Author: | Daniel Defoe | ISBN: | 1230000258543 |
Publisher: | Largau | Publication: | August 7, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Daniel Defoe |
ISBN: | 1230000258543 |
Publisher: | Largau |
Publication: | August 7, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
Extrait du livre :
Il n’est pas rare, en littérature, qu’un livre immortalise un homme et tue l’œuvre entier de l’écrivain. L’abbé Prévôt est l’auteur de Manon Lescaut, Bernardin de Saint-Pierre l’auteur de Paul et Virginie, Goldsmith l’auteur du Vicaire de Wakefield, et Daniel Defoe l’auteur de Robinson Crusoe. On ne s’inquiète pas de savoir si ces chefs-d’œuvre populaires sont, comme la fleur de l’aloès, une éclosion magnifique, mais solitaire, ou s’ils sont préparés, amenés, soutenus et comme expliqués par une série d’autres ouvrages de moindre mérite, sans doute, mais d’un intérêt encore bien vif, puisqu’ils marquent les phases de l’évolution d’un grand esprit. Nul plus que Defoe n’a souffert de ce dédain superbe de la postérité. Nul plus que lui n’a des titres à entrer dans cette galerie des auteurs de chefs-d’œuvre et de curiosités littéraires qu’on ignore ou dont on ne se souvient pas.
Daniel Defoe naquit à Londres en 1663. Il eut pour père un boucher. Il reçut une solide instruction. Son père était un dissenter ou dissident ; c’est-à-dire un ennemi de l’Église anglicane officielle. L’instruction est souvent tenue en plus haute estime dans les sectes que dans l’Église dominante. Les raisons en seraient faciles à donner ; mais elles sont aussi faciles à comprendre, et les exposer nous entraînerait trop loin. Il serait également trop long de raconter comment Daniel Defoe, destiné d’abord au commerce de la bonneterie, jeta, si l’on veut me permettre cette application particulière d’une phrase leste et banale, ses bonnets par dessus les moulins, et, dès l’âge de 21 ans, s’annonça comme publiciste par un pamphlet où il prend parti pour la civilisation contre la barbarie, et montre à ses contemporains que la haine du catholicisme ne doit pas leur faire souhaiter de voir l’Autriche engloutie sous l’inondation des Turcs.
Il est dès lors lancé dans la politique militante, à ses risques et périls ; et il ne s’y ménage pas. Complice du duc de Monmouth, et agent actif de la révolution de 1688, auteur d’un poème où il prouve que le devoir d’un véritable anglais est de reconnaître Guillaume d’Orange, conseiller du nouveau roi, agitateur parlementaire (Pétition de la Légion, 1701), il acquiert, sous la reine Anne, une notoriété, qu’il paya cher, par la publication de son pamphlet, The shortest way with the Dissenters (« Le plus court chemin pour en finir avec les Dissidents »), ironie sanglante où il propose la pendaison comme unique remède, et dont les conformistes conçurent une rage d’autant plus grande qu’ils avaient pris d’abord Defoe pour un des leurs, et sa cruauté dérisoire pour un zèle de bon aloi. Leur déconvenue se traduisit par le pilori et la prison dont leur tolérance gratifia l’auteur.
Dans sa cellule de Newgate, celui-ci parvint, non seulement à écrire, mais à faire publier un journal politique et satirique, que toute la presse militante du monde entier peut fièrement revendiquer pour aïeul ; car, s’il y avait déjà quelques feuilles de nouvelles ou d’adresses, rien de pareil n’existait encore. Ce journal, The Review (« La Revue »), dont le premier numéro parut le 19 février 1704, fut d’abord bi-hebdomadaire. À partir de l’année suivante, il se publia trois fois par semaine, et dura neuf ans. Il n’a jamais été réimprimé. Ce serait pourtant une grande curiosité, car on n’en connaît, paraît-il, qu’un exemplaire complet, jalousement gardé dans une bibliothèque particulière.
Le reste de sa vie politique, quels qu’en soient les revirements et les péripéties, ne doit pas nous arrêter ici où nous avons à donner quelques notes bibliographiques et non pas à faire une biographie. Nous n’avons pas davantage à prendre parti dans la controverse qui vient de s’élever sur la question de savoir si Defoe fut un héros ou un coquin. Tout en croyant, cette fois encore, que la vérité se tient entre les opinions extrêmes, il nous suffira de rappeler qu’après avoir été de nouveau condamné à la prison et à l’amende (20,000 francs, il passa les quinze dernières années de sa vie occupé de travaux littéraires dont le nombre et la valeur ne l’empêchèrent pas de mourir dans la misère, à l’âge de soixante-dix ans (1731).
Peu d’écrivains furent aussi féconds. L’œuvre de Dumas, à laquelle tant de collaborateurs mirent la main, est à peine comparable comme quantité à celle de Daniel Defoe, lequel n’eut jamais, que je sache, ni rédacteurs, ni préparateurs. On compte qu’il écrivit deux cent cinquante volumes et brochures, parmi lesquels, sans parler de Robinson Crusoe, plusieurs romans de longue haleine, tels que : La vie, les aventures et les pirateries du capitaine Singleton ; la Vie du colonel Jack ; les Mémoires d’un cavalier ; la Vie de Moll Flanders ; la Vie et les aventures de Duncan Campbell, etc. Citons encore, dans des genres divers : l’Histoire du Diable, l’Histoire de la Grande Peste de Londres, morceau resté classique, le Nouveau voyage autour du Monde, etc., etc.
Extrait du livre :
Il n’est pas rare, en littérature, qu’un livre immortalise un homme et tue l’œuvre entier de l’écrivain. L’abbé Prévôt est l’auteur de Manon Lescaut, Bernardin de Saint-Pierre l’auteur de Paul et Virginie, Goldsmith l’auteur du Vicaire de Wakefield, et Daniel Defoe l’auteur de Robinson Crusoe. On ne s’inquiète pas de savoir si ces chefs-d’œuvre populaires sont, comme la fleur de l’aloès, une éclosion magnifique, mais solitaire, ou s’ils sont préparés, amenés, soutenus et comme expliqués par une série d’autres ouvrages de moindre mérite, sans doute, mais d’un intérêt encore bien vif, puisqu’ils marquent les phases de l’évolution d’un grand esprit. Nul plus que Defoe n’a souffert de ce dédain superbe de la postérité. Nul plus que lui n’a des titres à entrer dans cette galerie des auteurs de chefs-d’œuvre et de curiosités littéraires qu’on ignore ou dont on ne se souvient pas.
Daniel Defoe naquit à Londres en 1663. Il eut pour père un boucher. Il reçut une solide instruction. Son père était un dissenter ou dissident ; c’est-à-dire un ennemi de l’Église anglicane officielle. L’instruction est souvent tenue en plus haute estime dans les sectes que dans l’Église dominante. Les raisons en seraient faciles à donner ; mais elles sont aussi faciles à comprendre, et les exposer nous entraînerait trop loin. Il serait également trop long de raconter comment Daniel Defoe, destiné d’abord au commerce de la bonneterie, jeta, si l’on veut me permettre cette application particulière d’une phrase leste et banale, ses bonnets par dessus les moulins, et, dès l’âge de 21 ans, s’annonça comme publiciste par un pamphlet où il prend parti pour la civilisation contre la barbarie, et montre à ses contemporains que la haine du catholicisme ne doit pas leur faire souhaiter de voir l’Autriche engloutie sous l’inondation des Turcs.
Il est dès lors lancé dans la politique militante, à ses risques et périls ; et il ne s’y ménage pas. Complice du duc de Monmouth, et agent actif de la révolution de 1688, auteur d’un poème où il prouve que le devoir d’un véritable anglais est de reconnaître Guillaume d’Orange, conseiller du nouveau roi, agitateur parlementaire (Pétition de la Légion, 1701), il acquiert, sous la reine Anne, une notoriété, qu’il paya cher, par la publication de son pamphlet, The shortest way with the Dissenters (« Le plus court chemin pour en finir avec les Dissidents »), ironie sanglante où il propose la pendaison comme unique remède, et dont les conformistes conçurent une rage d’autant plus grande qu’ils avaient pris d’abord Defoe pour un des leurs, et sa cruauté dérisoire pour un zèle de bon aloi. Leur déconvenue se traduisit par le pilori et la prison dont leur tolérance gratifia l’auteur.
Dans sa cellule de Newgate, celui-ci parvint, non seulement à écrire, mais à faire publier un journal politique et satirique, que toute la presse militante du monde entier peut fièrement revendiquer pour aïeul ; car, s’il y avait déjà quelques feuilles de nouvelles ou d’adresses, rien de pareil n’existait encore. Ce journal, The Review (« La Revue »), dont le premier numéro parut le 19 février 1704, fut d’abord bi-hebdomadaire. À partir de l’année suivante, il se publia trois fois par semaine, et dura neuf ans. Il n’a jamais été réimprimé. Ce serait pourtant une grande curiosité, car on n’en connaît, paraît-il, qu’un exemplaire complet, jalousement gardé dans une bibliothèque particulière.
Le reste de sa vie politique, quels qu’en soient les revirements et les péripéties, ne doit pas nous arrêter ici où nous avons à donner quelques notes bibliographiques et non pas à faire une biographie. Nous n’avons pas davantage à prendre parti dans la controverse qui vient de s’élever sur la question de savoir si Defoe fut un héros ou un coquin. Tout en croyant, cette fois encore, que la vérité se tient entre les opinions extrêmes, il nous suffira de rappeler qu’après avoir été de nouveau condamné à la prison et à l’amende (20,000 francs, il passa les quinze dernières années de sa vie occupé de travaux littéraires dont le nombre et la valeur ne l’empêchèrent pas de mourir dans la misère, à l’âge de soixante-dix ans (1731).
Peu d’écrivains furent aussi féconds. L’œuvre de Dumas, à laquelle tant de collaborateurs mirent la main, est à peine comparable comme quantité à celle de Daniel Defoe, lequel n’eut jamais, que je sache, ni rédacteurs, ni préparateurs. On compte qu’il écrivit deux cent cinquante volumes et brochures, parmi lesquels, sans parler de Robinson Crusoe, plusieurs romans de longue haleine, tels que : La vie, les aventures et les pirateries du capitaine Singleton ; la Vie du colonel Jack ; les Mémoires d’un cavalier ; la Vie de Moll Flanders ; la Vie et les aventures de Duncan Campbell, etc. Citons encore, dans des genres divers : l’Histoire du Diable, l’Histoire de la Grande Peste de Londres, morceau resté classique, le Nouveau voyage autour du Monde, etc., etc.