Author: | Renée Dunan | ISBN: | 1230000453035 |
Publisher: | Matheson | Publication: | May 26, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Renée Dunan |
ISBN: | 1230000453035 |
Publisher: | Matheson |
Publication: | May 26, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
« On n’a jamais étudié avec quelque soin psychologique les contacts de deux amoureux. Il semble, même aux romanciers, que ce soit là une matière inanalysable, voilà pourquoi les formules employées pour la décrire, ou la préciser, ressemblèrent toujours à l’« amen » qui ouvre les absolus sur la conclusion des prières.
Attentons donc à cet usage immémorial. Les trois points de suspension chers aux écrivains d’hypocrisie traditionnelle sont précisément la substance du présent livre.
CE ROMAN DURE JUSTE UNE HEURE ET DEMIE.
Il m’apparaît d’ailleurs surchargé d’événements, et des plus complexes, des plus primitifs, des plus raffinés, des plus tortueux, des plus contingents et des plus instructifs à la fois. J’ai voulu en y effet y mettre au net les ressorts divers de la sexualité, du désir et de l’intelligence, appliqués aux impulsions sans lesquelles la vie renoncerait à durer. Grand sujet d’abord, épique, sans nul doute, mais amer et douloureux aussi, comme tout ce qui tend vainement à l’infinitude. Sujet subtil, en sus, où s’intègrent délicatement ensemble la mystique d’être et sa volupté. » Renée Dunan.
« Jacques argua :
— Isabelle, vous affectez trop de liberté, trop de sans-gêne, trop d’abandon.
— Vous voulez dire que je manque aux pudeurs classiques ?
— Un peu.
— Vous êtes risible, vraiment. Est-ce vous, dont tout le monde sait que vous avez eu comme maîtresses une telle, une telle et tant d’autres, de me donner cette leçon ? Car je vous ai connu kantien et d’ailleurs le sacrement, disaient les Cathares, vaut ce que vaut le prêtre. Ainsi de la moralité.
— Peu importe, si je dis vrai.
Elle se leva et vint au guéridon où se trouvait la bouteille de Porto.
— Puisque vous me laissez crever de soif, je vais me servir moi-même.
Décontenancé et énervé, il vint lui prendre le flacon des mains :
— Isabelle, je ne veux pas vous le cacher, je vous savais audacieuse et tout à fait dans le train, mais tout de même pas à ce point. Je vous offusque ?
Ce disant, elle reculait, avec un air de reine offensée, pour venir s’asseoir sur le divan, à la place exacte où tout à l’heure Jacques se tenait. Elle se laissa alors, mollement tomber, et les ressorts la secouèrent un court instant.
Elle chanta moqueusement :
— Viens que je te balance…
Jacques lui remit son verre plein avec une grande affectation de dignité.
Elle susurra :
— Toujours le genre maître d’hôtel.
Vexé, il s’assit à côté d’elle et prétendit lui faire la morale :
— Voyons Isabelle, je suis votre aîné.
— Oh ! de combien ?
— J’ai vingt-neuf ans.
— Moi vingt. C’est la même chose.
— Bon ! En tout cas, reconnaissez que les hommes ayant depuis longtemps l’habitude de certaines libertés, ont tout de même mieux appris à user d’elles avec prudence et finesse ?...
— Je vous vois venir avec vos godillots d’ordonnance, Jacques… Vous allez prétendre que nous autres, jeunes filles du tout dernier bateau de fleurs…
— Comme vous dites !
— Sciemment, mon vieux… Vous allez donc affirmer que nous ne possédons pas encore l’habitude de la liberté. C’est pourquoi, bien entendu, nous avons tendance à abuser d’elle, la pôvre…
— C’est un peu ça.
— Sottise, Jacques, et pure naïveté réactionnaire. Je suis aussi décente que vous, aussi bien élevée, aussi riche en savoir-vivre. Ce que vous prenez pour un abus n’est que du naturel. J’arrive ici. Une femme comme vous les aimez pourrait, en ce cas, avoir soif à en crever, elle ne vous le ferait jamais connaître si vous ne le deviniez pas. Nous parlons dessous, une femme comme il faut ne montrera jamais sa petite culotte. Une femme de bon ton restera obstinément pudique, c’est-à-dire effacée, craintive et effarouchée, en toutes circonstances, y compris celles qui vous occupent. Eh bien, tout ça, c’est fini ! Vous datez du temps des crinolines et des pantalons en molleton, où nos grands-mères aimaient à se faire cuire les fesses à l’étouffée… »
« On n’a jamais étudié avec quelque soin psychologique les contacts de deux amoureux. Il semble, même aux romanciers, que ce soit là une matière inanalysable, voilà pourquoi les formules employées pour la décrire, ou la préciser, ressemblèrent toujours à l’« amen » qui ouvre les absolus sur la conclusion des prières.
Attentons donc à cet usage immémorial. Les trois points de suspension chers aux écrivains d’hypocrisie traditionnelle sont précisément la substance du présent livre.
CE ROMAN DURE JUSTE UNE HEURE ET DEMIE.
Il m’apparaît d’ailleurs surchargé d’événements, et des plus complexes, des plus primitifs, des plus raffinés, des plus tortueux, des plus contingents et des plus instructifs à la fois. J’ai voulu en y effet y mettre au net les ressorts divers de la sexualité, du désir et de l’intelligence, appliqués aux impulsions sans lesquelles la vie renoncerait à durer. Grand sujet d’abord, épique, sans nul doute, mais amer et douloureux aussi, comme tout ce qui tend vainement à l’infinitude. Sujet subtil, en sus, où s’intègrent délicatement ensemble la mystique d’être et sa volupté. » Renée Dunan.
« Jacques argua :
— Isabelle, vous affectez trop de liberté, trop de sans-gêne, trop d’abandon.
— Vous voulez dire que je manque aux pudeurs classiques ?
— Un peu.
— Vous êtes risible, vraiment. Est-ce vous, dont tout le monde sait que vous avez eu comme maîtresses une telle, une telle et tant d’autres, de me donner cette leçon ? Car je vous ai connu kantien et d’ailleurs le sacrement, disaient les Cathares, vaut ce que vaut le prêtre. Ainsi de la moralité.
— Peu importe, si je dis vrai.
Elle se leva et vint au guéridon où se trouvait la bouteille de Porto.
— Puisque vous me laissez crever de soif, je vais me servir moi-même.
Décontenancé et énervé, il vint lui prendre le flacon des mains :
— Isabelle, je ne veux pas vous le cacher, je vous savais audacieuse et tout à fait dans le train, mais tout de même pas à ce point. Je vous offusque ?
Ce disant, elle reculait, avec un air de reine offensée, pour venir s’asseoir sur le divan, à la place exacte où tout à l’heure Jacques se tenait. Elle se laissa alors, mollement tomber, et les ressorts la secouèrent un court instant.
Elle chanta moqueusement :
— Viens que je te balance…
Jacques lui remit son verre plein avec une grande affectation de dignité.
Elle susurra :
— Toujours le genre maître d’hôtel.
Vexé, il s’assit à côté d’elle et prétendit lui faire la morale :
— Voyons Isabelle, je suis votre aîné.
— Oh ! de combien ?
— J’ai vingt-neuf ans.
— Moi vingt. C’est la même chose.
— Bon ! En tout cas, reconnaissez que les hommes ayant depuis longtemps l’habitude de certaines libertés, ont tout de même mieux appris à user d’elles avec prudence et finesse ?...
— Je vous vois venir avec vos godillots d’ordonnance, Jacques… Vous allez prétendre que nous autres, jeunes filles du tout dernier bateau de fleurs…
— Comme vous dites !
— Sciemment, mon vieux… Vous allez donc affirmer que nous ne possédons pas encore l’habitude de la liberté. C’est pourquoi, bien entendu, nous avons tendance à abuser d’elle, la pôvre…
— C’est un peu ça.
— Sottise, Jacques, et pure naïveté réactionnaire. Je suis aussi décente que vous, aussi bien élevée, aussi riche en savoir-vivre. Ce que vous prenez pour un abus n’est que du naturel. J’arrive ici. Une femme comme vous les aimez pourrait, en ce cas, avoir soif à en crever, elle ne vous le ferait jamais connaître si vous ne le deviniez pas. Nous parlons dessous, une femme comme il faut ne montrera jamais sa petite culotte. Une femme de bon ton restera obstinément pudique, c’est-à-dire effacée, craintive et effarouchée, en toutes circonstances, y compris celles qui vous occupent. Eh bien, tout ça, c’est fini ! Vous datez du temps des crinolines et des pantalons en molleton, où nos grands-mères aimaient à se faire cuire les fesses à l’étouffée… »