Le despotisme démocratique

Nonfiction, Reference & Language, Law, Civil Rights
Cover of the book Le despotisme démocratique by Alexis de Tocqueville, Editions de  L'Herne
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Author: Alexis de Tocqueville ISBN: 9782851975669
Publisher: Editions de L'Herne Publication: April 18, 2011
Imprint: Smashwords Edition Language: French
Author: Alexis de Tocqueville
ISBN: 9782851975669
Publisher: Editions de L'Herne
Publication: April 18, 2011
Imprint: Smashwords Edition
Language: French

Tocqueville n’est pas le premier « intellectuel » français à faire le voyage américain, quelques-uns avant lui avaient déjà tenté l’aventure, à commencer par Chateaubriand qui s’y exila après la Révolution, mais n’y trouva jamais, parmi les Natchez, que le reflet d’une solitude abyssale. Ici, la posture est autre. Dans les États-Unis d’alors, qui ne comptent encore qu’une vingtaine d’États, ceux de l’Est, à l’occasion d’une mission somme toute « technique », Tocqueville se livre à un ensemble d’observations et d’analyses de la société américaine et de son système politique. « En politique, dit-il, ce qu'il y a souvent de plus difficile à apprécier et à comprendre, c'est ce qui se passe sous nos yeux ». Pour mettre à jour les ressorts de la jeune démocratie américaine - qui est déjà bien davantage qu’une colonie anglaise fraîchement émancipée -, et en dégager les modalités structurantes, il faut se défaire des prismes hérités de la pensée politique classique. Ce qu’il repère de manière quasi « prophétique », et ce n’est pas la moindre originalité de la démarche, est moins la naissance d’un nouveau monde, rendu lointain par l’exotisme, que l’avenir de nos sociétés démocratiques, y compris celles de la « vieille Europe ».
Il note que c’est l’égalité et non la liberté qui constitue le caractère distinctif des démocraties et que la tendance à l’égalisation des conditions (à la fois formelle et réelle) comporte un risque pour la liberté. « Je vois une foule immense d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. » Les sociétés modernes sont portées vers une forme de « despotisme » inédit (bien que les « anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent point »), que Tocqueville s’emploie à définir, faute de concept disponible. L’égalité des conditions provoque l’atomisation du corps social, le repli sur eux-mêmes des individus, gagnés par la passion du bien-être et la multiplication des fortunes médiocres… Une tendance à la « moyennisation » de la société qui finit par engendrer le conformisme des mœurs et des opinions. S’installe alors une sorte de servitude douce, la tyrannie d’une majorité - nécessairement oppressive à l’égard de la minorité - qui s’en remet à l’État tout-puissant, à charge pour lui d’étendre l’égalité des conditions et de veiller à la vie paisible de chacun. « Au-dessus de ceux-là s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. »
Pour réussir à contrer la dérive non démocratique de la démocratie, pour que deviennent compatibles l’égalité et la liberté, Tocqueville suggère divers remèdes qui passent par la re-création de corps intermédiaires (abolit par la révolution), la défense de la liberté de la presse et l’indépendance du pouvoir judiciaire. Toute chose susceptible de redonner l’initiative aux citoyens et de revitaliser le débat politique trop souvent abandonné au profit de l’abominable « consensus » qui tend à faire taire a priori tout désaccord fécond.

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Tocqueville n’est pas le premier « intellectuel » français à faire le voyage américain, quelques-uns avant lui avaient déjà tenté l’aventure, à commencer par Chateaubriand qui s’y exila après la Révolution, mais n’y trouva jamais, parmi les Natchez, que le reflet d’une solitude abyssale. Ici, la posture est autre. Dans les États-Unis d’alors, qui ne comptent encore qu’une vingtaine d’États, ceux de l’Est, à l’occasion d’une mission somme toute « technique », Tocqueville se livre à un ensemble d’observations et d’analyses de la société américaine et de son système politique. « En politique, dit-il, ce qu'il y a souvent de plus difficile à apprécier et à comprendre, c'est ce qui se passe sous nos yeux ». Pour mettre à jour les ressorts de la jeune démocratie américaine - qui est déjà bien davantage qu’une colonie anglaise fraîchement émancipée -, et en dégager les modalités structurantes, il faut se défaire des prismes hérités de la pensée politique classique. Ce qu’il repère de manière quasi « prophétique », et ce n’est pas la moindre originalité de la démarche, est moins la naissance d’un nouveau monde, rendu lointain par l’exotisme, que l’avenir de nos sociétés démocratiques, y compris celles de la « vieille Europe ».
Il note que c’est l’égalité et non la liberté qui constitue le caractère distinctif des démocraties et que la tendance à l’égalisation des conditions (à la fois formelle et réelle) comporte un risque pour la liberté. « Je vois une foule immense d'hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. » Les sociétés modernes sont portées vers une forme de « despotisme » inédit (bien que les « anciens mots de despotisme et de tyrannie ne conviennent point »), que Tocqueville s’emploie à définir, faute de concept disponible. L’égalité des conditions provoque l’atomisation du corps social, le repli sur eux-mêmes des individus, gagnés par la passion du bien-être et la multiplication des fortunes médiocres… Une tendance à la « moyennisation » de la société qui finit par engendrer le conformisme des mœurs et des opinions. S’installe alors une sorte de servitude douce, la tyrannie d’une majorité - nécessairement oppressive à l’égard de la minorité - qui s’en remet à l’État tout-puissant, à charge pour lui d’étendre l’égalité des conditions et de veiller à la vie paisible de chacun. « Au-dessus de ceux-là s'élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d'assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. »
Pour réussir à contrer la dérive non démocratique de la démocratie, pour que deviennent compatibles l’égalité et la liberté, Tocqueville suggère divers remèdes qui passent par la re-création de corps intermédiaires (abolit par la révolution), la défense de la liberté de la presse et l’indépendance du pouvoir judiciaire. Toute chose susceptible de redonner l’initiative aux citoyens et de revitaliser le débat politique trop souvent abandonné au profit de l’abominable « consensus » qui tend à faire taire a priori tout désaccord fécond.

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