Author: | Henriette de Witt, Émile Bayard | ISBN: | 1230002865829 |
Publisher: | Paris : Hachette, 1874 | Publication: | November 16, 2018 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Henriette de Witt, Émile Bayard |
ISBN: | 1230002865829 |
Publisher: | Paris : Hachette, 1874 |
Publication: | November 16, 2018 |
Imprint: | |
Language: | French |
C’était un grand salon brillamment éclairé, dans un vaste appartement du faubourg Saint-Germain ; au fond de la pièce, un paravent excluait soigneusement l’éclat de la lumière. Un faible demi-jour régnait autour du canapé sur lequel reposait une femme maigre et pâle. De riches tentures, de beaux meubles, ornaient le salon, mais nulle réunion de la famille n’y avait laissé sa trace : pas un panier à ouvrage, pas un livre, pas un journal. En écartant une feuille du paravent, au contraire, en pénétrant dans le petit réduit que s’était créé la maîtresse du logis, on frôlait un piano, on heurtait une étagère chargée d’inutilités gracieuses, on était charmé par le parfum des fleurs. Le salon était le domaine commun ; le coin derrière le paravent était un refuge.
La solitaire était oisive, la tête appuyée sur sa main, comme si elle était plongée dans une rêverie vague ; bientôt, se soulevant avec peine, elle agita une sonnette : un domestique parut. « Où est Mlle Élisabeth ? demanda-t-elle. Dites-lui que je voudrais lui parler. » Et elle retomba dans ses réflexions.
Quelques minutes s’écoulèrent, puis la porte s’ouvrit, doucement mais rapidement, et une jeune fille de vingt ans, grande et robuste, vint s’asseoir au pied du canapé de sa mère. Élisabeth avait les cheveux noirs, ses yeux étaient bleus, un peu pâles, mais lorsqu’une émotion vive venait l’agiter, son regard, froid d’ordinaire, lançait tout à coup des éclairs, et tout son visage respirait l’énergie comme la passion. Elle était calme alors, et caressait en silence les mains de sa mère, jouant machinalement avec les bagues qui couvraient ses doigts amaigris. Elle n’avait pas demandé pourquoi on l’avait appelée : sa mère semblait satisfaite de sa présence, et ne parlait pas non plus.
Élisabeth avait cependant relevé la tête ; ses yeux s’étaient habitués à l’espèce d’obscurité qui régnait autour du canapé ; d’ailleurs un rayon de la vive lumière des lampes tombait par une fente du paravent sur le front de la malade. Il n’y avait pas à se méprendre sous cet éclat révélateur, c’était bien une malade qui était étendue là.
Le cœur de la jeune fille se serra violemment ; il lui sembla voir une mourante. Elle se leva instinctivement pour déplacer la lampe dont la lumière fatiguait les yeux de sa mère, puis elle revint s’asseoir sur son tabouret, l’âme saisie d’une grande terreur. « Êtes-vous plus souffrante, ce soir, maman ? » dit-elle en se penchant sur le canapé. Sa voix ne tremblait pas, mais l’oreille de la malade y sentit vibrer l’accent d’une tendresse qui ne lui était pas ordinaire. Elle rouvrit les yeux qu’elle avait fermés comme sa fille passait derrière le paravent.
C’était un grand salon brillamment éclairé, dans un vaste appartement du faubourg Saint-Germain ; au fond de la pièce, un paravent excluait soigneusement l’éclat de la lumière. Un faible demi-jour régnait autour du canapé sur lequel reposait une femme maigre et pâle. De riches tentures, de beaux meubles, ornaient le salon, mais nulle réunion de la famille n’y avait laissé sa trace : pas un panier à ouvrage, pas un livre, pas un journal. En écartant une feuille du paravent, au contraire, en pénétrant dans le petit réduit que s’était créé la maîtresse du logis, on frôlait un piano, on heurtait une étagère chargée d’inutilités gracieuses, on était charmé par le parfum des fleurs. Le salon était le domaine commun ; le coin derrière le paravent était un refuge.
La solitaire était oisive, la tête appuyée sur sa main, comme si elle était plongée dans une rêverie vague ; bientôt, se soulevant avec peine, elle agita une sonnette : un domestique parut. « Où est Mlle Élisabeth ? demanda-t-elle. Dites-lui que je voudrais lui parler. » Et elle retomba dans ses réflexions.
Quelques minutes s’écoulèrent, puis la porte s’ouvrit, doucement mais rapidement, et une jeune fille de vingt ans, grande et robuste, vint s’asseoir au pied du canapé de sa mère. Élisabeth avait les cheveux noirs, ses yeux étaient bleus, un peu pâles, mais lorsqu’une émotion vive venait l’agiter, son regard, froid d’ordinaire, lançait tout à coup des éclairs, et tout son visage respirait l’énergie comme la passion. Elle était calme alors, et caressait en silence les mains de sa mère, jouant machinalement avec les bagues qui couvraient ses doigts amaigris. Elle n’avait pas demandé pourquoi on l’avait appelée : sa mère semblait satisfaite de sa présence, et ne parlait pas non plus.
Élisabeth avait cependant relevé la tête ; ses yeux s’étaient habitués à l’espèce d’obscurité qui régnait autour du canapé ; d’ailleurs un rayon de la vive lumière des lampes tombait par une fente du paravent sur le front de la malade. Il n’y avait pas à se méprendre sous cet éclat révélateur, c’était bien une malade qui était étendue là.
Le cœur de la jeune fille se serra violemment ; il lui sembla voir une mourante. Elle se leva instinctivement pour déplacer la lampe dont la lumière fatiguait les yeux de sa mère, puis elle revint s’asseoir sur son tabouret, l’âme saisie d’une grande terreur. « Êtes-vous plus souffrante, ce soir, maman ? » dit-elle en se penchant sur le canapé. Sa voix ne tremblait pas, mais l’oreille de la malade y sentit vibrer l’accent d’une tendresse qui ne lui était pas ordinaire. Elle rouvrit les yeux qu’elle avait fermés comme sa fille passait derrière le paravent.