Author: | Fyodor Dostoïevski | ISBN: | 1230000253483 |
Publisher: | NA | Publication: | July 19, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Fyodor Dostoïevski |
ISBN: | 1230000253483 |
Publisher: | NA |
Publication: | July 19, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
Extrait: Ceci se passait au temps où, emportés par leur foi en la renaissance de notre chère patrie, les meilleurs de ses enfants s’élançaient, enthousiastes, vers de nouveaux es-poirs et de nouvelles destinées.
Par une nuit d’hiver, claire et calme, trois hommes respectables étaient réunis dans une chambre meublée avec confort, voire même avec un certain luxe, d’une des belles maisons du quartier de Pétersbourskaïa Storo-na. Enfoncés dans des fauteuils profonds et moelleux, ces personnages qui, tous les trois, avaient le rang de gé-néral , discutaient posément sur un thème très curieux, tout en avalant de temps en temps une copieuse rasade de Champagne.
L’hôte, le conseiller intime Stéphane Nikiforovitch Nikiforoff, célibataire de soixante-cinq ans, pendait la crémaillère dans une maison nouvellement achetée. Et il se trouvait, en outre, que son anniversaire, qu’il n’avait jusqu’alors jamais célébré, tombait précisément ce jour-là. À vrai dire, la fête n’était pas bien extraordinaire, puisqu’il n’y avait que deux invités, deux anciens col-lègues et ex-subordonnés de M. Nikiforoff : le conseiller d’État effectif Semen Ivanovitch Chipoulenko et Ivan Iliitch Pralinski, également conseiller d’État effectif. Ve-nus à neuf heures pour prendre le thé, ils s’étaient attar-dés à boire et songeaient qu’ils devraient regagner leurs domiciles vers minuit moins vingt, car il faut dire que l’hôte était un homme méticuleux, qui ne dérogeait pas à ses habitudes.
Ayant commencé sa carrière en qualité de petit fonc-tionnaire, Stéphane Nikiforovitch avait traîné son boulet durant quarante-cinq ans, sachant d’avance à quoi abou-tirait cette vie médiocre et régulière. Il n’aimait pas, comme on dit, ravir les étoiles au ciel, bien qu’il en por-tât deux sous le revers de son uniforme . Il lui répugnait particulièrement de manifester son opinion personnelle. Il pouvait se dire honnête, en ce sens qu’il n’avait jamais eu l’occasion de commettre un acte indélicat. Il était res-té célibataire par égoïsme. Bien qu’il ne fût point sot, il n’aimait pas à faire montre de son esprit, et détestait, par-dessus tout, l’enthousiasme, qu’il considérait comme une malpropreté morale.
Vers la fin d’une longue existence sans éclat, Sté-phane Nikiforovitch se plongea dans un confort douillet dont il jouissait solitairement. Bien que parfois il fré-quentât le monde, il avait toujours détesté recevoir : de sorte que, ces derniers temps, il se contentait de la socié-té de la pendulette placée sur sa cheminée, et, tous les soirs, à moitié endormi dans son fauteuil, il en écoutait paisiblement le tic-tac. Cette occupation était interrom-pue de temps en temps par un jeu de patience auquel le général se livrait sur sa table. D’un extérieur méticuleu-sement soigné, rasé de près, le dignitaire semblait plus jeune que son âge, et, bien conservé, il promettait de vivre encore longtemps en parfait gentleman qu’il croyait être.
Extrait: Ceci se passait au temps où, emportés par leur foi en la renaissance de notre chère patrie, les meilleurs de ses enfants s’élançaient, enthousiastes, vers de nouveaux es-poirs et de nouvelles destinées.
Par une nuit d’hiver, claire et calme, trois hommes respectables étaient réunis dans une chambre meublée avec confort, voire même avec un certain luxe, d’une des belles maisons du quartier de Pétersbourskaïa Storo-na. Enfoncés dans des fauteuils profonds et moelleux, ces personnages qui, tous les trois, avaient le rang de gé-néral , discutaient posément sur un thème très curieux, tout en avalant de temps en temps une copieuse rasade de Champagne.
L’hôte, le conseiller intime Stéphane Nikiforovitch Nikiforoff, célibataire de soixante-cinq ans, pendait la crémaillère dans une maison nouvellement achetée. Et il se trouvait, en outre, que son anniversaire, qu’il n’avait jusqu’alors jamais célébré, tombait précisément ce jour-là. À vrai dire, la fête n’était pas bien extraordinaire, puisqu’il n’y avait que deux invités, deux anciens col-lègues et ex-subordonnés de M. Nikiforoff : le conseiller d’État effectif Semen Ivanovitch Chipoulenko et Ivan Iliitch Pralinski, également conseiller d’État effectif. Ve-nus à neuf heures pour prendre le thé, ils s’étaient attar-dés à boire et songeaient qu’ils devraient regagner leurs domiciles vers minuit moins vingt, car il faut dire que l’hôte était un homme méticuleux, qui ne dérogeait pas à ses habitudes.
Ayant commencé sa carrière en qualité de petit fonc-tionnaire, Stéphane Nikiforovitch avait traîné son boulet durant quarante-cinq ans, sachant d’avance à quoi abou-tirait cette vie médiocre et régulière. Il n’aimait pas, comme on dit, ravir les étoiles au ciel, bien qu’il en por-tât deux sous le revers de son uniforme . Il lui répugnait particulièrement de manifester son opinion personnelle. Il pouvait se dire honnête, en ce sens qu’il n’avait jamais eu l’occasion de commettre un acte indélicat. Il était res-té célibataire par égoïsme. Bien qu’il ne fût point sot, il n’aimait pas à faire montre de son esprit, et détestait, par-dessus tout, l’enthousiasme, qu’il considérait comme une malpropreté morale.
Vers la fin d’une longue existence sans éclat, Sté-phane Nikiforovitch se plongea dans un confort douillet dont il jouissait solitairement. Bien que parfois il fré-quentât le monde, il avait toujours détesté recevoir : de sorte que, ces derniers temps, il se contentait de la socié-té de la pendulette placée sur sa cheminée, et, tous les soirs, à moitié endormi dans son fauteuil, il en écoutait paisiblement le tic-tac. Cette occupation était interrom-pue de temps en temps par un jeu de patience auquel le général se livrait sur sa table. D’un extérieur méticuleu-sement soigné, rasé de près, le dignitaire semblait plus jeune que son âge, et, bien conservé, il promettait de vivre encore longtemps en parfait gentleman qu’il croyait être.