Les Princesses d’Amour : courtisanes japonaises

Fiction & Literature, Literary Theory & Criticism, French, European
Cover of the book Les Princesses d’Amour : courtisanes japonaises by Judith Gautier, CP
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Author: Judith Gautier ISBN: 1230000849098
Publisher: CP Publication: December 16, 2015
Imprint: Language: French
Author: Judith Gautier
ISBN: 1230000849098
Publisher: CP
Publication: December 16, 2015
Imprint:
Language: French

— Si mes amis de Tokio, me voyaient ainsi, le nez vers la terre, accroupi très humblement devant le daïmio et sa noble épouse, ils me trouveraient bien peu moderne, pas du tout « dans le train », comme l’on dit à Paris, à ce qu’il paraît, et ils se moqueraient de moi. J’ai tout à fait l’air d’un samouraï du temps féodal, prosterné devant son seigneur… Il est vrai que notre féodalité, à nous, régnait encore il y a vingt-cinq ans à peine et que, moralement, je suis toujours vassal de mon prince dans cette cour très arriérée. Kama-Koura n’est pas Tokio, hélas !

C’est par la cervelle joyeuse du jeune étudiant Yamato, que passaient ces réflexions, tandis qu’accroupi, les mains sur les cuisses, la tête courbée sur sa poitrine, il écoutait, d’un air profondément respectueux, la communication que lui faisait, d’une voix lente et solennelle, le vieux daïmio de Kama-Koura.

Le prince était assis par terre, sur une natte blanche, devant un beau paravent à fond d’or fleuri de pivoines, et à côté de lui, debout, la princesse, sa femme, s’éventait avec agitation.

— Ce matin même, disait le daïmio, la mère de mon fils, s’est présentée devant moi, et m’a parlé de la sorte : « Monseigneur, avez-vous remarqué combien notre cher San-Daï est pâle, comme ses yeux se creusent, comme il se traîne d’un air las, en marchant, et quel pli trop grave crispe sa jolie bouche, faite pour le rire ? » Alors j’ai répondu « Oui, princesse, j’ai remarqué tout cela depuis longtemps, et j’ai jugé que notre unique enfant s’adonne trop exclusivement à l’étude, que l’heure est venue pour lui d’être un peu fou et dissipé, comme le sont les jeunes hommes de son âge. Je le lui ai fait entendre plusieurs fois, l’autorisant à s’amuser à sa fantaisie ; mais il m’a répondu « La vie est courte, la science infinie ; pourquoi gaspiller un temps si bref en de frivoles plaisirs ? »

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— Si mes amis de Tokio, me voyaient ainsi, le nez vers la terre, accroupi très humblement devant le daïmio et sa noble épouse, ils me trouveraient bien peu moderne, pas du tout « dans le train », comme l’on dit à Paris, à ce qu’il paraît, et ils se moqueraient de moi. J’ai tout à fait l’air d’un samouraï du temps féodal, prosterné devant son seigneur… Il est vrai que notre féodalité, à nous, régnait encore il y a vingt-cinq ans à peine et que, moralement, je suis toujours vassal de mon prince dans cette cour très arriérée. Kama-Koura n’est pas Tokio, hélas !

C’est par la cervelle joyeuse du jeune étudiant Yamato, que passaient ces réflexions, tandis qu’accroupi, les mains sur les cuisses, la tête courbée sur sa poitrine, il écoutait, d’un air profondément respectueux, la communication que lui faisait, d’une voix lente et solennelle, le vieux daïmio de Kama-Koura.

Le prince était assis par terre, sur une natte blanche, devant un beau paravent à fond d’or fleuri de pivoines, et à côté de lui, debout, la princesse, sa femme, s’éventait avec agitation.

— Ce matin même, disait le daïmio, la mère de mon fils, s’est présentée devant moi, et m’a parlé de la sorte : « Monseigneur, avez-vous remarqué combien notre cher San-Daï est pâle, comme ses yeux se creusent, comme il se traîne d’un air las, en marchant, et quel pli trop grave crispe sa jolie bouche, faite pour le rire ? » Alors j’ai répondu « Oui, princesse, j’ai remarqué tout cela depuis longtemps, et j’ai jugé que notre unique enfant s’adonne trop exclusivement à l’étude, que l’heure est venue pour lui d’être un peu fou et dissipé, comme le sont les jeunes hommes de son âge. Je le lui ai fait entendre plusieurs fois, l’autorisant à s’amuser à sa fantaisie ; mais il m’a répondu « La vie est courte, la science infinie ; pourquoi gaspiller un temps si bref en de frivoles plaisirs ? »

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