L'évolution de la société liégeoise aux 18e et 19e siècles
Que peuvent nous apprendre les prédictions de l’Almanach de Mathieu Laensbergh en matière d’éveil aux idées des Lumières, au XVIIIe siècle ? Quel changement de mentalité à l’égard des pratiques magico-religieuses laissent entrevoir les commentaires du livret de pèlerinage à Saint-Hubert en Ardenne ? Comment les mémoires rédigés à l’occasion de procès opposant des communautés rurales aux autorités manifestent-ils le progrès du rationalisme critique, à travers un lexique où le bourgeois sensible côtoie l’aristocrate
éclairé ?
C’est à de telles questions que tâche de répondre le présent ouvrage, à partir d’une documentation associant littérature « populaire », journaux, catalogues de libraires, chansons, etc. La communication orale y trouve une place importante, notamment quand elle se fait dialectale. La diffusion de valeurs et d’interrogations communes s’opère aussi par le théâtre, où drames sérieux, vaudevilles et opéras-comiques – nous sommes au pays de Grétry – composent un véritable « paysage culturel ».
La question des changements qui travaillent la société liégeoise à la veille de la Révolution traverse ainsi un livre où cette dernière s’annonce dans la vigueur avec laquelle les classes populaires verviétoises, à travers la chanson, combattent l’ancien régime. Une figure d’exception dominera l’événement : Nicolas Bassenge, dont la célébration patriotique dessine le charisme en évolution, à mesure que se développe l’aspiration à une société pacifiée.
La même exigence de conciliation et de pragmatisme se lira dans le traitement accordé au dialecte wallon sous un régime français moins jacobin qu’on ne l’a parfois dit.
La question de la continuité et de la rupture se pose également dans le catalogue de la lecture qu’offre à Liège le passage de la fin du XVIIIe siècle à l’époque romantique. Quelles nouveautés foncières se font jour à côté d’une tradition persistante du livre « utile » visant désormais l’entrepreneur balzacien ? Avec Georges Sand et les Vésuviennes de 1848, la revendication féministe fera irruption sur la scène locale, tandis qu’alterneront dans la chanson de conscrit complaintes de la fille-mère et protestations contre une armée au service de la société de l’argent.
Un ouvrage très intéressant qui met en avant la culture, la communication orale et les chansons de la région liégeoise !
EXTRAIT
La campagne menée contre les Lumières vise en effet assez explicitement un large public, quand elle emprunte, dans une chanson dialectale outrageusement grossière, l’habit supposé de l’expression populaire et de son « bon sens » face aux nouveautés. Les portefaix et débardeurs qui sont censés composer ces « pasquilles » sont trop malpolis pour être honnêtes et véridiques. On sent, derrière, la plume du clerc. Modulons cependant ce qui vient d’être dit en constatant que le wallon n’était en aucune manière, au XVIIIe siècle, réservé au peuple. Les aristocrates qui collaborent à l’écriture du « Théâtre liégeois » (1757-58), quatre opéras-comiques patois, en usent comme d’un parler appelant la sympathie par son caractère familier, mais aussi comme d’un objet un tantinet burlesque.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Daniel Droixhe a enseigné l’histoire de la langue française, les méthodes de la philologie romane, l’histoire de la linguistique et la dialectologie wallonne à l’Université libre de Bruxelles. À l’Université de Liège, il s’est consacré à la littérature dialectale de Wallonie. Il a créé le programme Môriåne d’identification informatique des contrefaçons et co-fondé la Société wallonne d’étude du XVIIIe siècle. Il est membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique et de la Société française d’histoire de la médecine.
L'évolution de la société liégeoise aux 18e et 19e siècles
Que peuvent nous apprendre les prédictions de l’Almanach de Mathieu Laensbergh en matière d’éveil aux idées des Lumières, au XVIIIe siècle ? Quel changement de mentalité à l’égard des pratiques magico-religieuses laissent entrevoir les commentaires du livret de pèlerinage à Saint-Hubert en Ardenne ? Comment les mémoires rédigés à l’occasion de procès opposant des communautés rurales aux autorités manifestent-ils le progrès du rationalisme critique, à travers un lexique où le bourgeois sensible côtoie l’aristocrate
éclairé ?
C’est à de telles questions que tâche de répondre le présent ouvrage, à partir d’une documentation associant littérature « populaire », journaux, catalogues de libraires, chansons, etc. La communication orale y trouve une place importante, notamment quand elle se fait dialectale. La diffusion de valeurs et d’interrogations communes s’opère aussi par le théâtre, où drames sérieux, vaudevilles et opéras-comiques – nous sommes au pays de Grétry – composent un véritable « paysage culturel ».
La question des changements qui travaillent la société liégeoise à la veille de la Révolution traverse ainsi un livre où cette dernière s’annonce dans la vigueur avec laquelle les classes populaires verviétoises, à travers la chanson, combattent l’ancien régime. Une figure d’exception dominera l’événement : Nicolas Bassenge, dont la célébration patriotique dessine le charisme en évolution, à mesure que se développe l’aspiration à une société pacifiée.
La même exigence de conciliation et de pragmatisme se lira dans le traitement accordé au dialecte wallon sous un régime français moins jacobin qu’on ne l’a parfois dit.
La question de la continuité et de la rupture se pose également dans le catalogue de la lecture qu’offre à Liège le passage de la fin du XVIIIe siècle à l’époque romantique. Quelles nouveautés foncières se font jour à côté d’une tradition persistante du livre « utile » visant désormais l’entrepreneur balzacien ? Avec Georges Sand et les Vésuviennes de 1848, la revendication féministe fera irruption sur la scène locale, tandis qu’alterneront dans la chanson de conscrit complaintes de la fille-mère et protestations contre une armée au service de la société de l’argent.
Un ouvrage très intéressant qui met en avant la culture, la communication orale et les chansons de la région liégeoise !
EXTRAIT
La campagne menée contre les Lumières vise en effet assez explicitement un large public, quand elle emprunte, dans une chanson dialectale outrageusement grossière, l’habit supposé de l’expression populaire et de son « bon sens » face aux nouveautés. Les portefaix et débardeurs qui sont censés composer ces « pasquilles » sont trop malpolis pour être honnêtes et véridiques. On sent, derrière, la plume du clerc. Modulons cependant ce qui vient d’être dit en constatant que le wallon n’était en aucune manière, au XVIIIe siècle, réservé au peuple. Les aristocrates qui collaborent à l’écriture du « Théâtre liégeois » (1757-58), quatre opéras-comiques patois, en usent comme d’un parler appelant la sympathie par son caractère familier, mais aussi comme d’un objet un tantinet burlesque.
À PROPOS DE L'AUTEUR
Daniel Droixhe a enseigné l’histoire de la langue française, les méthodes de la philologie romane, l’histoire de la linguistique et la dialectologie wallonne à l’Université libre de Bruxelles. À l’Université de Liège, il s’est consacré à la littérature dialectale de Wallonie. Il a créé le programme Môriåne d’identification informatique des contrefaçons et co-fondé la Société wallonne d’étude du XVIIIe siècle. Il est membre de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique et de la Société française d’histoire de la médecine.