Author: | about edmond | ISBN: | 1230002160245 |
Publisher: | bp | Publication: | February 15, 2018 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | about edmond |
ISBN: | 1230002160245 |
Publisher: | bp |
Publication: | February 15, 2018 |
Imprint: | |
Language: | French |
On s’accoutume en un rien de temps à porter les coiffures les plus exorbitantes;unecouronne,parexemple.LesoldatBonaparteenramassa une que le roi de France avait laissé tomber sur la place Louis XV. Il s’en coiffa lui-même, sans avoir pris leçon de personne, et l’Europe déclara qu’un tel bonnet ne lui allait pas mal. Bientôt même il mit la couronne à la mode dans le cercle de sa famille et de ses amis intimes. Tout le monde autour de lui la portait ou la voulait porter. Mais cet homme extraordinaire ne fut jamais qu’un porte-cravate assez médiocre. M. le vicomte de C…, auteur de plusieurs poèmes en prose, avait étudié la diplomatie, ou l’art de se cravater avec fruit. Il assista, en 1815, à la revue de notre dernière armée, quelques jours avant la campagne de Waterloo. Savez-vous ce qui frappa son esprit dans cette fête héroïque où éclatait l’enthousiasme désespéré d’un grand peuple? C’est que la cravate de Bonaparte n’allait pas bien. Peu d’hommes, sur ce terrain pacifique, auraient pu se mesurer avec maître Alfred L’Ambert. Je dis L’Ambert, et non Lambert : il y a décision du conseil d’État. Maître L’Ambert, successeur de son père, exerçait le notariatpardroitdenaissance.Depuisdeuxsièclesetplus,cetteglorieuse famillesetransmettaitdemâleenmâlel’étudedelaruedeVerneuilavec la plus haute clientèle du faubourg Saint-Germain. La charge n’était pas cotée, n’étant jamais sortie de la famille; mais, d’après le produit des cinq dernières années, on ne pouvait l’estimer moins de trois cent mille écus. C’est dire qu’elle rapportait, bon an, mal an,quatre-vingt-dixmillelivres.Depuisdeuxsièclesetplus,touslesaînés de la famille avaient porté la cravate blanche aussi naturellement que les corbeaux portent la plume noire, les ivrognes le nez rouge, ou les poètes l’habitrâpé.Légitimehéritierd’unnometd’unefortuneconsidérables,le jeuneAlfredavaitsucélesbonsprincipesaveclelait.Ilméprisaitdûment toutes les nouveautés politiques qui se sont introduites en France depuis la catastrophe de 1789. À ses yeux, la nation française se composait de...
On s’accoutume en un rien de temps à porter les coiffures les plus exorbitantes;unecouronne,parexemple.LesoldatBonaparteenramassa une que le roi de France avait laissé tomber sur la place Louis XV. Il s’en coiffa lui-même, sans avoir pris leçon de personne, et l’Europe déclara qu’un tel bonnet ne lui allait pas mal. Bientôt même il mit la couronne à la mode dans le cercle de sa famille et de ses amis intimes. Tout le monde autour de lui la portait ou la voulait porter. Mais cet homme extraordinaire ne fut jamais qu’un porte-cravate assez médiocre. M. le vicomte de C…, auteur de plusieurs poèmes en prose, avait étudié la diplomatie, ou l’art de se cravater avec fruit. Il assista, en 1815, à la revue de notre dernière armée, quelques jours avant la campagne de Waterloo. Savez-vous ce qui frappa son esprit dans cette fête héroïque où éclatait l’enthousiasme désespéré d’un grand peuple? C’est que la cravate de Bonaparte n’allait pas bien. Peu d’hommes, sur ce terrain pacifique, auraient pu se mesurer avec maître Alfred L’Ambert. Je dis L’Ambert, et non Lambert : il y a décision du conseil d’État. Maître L’Ambert, successeur de son père, exerçait le notariatpardroitdenaissance.Depuisdeuxsièclesetplus,cetteglorieuse famillesetransmettaitdemâleenmâlel’étudedelaruedeVerneuilavec la plus haute clientèle du faubourg Saint-Germain. La charge n’était pas cotée, n’étant jamais sortie de la famille; mais, d’après le produit des cinq dernières années, on ne pouvait l’estimer moins de trois cent mille écus. C’est dire qu’elle rapportait, bon an, mal an,quatre-vingt-dixmillelivres.Depuisdeuxsièclesetplus,touslesaînés de la famille avaient porté la cravate blanche aussi naturellement que les corbeaux portent la plume noire, les ivrognes le nez rouge, ou les poètes l’habitrâpé.Légitimehéritierd’unnometd’unefortuneconsidérables,le jeuneAlfredavaitsucélesbonsprincipesaveclelait.Ilméprisaitdûment toutes les nouveautés politiques qui se sont introduites en France depuis la catastrophe de 1789. À ses yeux, la nation française se composait de...