L’Épopée des fusiliers marin, Annoté

Fiction & Literature, Historical
Cover of the book L’Épopée des fusiliers marin, Annoté by CHARLES LE GOFFIC, GILBERT TEROL
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Author: CHARLES LE GOFFIC ISBN: 1230001232165
Publisher: GILBERT TEROL Publication: July 17, 2016
Imprint: Language: French
Author: CHARLES LE GOFFIC
ISBN: 1230001232165
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: July 17, 2016
Imprint:
Language: French

Extrait :

Le 8 octobre au matin, dans l’aube grise du petit jour, deux trains régimentaires se croisaient en gare de Thourout. L’un de ces trains contenait des carabiniers belges ; son vis-à-vis, des fusiliers marins. D’une rame à l’autre on s’interpellait. Les carabiniers agitaient leur petit bonnet de police à liséré jaune et criaient : « Vive la France ! » Les marins ripostaient par des vivats en l’honneur de la Belgique.

— Où allez-vous ? demanda un officier belge.

— A Anvers. Et vous ?

— En France.

Il expliqua que les carabiniers étaient des recrues de la Campine qu’on dirigeait vers nos lignes, pour compléter leur instruction.

— Vous les formerez vite, hein ? dit un marin à l’officier.

Et, montrant le poing à l’horizon :

— Et soyez tranquille, mon lieutenant. On finira bien par les avoir, ces fumiers !…

L’officier belge qui rapporte la scène, M. Edouard de Kayser, avait lui-même quitté Anvers dans la nuit. Il ignorait que la résistance était à bout de souffle, que l’évacuation des troupes avait commencé. Nos marins n’étaient pas mieux renseignés. Le contre-amiral Ronarc’h, qui les commandait, croyait mener sa brigade à Dunkerque : on lui avait donné huit jours pour la former et l’organiser sur le pied de deux régiments (six bataillons et une compagnie de mitrailleuses). Tout était à créer, les cadres, les hommes, les services. Tâche ardue, compliquée par le défaut de cohésion des éléments de la brigade et les changemens continuels de cantonnement (Creil, Amiens, Saint-Denis). Mais l’idée n’était venue qu’assez tard de former des bataillons de marche avec nos marins. L’article 11 de la loi du 8 août 1913 permettait bien de « verser à l’armée de terre les inscrits maritimes en excédent aux besoins de l’armée de mer, » mais les modes d’utilisation de ces contingents n’avaient pas été nettement définis : d’où une certaine prévention contre les bataillons de marche. Le ministre passa outre et fit bien. 70, les glorieuses leçons du Bourget et du Mans, lui avaient appris ce qu’on peut attendre de la coopération des marins avec l’armée de terre. Quelque préparation y était requise assurément. Par définition, une marine est faite pour naviguer, ce qui explique qu’on y néglige un peu l’école de bataillon : les hommes habillés de frais, « capelés, » comme ils disent, à la nouvelle mode, bérets sans pompon , vareuses remontantes et sans col, il fallait encore en faire des soldats ; si débrouillards que soient les marins, une certaine roideur de mouvemens, dans les premiers jours, trahissait l’inexpérience de ces oiseaux de mer auxquels on rognait les ailes et qu’on engonçait par surcroît dans de grosses capotes d’infanterie. Presque aussitôt, d’ailleurs, la brigade ralliait le camp retranché de Paris ; elle venait à peine d’y prendre ses cantonnements que son chef recevait l’ordre de la tenir prête à partir pour Dunkerque où se formait une nouvelle armée. Dunkerque n’était pas encore menacé : la brigade y pourrait achever son organisation. L’ordre portait la date du 4 octobre. Le 1 au matin, la brigade embarquait à Saint-Denis et à Villetaneuse avec ses convois.

« Nous sommes confortablement installés dans des wagons à bestiaux, note sur son carnet le fusilier R… A Creil, nous voyons des maisons brûlées par les Allemands. La nuit arrive ; on cherche à dormir, mais on ne peut pas. Il fait froid. Nous grelottons dans les wagons. » Mais voici un gros paquet de clarté, des feux verts et rouges et la rude haleine du large : Dunkerque. Une surprise y attendait la brigade : les ordres sont changés ; on ne descend pas elles trains de transport vont continuer « vers la Belgique, vers l’ennemi, » vers Anvers pour préciser.

Les hommes trépignent de joie. A la portière des fourgons, leurs grappes se pressent, acclament la terre belge dans une envolée de bérets. L’amiral est parti dans le premier train avec son état-major. En débarquant à Gand, dans l’après-midi du 8, il apprend que la voie est coupée au-dessus de la ville et que les six divisions de l’armée belge qui défendait Anvers ont commencé leur retraite sur Bruges : deux divisions sont échelonnées à l’Ouest du canal de Terneusen, trois à l’Est.

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Extrait :

Le 8 octobre au matin, dans l’aube grise du petit jour, deux trains régimentaires se croisaient en gare de Thourout. L’un de ces trains contenait des carabiniers belges ; son vis-à-vis, des fusiliers marins. D’une rame à l’autre on s’interpellait. Les carabiniers agitaient leur petit bonnet de police à liséré jaune et criaient : « Vive la France ! » Les marins ripostaient par des vivats en l’honneur de la Belgique.

— Où allez-vous ? demanda un officier belge.

— A Anvers. Et vous ?

— En France.

Il expliqua que les carabiniers étaient des recrues de la Campine qu’on dirigeait vers nos lignes, pour compléter leur instruction.

— Vous les formerez vite, hein ? dit un marin à l’officier.

Et, montrant le poing à l’horizon :

— Et soyez tranquille, mon lieutenant. On finira bien par les avoir, ces fumiers !…

L’officier belge qui rapporte la scène, M. Edouard de Kayser, avait lui-même quitté Anvers dans la nuit. Il ignorait que la résistance était à bout de souffle, que l’évacuation des troupes avait commencé. Nos marins n’étaient pas mieux renseignés. Le contre-amiral Ronarc’h, qui les commandait, croyait mener sa brigade à Dunkerque : on lui avait donné huit jours pour la former et l’organiser sur le pied de deux régiments (six bataillons et une compagnie de mitrailleuses). Tout était à créer, les cadres, les hommes, les services. Tâche ardue, compliquée par le défaut de cohésion des éléments de la brigade et les changemens continuels de cantonnement (Creil, Amiens, Saint-Denis). Mais l’idée n’était venue qu’assez tard de former des bataillons de marche avec nos marins. L’article 11 de la loi du 8 août 1913 permettait bien de « verser à l’armée de terre les inscrits maritimes en excédent aux besoins de l’armée de mer, » mais les modes d’utilisation de ces contingents n’avaient pas été nettement définis : d’où une certaine prévention contre les bataillons de marche. Le ministre passa outre et fit bien. 70, les glorieuses leçons du Bourget et du Mans, lui avaient appris ce qu’on peut attendre de la coopération des marins avec l’armée de terre. Quelque préparation y était requise assurément. Par définition, une marine est faite pour naviguer, ce qui explique qu’on y néglige un peu l’école de bataillon : les hommes habillés de frais, « capelés, » comme ils disent, à la nouvelle mode, bérets sans pompon , vareuses remontantes et sans col, il fallait encore en faire des soldats ; si débrouillards que soient les marins, une certaine roideur de mouvemens, dans les premiers jours, trahissait l’inexpérience de ces oiseaux de mer auxquels on rognait les ailes et qu’on engonçait par surcroît dans de grosses capotes d’infanterie. Presque aussitôt, d’ailleurs, la brigade ralliait le camp retranché de Paris ; elle venait à peine d’y prendre ses cantonnements que son chef recevait l’ordre de la tenir prête à partir pour Dunkerque où se formait une nouvelle armée. Dunkerque n’était pas encore menacé : la brigade y pourrait achever son organisation. L’ordre portait la date du 4 octobre. Le 1 au matin, la brigade embarquait à Saint-Denis et à Villetaneuse avec ses convois.

« Nous sommes confortablement installés dans des wagons à bestiaux, note sur son carnet le fusilier R… A Creil, nous voyons des maisons brûlées par les Allemands. La nuit arrive ; on cherche à dormir, mais on ne peut pas. Il fait froid. Nous grelottons dans les wagons. » Mais voici un gros paquet de clarté, des feux verts et rouges et la rude haleine du large : Dunkerque. Une surprise y attendait la brigade : les ordres sont changés ; on ne descend pas elles trains de transport vont continuer « vers la Belgique, vers l’ennemi, » vers Anvers pour préciser.

Les hommes trépignent de joie. A la portière des fourgons, leurs grappes se pressent, acclament la terre belge dans une envolée de bérets. L’amiral est parti dans le premier train avec son état-major. En débarquant à Gand, dans l’après-midi du 8, il apprend que la voie est coupée au-dessus de la ville et que les six divisions de l’armée belge qui défendait Anvers ont commencé leur retraite sur Bruges : deux divisions sont échelonnées à l’Ouest du canal de Terneusen, trois à l’Est.

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