Public est le fruit de trois ans de voyages et de résidence aux États-Unis, dans des circonstances de temps et dans une situation d’esprit bien différentes de celles de mon voyage en Turquie....
Lorsqu’on 1783, je partais de Marseille, c’était de plein gré, avec cette alacrité, cette confiance en autrui et en soi, qu’inspire la jeunesse: je quittais gaiement un pays d’abondance et de paix, pour aller vivre dans un pays de barbarie et de misère, sans autre motif que d’employer le temps d’une jeunesse inquiète et active à me procurer des connaissances d’un genre neuf, et à embellir, par elles, le reste de ma vie, d’une auréole de considération et d’estime.
Dans l’an III, au contraire (en 1795), lorsque je m’embarquais au Havre, c’était avec le dégoût et l’indifférence que donnent le spectacle et l’expérience de l’injustice et de la persécution. Triste du passé, soucieux de l’avenir, j’allais avec défiance chez un peuple libre, voir si un ami sincère de cette liberté profanée trouverait pour sa vieillesse un asile de paix dont l’Europe ne lui offrait plus l’espérance.
Ce fut dans ces dispositions que je visitai successivement presque toutes les parties des États-Unis, étudiant le climat, les lois, les habitants et leurs mœurs, principalement sous le rapport de la vie sociale et du bonheur domestique… et tel fut le résultat de mes observations et de mes réflexions, que considérant d’une part la perspective orageuse et sombre de la France et de l’Europe entière; les probabilités de guerres longues et opiniâtres, à raison de la lutte élevée entre des préjugés au déclin et des lumières croissantes; entre des despotismes vieillis et de jeunes libertés insurgentes;… d’autre part, l’avenir pacifique et riant des États-Unis, de la facilité à devenir propriétaire à raison de l’immense étendue des terres à peupler; de la nécessité et des profits du travail; de la liberté des personnes et de l’industrie; de la douceur du Gouvernement, fondée sur sa faiblesse même; par tous ces motifs, j’avais pris la résolution de rester aux États-Unis, lorsqu’au printemps de 1798, une épidémie d’animosité contre les Français, et la menace d’une rupture immédiate, m’imposèrent la loi de me retirer. Ce serait peut-être ici l’occasion de me plaindre des violentes attaques publiques dirigées contre moi dans les derniers temps de mon séjour, sous l’influence d’un personnage tout-puissant; mais l’élection de 1801, en faisant justice de celle de 1797, m’a rendu une indemnité suffisante...
LE nouvel Ouvrage que je présente au Public est le fruit de trois ans de voyages et de résidence aux États-Unis, dans des circonstances de temps et dans une situation d’esprit bien différentes de celles de mon voyage en Turquie....
Lorsqu’on 1783, je partais de Marseille, c’était de plein gré, avec cette alacrité, cette confiance en autrui et en soi, qu’inspire la jeunesse: je quittais gaiement un pays d’abondance et de paix, pour aller vivre dans un pays de barbarie et de misère, sans autre motif que d’employer le temps d’une jeunesse inquiète et active à me procurer des connaissances d’un genre neuf, et à embellir, par elles, le reste de ma vie, d’une auréole de considération et d’estime.
Dans l’an III, au contraire (en 1795), lorsque je m’embarquais au Havre, c’était avec le dégoût et l’indifférence que donnent le spectacle et l’expérience de l’injustice et de la persécution. Triste du passé, soucieux de l’avenir, j’allais avec défiance chez un peuple libre, voir si un ami sincère de cette liberté profanée trouverait pour sa vieillesse un asile de paix dont l’Europe ne lui offrait plus l’espérance.
Ce fut dans ces dispositions que je visitai successivement presque toutes les parties des États-Unis, étudiant le climat, les lois, les habitants et leurs mœurs, principalement sous le rapport de la vie sociale et du bonheur domestique… et tel fut le résultat de mes observations et de mes réflexions, que considérant d’une part la perspective orageuse et sombre de la France et de l’Europe entière; les probabilités de guerres longues et opiniâtres, à raison de la lutte élevée entre des préjugés au déclin et des lumières croissantes; entre des despotismes vieillis et de jeunes libertés insurgentes;… d’autre part, l’avenir pacifique et riant des États-Unis, de la facilité à devenir propriétaire à raison de l’immense étendue des terres à peupler; de la nécessité et des profits du travail; de la liberté des personnes et de l’industrie; de la douceur du Gouvernement, fondée sur sa faiblesse même; par tous ces motifs, j’avais pris la résolution de rester aux États-Unis, lorsqu’au printemps de 1798, une épidémie d’animosité contre les Français, et la menace d’une rupture immédiate, m’imposèrent la loi de me retirer. Ce serait peut-être ici l’occasion de me plaindre des violentes attaques publiques dirigées contre moi dans les derniers temps de mon séjour, sous l’influence d’un personnage tout-puissant; mais l’élection de 1801, en faisant justice de celle de 1797, m’a rendu une indemnité suffisante...