Author: | Descartes | ISBN: | 1230000220384 |
Publisher: | Descartes | Publication: | February 22, 2014 |
Imprint: | Language: | French |
Author: | Descartes |
ISBN: | 1230000220384 |
Publisher: | Descartes |
Publication: | February 22, 2014 |
Imprint: | |
Language: | French |
EXTRAIT:
Monsieur,
La version que vous avez pris la peine de faire de mes Principes est si nette et si accomplie, qu’elle me fait espérer qu’ils seront lus par plus de personnes en français qu’en latin, et qu’ils seront mieux entendus. J’appréhende seulement que le titre n’en rebute plusieurs qui n’ont point été nourris aux lettres, ou bien qui ont mauvaise opinion de la philosophie: à cause que celle qu’on leur a enseignée ne les a pas contentés; et cela me fait croire qu’il serait bon d’y ajouter une préface qui leur déclarât quel est le sujet du livre, quel dessein j’ai eu en l’écrivant, et quelle utilité on en peut tirer. Mais encore que ce serait à moi de faire cette préface, à cause que je dois savoir ces choses-là mieux qu’aucun autre, je ne puis rien obtenir de moi-même sinon que je mettrai ici en abrégé les principaux points qui me semblent y devoir être traités; et je laisse à votre discrétion d’en faire telle part au public que vous jugerez être à propos.
J’aurais voulu premièrement y expliquer ce que c’est que la philosophie, en commençant par les choses les plus vulgaires, comme sont: que ce mot philosophie signifie l’étude de la sagesse, et que par la sagesse on n’entend pas seulement la prudence dans les affaires, mais une parfaite connaissance de toutes les choses que l’homme peut savoir, tant pour la conduite de sa vie que pour la conservation de sa santé et l’invention de tous les arts; et qu’afin que cette connaissance soit telle, il est nécessaire qu’elle soit déduite des premières causes, en sorte que pour étudier à l’acquérir, ce qui se nomme proprement philosopher, il faut commencer par la recherche de ces premières causes, c’est-à-dire des principes; et que ces principes doivent avoir deux conditions: l’une, qu’ils soient si clairs et si évidents que l’esprit humain ne puisse douter de leur vérité, lorsqu’il s’applique avec attention à les considérer; l’autre, que ce soit d’eux que dépende la connaissance des autres choses, en sorte qu’ils puissent être connus sans elles, mais non pas réciproquement elles sans eux; et qu’après cela il faut tâcher de déduire tellement de ces principes la connaissance des choses qui en dépendent, qu’il n’y ait rien en toute la suite des déductions qu’on en fait qui ne soit très manifeste. Il n’y a véritablement que Dieu seul qui soit parfaitement sage, c’est-à-dire qui ait l’entière connaissance de la vérité de toutes choses; mais on peut dire que les hommes ont plus ou moins de sagesse à raison de ce qu’ils ont plus ou moins de connaissance des vérités plus importantes. Et je crois qu’il n’y a rien en ceci dont tous les doctes ne demeurent d’accord.
EXTRAIT:
Monsieur,
La version que vous avez pris la peine de faire de mes Principes est si nette et si accomplie, qu’elle me fait espérer qu’ils seront lus par plus de personnes en français qu’en latin, et qu’ils seront mieux entendus. J’appréhende seulement que le titre n’en rebute plusieurs qui n’ont point été nourris aux lettres, ou bien qui ont mauvaise opinion de la philosophie: à cause que celle qu’on leur a enseignée ne les a pas contentés; et cela me fait croire qu’il serait bon d’y ajouter une préface qui leur déclarât quel est le sujet du livre, quel dessein j’ai eu en l’écrivant, et quelle utilité on en peut tirer. Mais encore que ce serait à moi de faire cette préface, à cause que je dois savoir ces choses-là mieux qu’aucun autre, je ne puis rien obtenir de moi-même sinon que je mettrai ici en abrégé les principaux points qui me semblent y devoir être traités; et je laisse à votre discrétion d’en faire telle part au public que vous jugerez être à propos.
J’aurais voulu premièrement y expliquer ce que c’est que la philosophie, en commençant par les choses les plus vulgaires, comme sont: que ce mot philosophie signifie l’étude de la sagesse, et que par la sagesse on n’entend pas seulement la prudence dans les affaires, mais une parfaite connaissance de toutes les choses que l’homme peut savoir, tant pour la conduite de sa vie que pour la conservation de sa santé et l’invention de tous les arts; et qu’afin que cette connaissance soit telle, il est nécessaire qu’elle soit déduite des premières causes, en sorte que pour étudier à l’acquérir, ce qui se nomme proprement philosopher, il faut commencer par la recherche de ces premières causes, c’est-à-dire des principes; et que ces principes doivent avoir deux conditions: l’une, qu’ils soient si clairs et si évidents que l’esprit humain ne puisse douter de leur vérité, lorsqu’il s’applique avec attention à les considérer; l’autre, que ce soit d’eux que dépende la connaissance des autres choses, en sorte qu’ils puissent être connus sans elles, mais non pas réciproquement elles sans eux; et qu’après cela il faut tâcher de déduire tellement de ces principes la connaissance des choses qui en dépendent, qu’il n’y ait rien en toute la suite des déductions qu’on en fait qui ne soit très manifeste. Il n’y a véritablement que Dieu seul qui soit parfaitement sage, c’est-à-dire qui ait l’entière connaissance de la vérité de toutes choses; mais on peut dire que les hommes ont plus ou moins de sagesse à raison de ce qu’ils ont plus ou moins de connaissance des vérités plus importantes. Et je crois qu’il n’y a rien en ceci dont tous les doctes ne demeurent d’accord.