Author: | Anatole France | ISBN: | 1230000629027 |
Publisher: | pb | Publication: | August 25, 2015 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Anatole France |
ISBN: | 1230000629027 |
Publisher: | pb |
Publication: | August 25, 2015 |
Imprint: | |
Language: | French |
Ces propos n’étaient point nouveaux ; Angélique et son maître les
échangeaient chaque fois qu’une volaille rôtie venait sur la table. Et ce
n’était pas légèrement, ni certes pour épargner sa peine, que la servante
s’obstinait à offrir au maître le couteau à découper, comme un signe de
l’honneur qui lui était dû. Parmi les paysans dont elle était sortie et chez
les petits bourgeois où elle avait servi, il est de tradition que le soin de
découper les pièces appartient au maître. Le respect des traditions était
profond dans son âme fidèle. Elle n’approuvait pas que M. Bergeret y
manquât, qu’il se déchargeât sur elle d’une fonction magistrale et qu’il
n’accomplît pas lui-même son office de table, puisqu’il n’était pas assez
grand seigneur pour le confier à un maître d’hôtel, comme font les Brécé,
les Bonmont et d’autres à la ville ou à la campagne. Elle savait à quoi
l’honneur oblige un bourgeois qui dîne dans sa maison et elle s’efforçait,
à chaque occasion, d’y ramener M. Bergeret.
— Le couteau est fraîchement affûté. Monsieur peut bien lever une
aile. Ce n’est pas difficile de trouver le joint, quand le poulet est tendre.
— Angélique, veuillez découper ce?e volaille.
Elle obéit à regret, et alla, un peu confuse, découper le poulet sur un
coin du buffet. À l’endroit de la nourriture humaine, elle avait des idées
plus exactes mais non moins respectueuses que celles de Riquet...
Ces propos n’étaient point nouveaux ; Angélique et son maître les
échangeaient chaque fois qu’une volaille rôtie venait sur la table. Et ce
n’était pas légèrement, ni certes pour épargner sa peine, que la servante
s’obstinait à offrir au maître le couteau à découper, comme un signe de
l’honneur qui lui était dû. Parmi les paysans dont elle était sortie et chez
les petits bourgeois où elle avait servi, il est de tradition que le soin de
découper les pièces appartient au maître. Le respect des traditions était
profond dans son âme fidèle. Elle n’approuvait pas que M. Bergeret y
manquât, qu’il se déchargeât sur elle d’une fonction magistrale et qu’il
n’accomplît pas lui-même son office de table, puisqu’il n’était pas assez
grand seigneur pour le confier à un maître d’hôtel, comme font les Brécé,
les Bonmont et d’autres à la ville ou à la campagne. Elle savait à quoi
l’honneur oblige un bourgeois qui dîne dans sa maison et elle s’efforçait,
à chaque occasion, d’y ramener M. Bergeret.
— Le couteau est fraîchement affûté. Monsieur peut bien lever une
aile. Ce n’est pas difficile de trouver le joint, quand le poulet est tendre.
— Angélique, veuillez découper ce?e volaille.
Elle obéit à regret, et alla, un peu confuse, découper le poulet sur un
coin du buffet. À l’endroit de la nourriture humaine, elle avait des idées
plus exactes mais non moins respectueuses que celles de Riquet...