Histoire d’une Parisienne

Fiction & Literature, Classics, Historical
Cover of the book Histoire d’une Parisienne by Octave Feuillet, Octave Feuillet
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Author: Octave Feuillet ISBN: 1230001322279
Publisher: Octave Feuillet Publication: August 26, 2016
Imprint: Language: French
Author: Octave Feuillet
ISBN: 1230001322279
Publisher: Octave Feuillet
Publication: August 26, 2016
Imprint:
Language: French

EXTRAIT:

I

 

Il serait excessif de prétendre que toutes les jeunes filles à marier sont des anges ; mais il y a des anges parmi les jeunes filles à marier. Cela n’est même pas très rare, et, chose qui paraît d’abord étrange, cela est peut-être moins rare à Paris qu’ailleurs. La raison en est simple. Dans cette puissante serre chaude parisienne, les vertus et les vices, de même que les talents, se développent avec une sorte d’outrance et atteignent leur plus haut point de perfection ou de raffinement. Nulle part au monde on ne respire de plus âcres poisons, ni de plus suaves parfums. Nulle part aussi la femme, quand elle est jolie, ne l’est davantage : nulle part, quand elle est bonne, elle n’est meilleure.

On sait que la marquise de Latour-Mesnil, quoiqu’elle fût à la fois des plus jolies et des meilleures, n’avait pas été particulièrement heureuse avec son mari. Ce n’était point qu’il fût un méchant homme, mais il aimait à s’amuser, et il ne s’amusait pas avec sa femme. Il l’avait en conséquence extrêmement négligée : elle avait beaucoup pleuré en secret sans qu’il s’en fût aperçu ou soucié, puis il était mort laissant à la marquise l’impression qu’elle avait manqué sa vie. Comme c’était une âme douce et modeste, elle eut la bonté de s’en prendre à elle, à l’insuffisance de ses mérites, et, voulant épargner à sa fille une destinée semblable à la sienne, elle s’appliqua à en faire une personne éminemment distinguée et aussi capable que peut l’être une femme de retenir l’amour dans le mariage. — Ces sortes d’éducations exquises sont à Paris, comme ailleurs, la consolation de bien des veuves dont quelquefois le mari vit encore.

Mademoiselle Jeanne Bérengère de Latour-Mesnil avait heureusement reçu du ciel tous les dons qui pouvaient favoriser l’ambition que sa mère concevait pour elle. Son esprit, naturellement très ouvert et très actif, s’était merveilleusement prêté dès l’enfance à la délicate culture maternelle. Plus tard, des maîtres d’élite, soigneusement surveillés et dirigés, avaient achevé de l’initier aux notions, aux goûts et aux talents qui sont la parure intellectuelle d’une femme. Quant à l’éducation morale, elle eut pour maître unique sa mère, qui, par le seul contact et par la pureté du souffle, en fit une créature aussi saine qu’elle-même.

Aux mérites que nous venons d’indiquer mademoiselle de Latour-Mesnil avait eu l’esprit d’en ajouter un autre dont il est impossible à la faiblesse humaine de ne pas tenir compte : elle était extrêmement jolie ; elle avait la taille et la grâce d’une nymphe avec une mine un peu sauvage et des rougeurs d’enfant. Sa supériorité, dont elle avait une vague conscience, l’embarrassait. Elle en avait à la fois la fierté et la pudeur. En tête-à-tête avec sa mère, elle était expansive, enthousiaste, et même un peu bavarde ; en public elle se tenait immobile et muette comme une belle fleur ; mais ses yeux magnifiques parlaient pour elle.

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EXTRAIT:

I

 

Il serait excessif de prétendre que toutes les jeunes filles à marier sont des anges ; mais il y a des anges parmi les jeunes filles à marier. Cela n’est même pas très rare, et, chose qui paraît d’abord étrange, cela est peut-être moins rare à Paris qu’ailleurs. La raison en est simple. Dans cette puissante serre chaude parisienne, les vertus et les vices, de même que les talents, se développent avec une sorte d’outrance et atteignent leur plus haut point de perfection ou de raffinement. Nulle part au monde on ne respire de plus âcres poisons, ni de plus suaves parfums. Nulle part aussi la femme, quand elle est jolie, ne l’est davantage : nulle part, quand elle est bonne, elle n’est meilleure.

On sait que la marquise de Latour-Mesnil, quoiqu’elle fût à la fois des plus jolies et des meilleures, n’avait pas été particulièrement heureuse avec son mari. Ce n’était point qu’il fût un méchant homme, mais il aimait à s’amuser, et il ne s’amusait pas avec sa femme. Il l’avait en conséquence extrêmement négligée : elle avait beaucoup pleuré en secret sans qu’il s’en fût aperçu ou soucié, puis il était mort laissant à la marquise l’impression qu’elle avait manqué sa vie. Comme c’était une âme douce et modeste, elle eut la bonté de s’en prendre à elle, à l’insuffisance de ses mérites, et, voulant épargner à sa fille une destinée semblable à la sienne, elle s’appliqua à en faire une personne éminemment distinguée et aussi capable que peut l’être une femme de retenir l’amour dans le mariage. — Ces sortes d’éducations exquises sont à Paris, comme ailleurs, la consolation de bien des veuves dont quelquefois le mari vit encore.

Mademoiselle Jeanne Bérengère de Latour-Mesnil avait heureusement reçu du ciel tous les dons qui pouvaient favoriser l’ambition que sa mère concevait pour elle. Son esprit, naturellement très ouvert et très actif, s’était merveilleusement prêté dès l’enfance à la délicate culture maternelle. Plus tard, des maîtres d’élite, soigneusement surveillés et dirigés, avaient achevé de l’initier aux notions, aux goûts et aux talents qui sont la parure intellectuelle d’une femme. Quant à l’éducation morale, elle eut pour maître unique sa mère, qui, par le seul contact et par la pureté du souffle, en fit une créature aussi saine qu’elle-même.

Aux mérites que nous venons d’indiquer mademoiselle de Latour-Mesnil avait eu l’esprit d’en ajouter un autre dont il est impossible à la faiblesse humaine de ne pas tenir compte : elle était extrêmement jolie ; elle avait la taille et la grâce d’une nymphe avec une mine un peu sauvage et des rougeurs d’enfant. Sa supériorité, dont elle avait une vague conscience, l’embarrassait. Elle en avait à la fois la fierté et la pudeur. En tête-à-tête avec sa mère, elle était expansive, enthousiaste, et même un peu bavarde ; en public elle se tenait immobile et muette comme une belle fleur ; mais ses yeux magnifiques parlaient pour elle.

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