Sous couvert d’une œuvre plaisante, apparemment frivole, Montesquieu ose la satire et dénonce !
Les Lettres persanes sont une fantaisie littéraire et philosophique, écrite sous forme épistolaire, par Montesquieu. Publiées anonymement en 1721, elles connaissent un succès étourdissant, jamais démenti, qui ouvre à leur auteur les portes de l’Académie Française en 1727.
Dans le goût de son temps, l’histoire met en scène deux Persans mahométans, Rica et Usbek, qui visitent l’Europe, s’écrivent, et écrivent à leurs amis restés en Perse. Les Lettres s’échelonnent de février 1711 au commencement de 1720. Arrivés à Paris au terme du règne interminable, surtout vers la fin, du Roi Soleil, ils la quittent dans l’effervescence crapuleuse des premiers temps de la Régence.
Éblouis, surpris, ébahis, atterrés, ils ne cessent d’échanger entre eux et avec leurs amis sur cette vie occidentale qu’ils découvrent avec la curiosité avide du voyageur éclairé. Chaque étonnement, chaque commentaire donne vie à un tableau de mœurs sans équivalent, mais aussi à une critique virulente des institutions politiques et religieuses. Avec prudence, Montesquieu commence par se moquer des travers de ses contemporains ; puis, il s’interroge, usant du même ton faussement ingénu, sur la monarchie française, la justice ou le Pape ; enfin, il polémique sur des sujets historiques et sociologiques comme la démographie ou les faits économiques.
C’est là toute la force des Lettres persanes. Sous couvert d’une œuvre plaisante, apparemment frivole, Montesquieu ose ! Il ose la satire de mœurs qui n’est pas sans rappeler La Bruyère ; il ose la contestation radicale des dogmes qui annonce Voltaire. Il ose dénoncer les institutions comme responsables de la corruption sociale, thèse plus tard développée par Rousseau.
Eh oui, dans ce petit livre plein de malice, il y a beaucoup de finesse, de science et de réflexion. Et il y a aussi deux Persans, plongés dans un monde qu’ils ne comprennent pas toujours, et qu’un séjour prolongé en Europe va rendre moins dociles à l’égard de leurs propres croyances et institutions.
Les Lettres persanes sont en pleine résonance avec l’actualité et, si Montesquieu ne l’avait pas prévu, c’est une raison de plus de les lire !
EXTRAIT
Le roi de France est le plus puissant prince de l'Europe. Il n'a point de mines d'or, comme le roi d'Espagne son voisin ; mais il a plus de richesses que lui, parce qu'il les tire de la vanité de ses sujets, plus inépuisable que les mines. On lui a vu entreprendre ou soutenir de grandes guerres, n'ayant d'autres fonds que des titres d'honneur à vendre ; et, par un prodige de l'orgueil humain, ses troupes se trouvaient payées, ses places munies, et ses flottes équipées.
D'ailleurs, ce roi est un grand magicien : il exerce son empire sur l'esprit même de ses sujets ; il les fait penser comme il veut. S'il n'a qu'un million d'écus dans son trésor, et qu'il en ait besoin de deux, il n'a qu'à leur persuader qu'un écu en vaut deux ; et ils le croient. S'il a une guerre difficile à soutenir, et qu'il n'ait point d'argent, il n'a qu'à leur mettre dans la tête qu'un morceau de papier est de l'argent ; et ils en sont aussitôt convaincus. Il va même jusqu'à leur faire croire qu'il les guérit de toutes sortes de maux, en les touchant, tant est grande la force et la puissance qu'il a sur les esprits.
Sous couvert d’une œuvre plaisante, apparemment frivole, Montesquieu ose la satire et dénonce !
Les Lettres persanes sont une fantaisie littéraire et philosophique, écrite sous forme épistolaire, par Montesquieu. Publiées anonymement en 1721, elles connaissent un succès étourdissant, jamais démenti, qui ouvre à leur auteur les portes de l’Académie Française en 1727.
Dans le goût de son temps, l’histoire met en scène deux Persans mahométans, Rica et Usbek, qui visitent l’Europe, s’écrivent, et écrivent à leurs amis restés en Perse. Les Lettres s’échelonnent de février 1711 au commencement de 1720. Arrivés à Paris au terme du règne interminable, surtout vers la fin, du Roi Soleil, ils la quittent dans l’effervescence crapuleuse des premiers temps de la Régence.
Éblouis, surpris, ébahis, atterrés, ils ne cessent d’échanger entre eux et avec leurs amis sur cette vie occidentale qu’ils découvrent avec la curiosité avide du voyageur éclairé. Chaque étonnement, chaque commentaire donne vie à un tableau de mœurs sans équivalent, mais aussi à une critique virulente des institutions politiques et religieuses. Avec prudence, Montesquieu commence par se moquer des travers de ses contemporains ; puis, il s’interroge, usant du même ton faussement ingénu, sur la monarchie française, la justice ou le Pape ; enfin, il polémique sur des sujets historiques et sociologiques comme la démographie ou les faits économiques.
C’est là toute la force des Lettres persanes. Sous couvert d’une œuvre plaisante, apparemment frivole, Montesquieu ose ! Il ose la satire de mœurs qui n’est pas sans rappeler La Bruyère ; il ose la contestation radicale des dogmes qui annonce Voltaire. Il ose dénoncer les institutions comme responsables de la corruption sociale, thèse plus tard développée par Rousseau.
Eh oui, dans ce petit livre plein de malice, il y a beaucoup de finesse, de science et de réflexion. Et il y a aussi deux Persans, plongés dans un monde qu’ils ne comprennent pas toujours, et qu’un séjour prolongé en Europe va rendre moins dociles à l’égard de leurs propres croyances et institutions.
Les Lettres persanes sont en pleine résonance avec l’actualité et, si Montesquieu ne l’avait pas prévu, c’est une raison de plus de les lire !
EXTRAIT
Le roi de France est le plus puissant prince de l'Europe. Il n'a point de mines d'or, comme le roi d'Espagne son voisin ; mais il a plus de richesses que lui, parce qu'il les tire de la vanité de ses sujets, plus inépuisable que les mines. On lui a vu entreprendre ou soutenir de grandes guerres, n'ayant d'autres fonds que des titres d'honneur à vendre ; et, par un prodige de l'orgueil humain, ses troupes se trouvaient payées, ses places munies, et ses flottes équipées.
D'ailleurs, ce roi est un grand magicien : il exerce son empire sur l'esprit même de ses sujets ; il les fait penser comme il veut. S'il n'a qu'un million d'écus dans son trésor, et qu'il en ait besoin de deux, il n'a qu'à leur persuader qu'un écu en vaut deux ; et ils le croient. S'il a une guerre difficile à soutenir, et qu'il n'ait point d'argent, il n'a qu'à leur mettre dans la tête qu'un morceau de papier est de l'argent ; et ils en sont aussitôt convaincus. Il va même jusqu'à leur faire croire qu'il les guérit de toutes sortes de maux, en les touchant, tant est grande la force et la puissance qu'il a sur les esprits.