La Nièce de l’Oncle Sam

Fiction & Literature, Classics
Cover of the book La Nièce de l’Oncle Sam by JEANNE MARAIS, GILBERT TEROL
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Author: JEANNE MARAIS ISBN: 1230000204502
Publisher: GILBERT TEROL Publication: December 22, 2013
Imprint: Language: French
Author: JEANNE MARAIS
ISBN: 1230000204502
Publisher: GILBERT TEROL
Publication: December 22, 2013
Imprint:
Language: French

— Moi, je pense qu’en déclarant la guerre à l’Allemagne, le Président Wilson vient de créer un danger pour la jeune fille américaine !

Et ponctuant cette phrase saugrenue d’une mimique burlesque, Bessie Arnott se campa devant l’une, des hautes glaces qui décoraient le grand salon. Le miroir refléta sa silhouette aux lignes modernes, élégante et mince, vêtue d’une légère robe de mousseline de soie ; son visage aux traits de poupée, aux grands yeux bleus, naïfs et moqueurs, dont le regard clair brillait sous une frange de cheveux blonds coupés courts ; son sourire aux dents éclatantes, son teint d’une admirable transparence rosée. Et cet ensemble incarnait la parfaite image de la « girlie » : l’exquise et originale fille-femme américaine.

C’était chez Andrew Arnott, le riche banquier de New-York. Resté veuf avec deux enfants — Teddy et Bessie, deux jumeaux âgés de vingt et un ans — M. Arnott avait abandonné la direction de sa maison à sa fille Elisabeth — Bessie — qui réunissait tous les quinze jours ses amis des deux sexes dans les somptueux salons de la Cinquième Avenue dont les fenêtres s’ouvraient sur la vue délicieuse du Parc Central.

Intelligente, indépendante, audacieuse et sportive, Bessie Arnott trouvait le moyen d’avoir une réputation d’excentricité parmi ses plus excentriques compatriotes. Son père lui laissait cette liberté qui développe la personnalité de l’enfant aux dépens de sa raison. Un peu inquiet du résultat de cette éducation (traditionnelle aux États-Unis) il approuvait — malgré la différence d’âge — ses récentes fiançailles avec le célèbre chirurgien Jack Warton. Le docteur Warton avait quinze ans de plus que Bessie. M. Arnott espérait que l’influence conjugale tempérerait heureusement les fantaisies de sa fille. Mais le mariage venait d’être ajourné par raison de santé : Bessie avait eu la fièvre typhoïde trois mois auparavant et sa convalescence avait été longue. Sur ces entrefaites, les États-Unis avaient déclaré la guerre à l’Allemagne.

Le docteur Warton, sollicité d’aller prendre la direction de l’hôpital américain de Neuilly, en remplacement d’un confrère malade, annonçait aujourd’hui son départ pour l’Europe.

Et c’est à cet instant que Bessie avait lancés Sa réflexion drôlatique qui attirait l’attention de tous les assistants.

— La guerre : un danger pour nous ?… Et de quelle nature ? s’écria Annie Turner, une petite brune menue dont les grands yeux noirs étincelaient d’intelligence.

Bessie considéra en silence le groupe que formaient ses amis. La plupart des jeunes filles présentes se ressemblaient par un même cachet dans les manières : l’élégance trop riche de leurs toilettes, la vivacité de leur physionomie ; l’activité, l’agitation intérieure qu’on devinait en elles.

Les jeunes gens, moins nombreux, portaient également dans leur personne ce signe d’une même race ; leur gaieté bruyante contrastait avec la correction de leur tenue.

Seul, parmi ces hommes, le docteur Warton se distinguait par une personnalité très marquée.

À trente-six ans, Jack Warton conservait la vigueur et l’agilité de la prime jeunesse. Grand, fort, bien découplé, c’était un de ces athlètes intellectuels dont l’Amérique a la spécialité ; il avait exercé dans un même entraînement ses muscles et son cerveau ; chez lui le savant se doublait d’un sportsman accompli. D’une beauté parfaite, de cette beauté anglo-saxonne qui met en valeur les qualités viriles, il avait un visage mâle aux traits réguliers que rien ne déparait, car le docteur Warton ne portait ni barbe, ni moustache. Son nez droit, sa bouche bien modelée, son menton, creusé d’une fossette, étaient d’une pureté grecque. Ses grands yeux, d’un gris lumineux, rayonnaient d’intelligence et de bonté. Sa figure sans ride n’accusait point la quarantaine proche. Seuls, ses jeunes cheveux blancs, qui avaient éclairci prématurément ses tempes, révélaient le labeur acharné de l’homme de science.

Bessie coula vers son fiancé le regard approbateur d’une femme satisfaite de son choix ; puis elle déclara, sans répondre directement à Miss Turner :

— L’intervention de notre pays dans une guerre de justice et de liberté a de quoi nous rendre fiers de nous-mêmes… Mais, à côté de la grande question patriotique, sur laquelle tout a été dit, il est une petite question qui a son importance…

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— Moi, je pense qu’en déclarant la guerre à l’Allemagne, le Président Wilson vient de créer un danger pour la jeune fille américaine !

Et ponctuant cette phrase saugrenue d’une mimique burlesque, Bessie Arnott se campa devant l’une, des hautes glaces qui décoraient le grand salon. Le miroir refléta sa silhouette aux lignes modernes, élégante et mince, vêtue d’une légère robe de mousseline de soie ; son visage aux traits de poupée, aux grands yeux bleus, naïfs et moqueurs, dont le regard clair brillait sous une frange de cheveux blonds coupés courts ; son sourire aux dents éclatantes, son teint d’une admirable transparence rosée. Et cet ensemble incarnait la parfaite image de la « girlie » : l’exquise et originale fille-femme américaine.

C’était chez Andrew Arnott, le riche banquier de New-York. Resté veuf avec deux enfants — Teddy et Bessie, deux jumeaux âgés de vingt et un ans — M. Arnott avait abandonné la direction de sa maison à sa fille Elisabeth — Bessie — qui réunissait tous les quinze jours ses amis des deux sexes dans les somptueux salons de la Cinquième Avenue dont les fenêtres s’ouvraient sur la vue délicieuse du Parc Central.

Intelligente, indépendante, audacieuse et sportive, Bessie Arnott trouvait le moyen d’avoir une réputation d’excentricité parmi ses plus excentriques compatriotes. Son père lui laissait cette liberté qui développe la personnalité de l’enfant aux dépens de sa raison. Un peu inquiet du résultat de cette éducation (traditionnelle aux États-Unis) il approuvait — malgré la différence d’âge — ses récentes fiançailles avec le célèbre chirurgien Jack Warton. Le docteur Warton avait quinze ans de plus que Bessie. M. Arnott espérait que l’influence conjugale tempérerait heureusement les fantaisies de sa fille. Mais le mariage venait d’être ajourné par raison de santé : Bessie avait eu la fièvre typhoïde trois mois auparavant et sa convalescence avait été longue. Sur ces entrefaites, les États-Unis avaient déclaré la guerre à l’Allemagne.

Le docteur Warton, sollicité d’aller prendre la direction de l’hôpital américain de Neuilly, en remplacement d’un confrère malade, annonçait aujourd’hui son départ pour l’Europe.

Et c’est à cet instant que Bessie avait lancés Sa réflexion drôlatique qui attirait l’attention de tous les assistants.

— La guerre : un danger pour nous ?… Et de quelle nature ? s’écria Annie Turner, une petite brune menue dont les grands yeux noirs étincelaient d’intelligence.

Bessie considéra en silence le groupe que formaient ses amis. La plupart des jeunes filles présentes se ressemblaient par un même cachet dans les manières : l’élégance trop riche de leurs toilettes, la vivacité de leur physionomie ; l’activité, l’agitation intérieure qu’on devinait en elles.

Les jeunes gens, moins nombreux, portaient également dans leur personne ce signe d’une même race ; leur gaieté bruyante contrastait avec la correction de leur tenue.

Seul, parmi ces hommes, le docteur Warton se distinguait par une personnalité très marquée.

À trente-six ans, Jack Warton conservait la vigueur et l’agilité de la prime jeunesse. Grand, fort, bien découplé, c’était un de ces athlètes intellectuels dont l’Amérique a la spécialité ; il avait exercé dans un même entraînement ses muscles et son cerveau ; chez lui le savant se doublait d’un sportsman accompli. D’une beauté parfaite, de cette beauté anglo-saxonne qui met en valeur les qualités viriles, il avait un visage mâle aux traits réguliers que rien ne déparait, car le docteur Warton ne portait ni barbe, ni moustache. Son nez droit, sa bouche bien modelée, son menton, creusé d’une fossette, étaient d’une pureté grecque. Ses grands yeux, d’un gris lumineux, rayonnaient d’intelligence et de bonté. Sa figure sans ride n’accusait point la quarantaine proche. Seuls, ses jeunes cheveux blancs, qui avaient éclairci prématurément ses tempes, révélaient le labeur acharné de l’homme de science.

Bessie coula vers son fiancé le regard approbateur d’une femme satisfaite de son choix ; puis elle déclara, sans répondre directement à Miss Turner :

— L’intervention de notre pays dans une guerre de justice et de liberté a de quoi nous rendre fiers de nous-mêmes… Mais, à côté de la grande question patriotique, sur laquelle tout a été dit, il est une petite question qui a son importance…

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