Gœthe dit quelque part, dans son roman de Wilhelm Meister, «qu'un ouvrage d'imagination doit être parfait, ou ne doit pas exister». Si cette maxime sévère était suivie, combien peu d'ouvrages existeraient, à commencer par Wilhelm Meister lui-même! Cependant, en dépit de cet arrêt qu'il avait prononcé, le patriarche allemand fut le premier à donner, dans les arts, l'exemple d'une tolérance vraiment admirable. Non seulement il s'étudiait à inspirer à ses amis un respect profond pour les œuvres des grands hommes, mais il voulait toujours qu'au lieu de se rebuter des défauts d'une production médiocre, on cherchât dans un livre, dans une gravure, dans le plus faible et le plus pâle essai, une étincelle de vie; plus d'une fois des jeunes gens à tête chaude, hardis et tranchants, au moment où ils levaient les épaules de pitié, ont entendu sortir des lèvres du vieux maître en cheveux gris ces paroles accompagnées d'un doux sourire: «Il y a quelque chose de bon dans les plus mauvaises choses.» Les gens qui connaissent l'Allemagne et qui ont approché, dans leurs voyages, quelques-uns des membres de ce cercle esthétique de Weimar, dont l'auteur de Werther était l'âme, savent qu'il a laissé après lui cette consolante et noble maxime. Bien que, dans notre siècle, les livres ne soient guère que des objets de distraction, de pures superfluités, où l'agréable, ce bouffon suranné, oublie innocemment son confrère l'utile, il me semble que si je me trouvais chargé, pour une production quelconque, du difficile métier de critique, au moment où je poserais le livre pour prendre la plume, la figure vénérable de Gœthe m'apparaîtrait avec sa dignité homérique et son antique bonhomie. En effet, tout homme qui écrit un livre est mû par trois raisons: premièrement, l'amour-propre, autrement dit, le désir de la gloire; secondement, le besoin de s'occuper, et, en troisième lieu, l'intérêt pécuniaire. Selon l'âge et les circonstances, ces trois mobiles varient et prennent dans l'esprit de l'auteur la première ou la dernière place; mais ils n'en subsistent pas moins.
Gœthe dit quelque part, dans son roman de Wilhelm Meister, «qu'un ouvrage d'imagination doit être parfait, ou ne doit pas exister». Si cette maxime sévère était suivie, combien peu d'ouvrages existeraient, à commencer par Wilhelm Meister lui-même! Cependant, en dépit de cet arrêt qu'il avait prononcé, le patriarche allemand fut le premier à donner, dans les arts, l'exemple d'une tolérance vraiment admirable. Non seulement il s'étudiait à inspirer à ses amis un respect profond pour les œuvres des grands hommes, mais il voulait toujours qu'au lieu de se rebuter des défauts d'une production médiocre, on cherchât dans un livre, dans une gravure, dans le plus faible et le plus pâle essai, une étincelle de vie; plus d'une fois des jeunes gens à tête chaude, hardis et tranchants, au moment où ils levaient les épaules de pitié, ont entendu sortir des lèvres du vieux maître en cheveux gris ces paroles accompagnées d'un doux sourire: «Il y a quelque chose de bon dans les plus mauvaises choses.» Les gens qui connaissent l'Allemagne et qui ont approché, dans leurs voyages, quelques-uns des membres de ce cercle esthétique de Weimar, dont l'auteur de Werther était l'âme, savent qu'il a laissé après lui cette consolante et noble maxime. Bien que, dans notre siècle, les livres ne soient guère que des objets de distraction, de pures superfluités, où l'agréable, ce bouffon suranné, oublie innocemment son confrère l'utile, il me semble que si je me trouvais chargé, pour une production quelconque, du difficile métier de critique, au moment où je poserais le livre pour prendre la plume, la figure vénérable de Gœthe m'apparaîtrait avec sa dignité homérique et son antique bonhomie. En effet, tout homme qui écrit un livre est mû par trois raisons: premièrement, l'amour-propre, autrement dit, le désir de la gloire; secondement, le besoin de s'occuper, et, en troisième lieu, l'intérêt pécuniaire. Selon l'âge et les circonstances, ces trois mobiles varient et prennent dans l'esprit de l'auteur la première ou la dernière place; mais ils n'en subsistent pas moins.