Author: | THÉOPHILE GAUTIER | ISBN: | 1230000213186 |
Publisher: | GILBERT TEROL | Publication: | January 27, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | THÉOPHILE GAUTIER |
ISBN: | 1230000213186 |
Publisher: | GILBERT TEROL |
Publication: | January 27, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
Rumphius, l’égyptologue, conservait, même sous ce brûlant climat, l’habit noir traditionnel du savant avec ses pans flasques, son collet recroquevillé, ses boutons éraillés, dont quelques-uns s’étaient échappés de leur capsule de soie. Son pantalon noir luisait par places et laissait voir la trame ; près du genou droit, l’observateur attentif eût remarqué sur le fond grisâtre de l’étoffe un travail régulier de hachures d’un ton plus vigoureux, qui témoignait chez le savant de l’habitude d’essuyer sa plume trop chargée d’encre sur cette partie de son vêtement. Sa cravate de mousseline roulée en corde flottait lâchement autour de son col, remarquable par la forte saillie de ce cartilage appelé par les bonnes femmes la pomme d’Adam. S’il était vêtu avec une négligence scientifique, en revanche Rumphius n’était pas beau : quelques cheveux roussâtres, mélangés de fils gris, se massaient derrière ses oreilles écartées et se rebellaient contre le collet beaucoup trop haut de son habit ; son crâne, entièrement dénudé, brillait comme un os et surplombait un nez d’une prodigieuse longueur, spongieux et bulbeux du bout, configuration qui, jointe aux disques bleuâtres formés par les lunettes à la place des yeux, lui donnait une vague apparence d’ibis, encore augmentée par l’enfoncement des épaules : aspect tout à fait convenable d’ailleurs et presque providentiel pour un déchiffreur d’inscriptions et de cartouches hiéroglyphiques. On eût dit un dieu ibiocéphale, comme on en voit sur les fresques funèbres, confiné dans un corps de savant par suite de quelque transmigration.
Le lord et le docteur cheminaient vers les rochers à pic qui enserrent la funèbre vallée de Biban-el-Molouk, la nécropole royale de l’ancienne Thèbes, tenant la conversation dont nous avons rapporté quelques phrases, lorsque, sortant comme un troglodyte de la gueule noire d’un sépulcre vide, habitation ordinaire des fellahs, un nouveau personnage, vêtu d’une façon assez théâtrale, fit brusquement son entrée en scène, se posa devant les voyageurs et les salua de ce gracieux salut des Orientaux, à la fois humble, caressant et digne.
Rumphius, l’égyptologue, conservait, même sous ce brûlant climat, l’habit noir traditionnel du savant avec ses pans flasques, son collet recroquevillé, ses boutons éraillés, dont quelques-uns s’étaient échappés de leur capsule de soie. Son pantalon noir luisait par places et laissait voir la trame ; près du genou droit, l’observateur attentif eût remarqué sur le fond grisâtre de l’étoffe un travail régulier de hachures d’un ton plus vigoureux, qui témoignait chez le savant de l’habitude d’essuyer sa plume trop chargée d’encre sur cette partie de son vêtement. Sa cravate de mousseline roulée en corde flottait lâchement autour de son col, remarquable par la forte saillie de ce cartilage appelé par les bonnes femmes la pomme d’Adam. S’il était vêtu avec une négligence scientifique, en revanche Rumphius n’était pas beau : quelques cheveux roussâtres, mélangés de fils gris, se massaient derrière ses oreilles écartées et se rebellaient contre le collet beaucoup trop haut de son habit ; son crâne, entièrement dénudé, brillait comme un os et surplombait un nez d’une prodigieuse longueur, spongieux et bulbeux du bout, configuration qui, jointe aux disques bleuâtres formés par les lunettes à la place des yeux, lui donnait une vague apparence d’ibis, encore augmentée par l’enfoncement des épaules : aspect tout à fait convenable d’ailleurs et presque providentiel pour un déchiffreur d’inscriptions et de cartouches hiéroglyphiques. On eût dit un dieu ibiocéphale, comme on en voit sur les fresques funèbres, confiné dans un corps de savant par suite de quelque transmigration.
Le lord et le docteur cheminaient vers les rochers à pic qui enserrent la funèbre vallée de Biban-el-Molouk, la nécropole royale de l’ancienne Thèbes, tenant la conversation dont nous avons rapporté quelques phrases, lorsque, sortant comme un troglodyte de la gueule noire d’un sépulcre vide, habitation ordinaire des fellahs, un nouveau personnage, vêtu d’une façon assez théâtrale, fit brusquement son entrée en scène, se posa devant les voyageurs et les salua de ce gracieux salut des Orientaux, à la fois humble, caressant et digne.